Si l’on en croit le programme du FN et les confidences d’un proche, Marine Le Pen a préparé un plan glaçant pour se donner une majorité à l’Assemblée nationale tout en étant minoritaire. De quoi inciter à réfléchir avant de voter blanc ou s’abstenir.
» Ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre? » Le propos est signé Brecht, et il a beaucoup servi, nous en convenons. Mais comment éviter de s’y référer lorsque l’on découvre ce mercredi matin le plan du Front national pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale tout en demeurant profondément minoritaire dans le pays, au cas où, par accident, Marine Le Pen deviendrait présidente dimanche prochain.
Dans le Canard Enchaîné, de ce mercredi 3 mai, Gilles Lebreton, eurodéputé FN et membre du conseil stratégique de Marine Le Pen, dévoile l’idée géniale retenue par les stratèges lepénistes pour contourner le suffrage universel, et c’est glaçant: » Si la nouvelle Assemblée nous est hostile, nous changerons la loi électorale par un référendum organisé dès l’été prochain, puis la Présidente dissoudra l’Assemblée… »
Ici réside le détournement potentiel, dans la mesure où avant de nouvelles élections législatives, qui auraient lieu à la fin de l’été, voire au début septembre, la présidente Le Pen aura soumis au peuple français, par référendum une nouvelle loi électorale instaurant la proportionnelle.
Mais attention! Pas n’importe quelle forme de proportionnelle! Cette dernière serait intégrale, mais en apparence seulement. L’engagement 3 du programme de la candidate Le Pen précise qu’une « une prime majoritaire de 30% des sièges pour la liste arrivée en tête et un seuil de 5% des suffrages pour obtenir des élus ». Précision qu’il convient de relier à l’engagement 4, qui prévoit de réduire le nombre de députés à 300. Autrement dit, la proportionnelle » intégrale » de Marine Le Pen ne s’appliquerait que sur 210 sièges, 90 d’entre eux étant affectés à la liste arrivée en tête eux élections législatives.
En clair, si le FN obtenait au moins 25% des voix et finissait comme le premier parti de France, il lui serait possible d’espérer la majorité des sièges à l’Assemblée nationale grâce à la prime de 90 sièges automatiquement alloués à la liste arrivée en tête.
Un référendum pour modifier le mode de scrutin
Donc, le scénario serait le suivant. Elue présidente, Marine Le Pen voit ses candidats battus aux élections législatives. Dans la foulée, elle convoque un référendum, via l’article 11 de la constitution, de manière à modifier le mode de scrutin pour en inventer qui l’arrange, hors tout contrôle du Conseil constitutionnel, qui ne peut rien, à ce moment de la décision politique, contre tout projet de loi adopté par référendum, fut-il contraire à la constitution.
Une fois ce référendum remporté (éventuellement), la présidente Le Pen dissout l’Assemblée nationale et fort d’un mode de scrutin parfaitement inique peut espérer, avec 25% des voix accrocher une majorité parlementaire. Ou se trouver proche de la majorité absolue et ambitionner quelques ralliements en mode Dupont-Aignan ou députés en mal de pouvoir, appâtés par l’aubaine.
Nous sommes alors au cœur de l’été… Voir en septembre… Et cela fait un an et demi que la France est en campagne électorale permanente… Et finit par donner le pouvoir absolu à un parti qui ne représente qu’un quart des Français… Tel est le scénario insensé et vaniteux conçu par le Front national.
Le pire à redouter avec l’article 16
Ajoutons à cela qu’il est possible que, durant la période allant de son élection, le 7 mai, jusqu’au mois de septembre, Marine Le Pen ne se résigne pas à l’immobilisme politique. Elle dispose en effet d’une arme redoutable, l’article 16 de la constitution, qui permet au président de la République de s’emparer des pleins pouvoirs selon son bon plaisir: » Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il en informe la nation par un message. »
Il suffit de lire l’article 16, compte tenu des conceptions très particulières de Marine Le Pen pour ce qui touche à » l’indépendance de la Nation « , » l’intégrité du territoire » ou » l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics « , pour comprendre que le pire serait à redouter… Surtout au vu du scénario prévu par les stratèges politiques du FN, élaboré par ce que certains pourraient qualifier de » cerveaux malades « , dans le but de détourner le suffrage universel.
Tout cela est en fait délirant. Ce n’est pas sérieux, mais c’est bel et bien dangereux. Et devrait inciter les grandes figures de la France insoumise et les intellectuels médiatiques qui font profession de foi contre la République en appelant au vote blanc, à l’abstention ou en refusant à indiquer qu’ils voteront Emmanuel Macron, à considérer le sens et la portée de la responsabilité historique qu’ils prennent.
On pense à Melenchon, Onfray, Debray, Todd, les complices de Dupont-Aignan. Et bien d’autres encore, qui s’amusent avec la République et la démocratie confrontées au péril… On pense à ces milliers d’Insoumis soumis à une idéologie du pire pour le pire, qu’ils jugent moderne et révolutionnaire et qui les incite à poser l’insupportable équation Le Pen=Macron. Et qui le revendiquent. Ceux-là sont prêts à prendre le risque de voir accéder à l’Elysée une candidate qui est décidée à confisquer le suffrage universel au prix d’une manœuvre politique insensée.
Et quand bien même, soyons lucides, Marine Le Pen n’aurait, si l’on en croit les sondages, que peu de chances d’accéder à l’Elysée et y mettre en œuvre son invraisemblable mais vénéneux scénario, le simple fait de ne pas dire » non » relève déjà du crime contre l’esprit français. Et rien ne le justifie. Et de citer Léon Blum, dont Mélenchon devrait songer à décrocher le portrait qui orne son bureau: » Quand L’homme se trouble et se décourage, il n’a qu’à penser à l’Humanité « .
Bruno-Roger Petit
Tout cela n’est que manipulation et basse manoeuvre électorale complaisamment véhiculées par le Canard enchaîné. En effet, l’article 11 de la Constitution ne prévoit pas l’organisation d’un référendum pour ce motif. Le mode de scrutin relève d’un décret pris en vertu de l’article 24 de la Constitution.
Quant à l’article 16, il ne peut s’exercer en dehors du contrôle du Parlement. Le Canard devrait vérifier ses sources avant de publier des âneries. De là à penser que … mais c’est pour le moment une autre histoire.
Marine Le Pen à declaré hier qu’un référendum serait organisé pour le mois de septembre en utilisant l’article 11 qui prévoit le référendum » sur l’organisation des pouvoirs publics » , formule assez vague qui permet beaucoup de choses.
Oui, et qui, de toute façon reste soumise à interprétation du Conseil constitutionnel.