Benjamin Netanyahu a annulé un rendez-vous avec le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel, qui rencontrait de son côté des ONG de gauche.
Ni l’un ni l’autre n’ont cédé. Le Premier ministre israélien qui est aussi ministre des Affaires étrangères, Benjamin Netanyahu, a annulé sa rencontre avec le chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel, lequel a réaffirmé son intention de rencontrer B’Tselem et Breaking the Silence, deux ONG de gauche qui luttent contre l’occupation. C’est par la presse que monsieur Gabriel a appris, en fin d’après-midi, que le chef du gouvernement israélien ne le recevrait pas. « Je le regrette beaucoup. Mais ce n’est pas une catastrophe », a-t-il dit. De son côté, la présidence du conseil à Jérusalem a publié un communiqué : « La politique du Premier ministre est de ne pas recevoir de visiteurs étrangers qui lors de voyages diplomatiques rencontrent des groupes qui calomnient les militaires israéliens en les présentant comme des criminels de guerre… » Et de préciser : « Nos relations avec l’Allemagne sont très importantes. Elles n’en seront pas affectées… » Même son de cloche de la part du ministre allemand qui, lors d’entretiens avec la presse, a lui aussi tenu à affirmer : « Mes relations avec Israël et celles de l’Allemagne avec Israël ne changeront en rien… »
Netanyahu annule une rencontre avec Sigmar Gabriel par afplp
À voir ! Côté allemand, on n’a pas apprécié la manière cavalière avec laquelle monsieur Netanyahu a lancé son ultimatum. On ne l’a appris à Berlin que dans la soirée de lundi. Et le rendez-vous avec le Premier ministre israélien a été annulé peu de temps avant l’heure prévue. Dans ces conditions, Sigmar Gabriel a refusé de répondre à un appel du Premier ministre.
Le pedigree des ONG
Quelles sont ces ONG qui provoquent l’ire du chef du gouvernement israélien ? Il s’agit de B’Tselem, le centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés. Depuis 1989, ses volontaires publient régulièrement des informations très précises sur la colonisation et les opérations israéliennes en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est. La droite israélienne accuse cette organisation de délégitimer Israël à l’étranger. En octobre 2016, son président, Hagaï El Ad, a présenté un rapport sur la colonisation devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Ce qui avait provoqué un tollé en Israël. Breaking the Silence a été créée en 2004 par des soldats et des vétérans des forces israéliennes. L’ONG recueille et publie des témoignages de militaires ayant servi dans les territoires occupés. Selon la droite israélienne, cela pourrait être utilisé pour faire condamner des officiers israéliens pour crimes de guerre. Résultat, l’ONG est extrêmement impopulaire au sein du public en Israël.
Pour sa part, le gouvernement israélien a fait voter plusieurs textes de loi destinés à réduire les finances de l’ensemble des ONG de gauche. Et d’ailleurs, lors de sa visite à Londres en février dernier, Benjamin Netanyahu a demandé à Theresa May de cesser de soutenir financièrement ces organisations et surtout Breaking the Silence. L’entourage du Premier ministre britannique a répondu qu’aucun budget n’était accordé à cette organisation. « Pas du tout », ont riposté les services de Netanyahu. « La Grande-Bretagne finance les associations Christian Aid et Cafod. Toutes deux soutiennent Breaking the Silence. »
Sévère réprimande
Ce n’est pas tout. En février, également, l’ambassadeur de Belgique s’est vu convoquer au ministère des Affaires étrangères à Jérusalem, pour y entendre une sévère réprimande. Motif : son Premier ministre, Charles Michel, lors de sa visite à Jérusalem, avait commis le crime de rencontrer des représentants de Breaking the Silence et aussi de B’Tselem. En Europe, on explique : ces ONG ne sont pas illégales en Israël et toute personnalité politique en déplacement entend rencontrer non seulement la classe politique mais aussi la société civile.
Si Sigmar Gabriel n’a pas pu rencontrer Benjamin Netanyahu, il a eu un entretien chaleureux avec Reouven Rivlin, le président de l’État, qui a évoqué la controverse autour de Breaking the Silence. « Israël, en tant qu’État démocratique, n’a pas de problème avec la critique, mais celle-ci doit être basée sur la réalité. » Il a ajouté : « L’armée israélienne est l’armée la plus morale au monde… » Mais ce n’est un secret pour personne : monsieur Rivlin est souvent en désaccord avec la méthode Netanyahu. N’a-t-il pas déclaré récemment : « Qualifier toute critique d’Israël d’antisémitisme est une attitude dangereuse pour notre pays. »
Dans ce contexte, il faut rappeler que c’est l’Allemagne qui finance, pour des centaines de millions d’euros, une partie de la construction de nouveaux sous-marins israéliens.
Danielle Kriegel
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