Six rescapés de la Shoah ont allumé dimanche soir les flambeaux du souvenir lors de l’ouverture des commémorations du Yom Hashoah au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem.
Il s’agit d’Elka Reines-Abramovitz, Moshé Ha-Elion, Moshé Jakubowitz, Moshé Porat, Max Privler, et Jeannine Sebbane-Bouhanna. L’histoire héroïque de chacun d’entre eux est rapportée sur le site de Yad Vashem. Voici leur portrait.
Elka Reines-Abramovitz
elle est née en 1932 à Novoselitsa, en Bessarabie du nord, en Roumanie (actuellement en Ukraine). Ses parents ont donné à leurs trois enfants une éducation juive sioniste. En juillet 1941, elle a assisté au massacre de la population de sa ville par l’armée roumaine ‘qui a ouvert le feu sur les gens et brûlé des maisons’. Son père a été durement frappé.
Le 27 juillet, les Roumains ont ordonné aux Juifs de la cité de partir pour la Transnistrie. Elka et sa famille ont fait la route à pied. Elle a raconté : « Nous marchions sans cesse, nous buvions l’eau des flaques d’eau. Nous trouvions parfois du maïs ou des betteraves. Mais la famille est restée ensemble. Les plus grands portaient les plus petits sur leur dos ».
Elle a rappelé également : « Des soldats roumains, debout sur le pont enjambant la rivière de Dniestr, ont jeté de nombreux déportés dans la rivière et ont tiré sur eux. Les autres ont été envoyés au ghetto d’Edineți, où beaucoup sont morts de faim et de maladie. Les survivants ont continué à partir de Yampol et de là à Kosharintsy en Transnistrie. « Ils nous ont entassés dans trois écuries. C’était un hiver très froid, » a déclaré Elka. « Ils nous ont laissés sans nourriture ni eau. De nombreuses personnes mouraient chaque jour. »
La mère d’Elka est décédée de maladie et d’épuisement mais son père a travaillé dans les champs pour des fermiers des environs, sauvant ainsi la vie des siens.
En mars 1944, l’Armée rouge a envahi la Transnistrie et Shimon a été incorporé dans ses rangs. Après sa libération en septembre 1945, il est retourné avec ses enfants en Roumanie. Elka a été envoyée dans un orphelinat juif à Cluj puis elle a rejoint, avec sa sœur Ester, le mouvement de jeunesse Habonim Dror et s’est embarquée pour Eretz Israël (Palestine mandataire) à bord du Pan York en décembre 1947.
Après son internement par les Britanniques à Chypre, elle a pu enfin arriver en Israël en mars 1948. Elle s’est ensuite mariée avec Arieh z’l, originaire de Tel Aviv. Le couple a trois enfants, dix petits-enfants et six arrière-petits-enfants. Elka est toujours très active dans une organisation marquant le souvenir de la Shoah et elle aide également les familles des soldats de Tsahal morts au combat.
Moshé Ha-Elion
Il est né à Thessalonique en Grèce en 1925. Quelques jours après le début de l’occupation allemande, en avril 1941, le père de Moshé, Elihaou, est décédé. Le reste de la famille, Moshé, sa sœur Esther-Nina et sa mère Rachel ont été déportés à Auschwitz. Moshé est le seul à avoir survécu.
Grâce à l’aide d’amis de sa ville, il a pu travailler et subsister jusqu’à la fin de la guerre. En janvier 1945, ils ont participé à la Marche de la Mort, aidant les plus faibles jusqu’à leur arrivée au camp de Mauthausen.
Après la guerre, Moshé est reparti pour la Grèce, mais alors qu’il était en Italie, il a décidé d’émigrer en Eretz Israël. En juin 1946, il est arrivé à bord du Josiah Wedgwood. Il a été blessé pendant la guerre d’Indépendance et a ensuite entamé une carrière militaire qu’il a poursuivie pendant 20 ans avant de travailler dans les services de sécurité. Moshé a consacré sa vie à soutenir les survivants de la Shoah dans le besoin, commémorant avec les Juifs grecs et luttant contre le négationnisme.
Depuis 15 ans, il est le président de l’Association des survivants des Camps de Concentration d’origine grecque vivant en Israël. Il a été membre du Comité International d’Auschwitz, de la direction de Yad Vashem et de la Fondation au profit des victimes de l’Holocauste en Israël. Il est actuellement le président par intérim du Centre des organisations de survivants de l’Holocauste en Israël. Moshé a écrit son autobiographie et trois livres de poésie. Moshé et son épouse Hanna z’l ont deux enfants, une fille et un fils, six petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants.
Jeannine Sebbane-Bouhanna
Elle est née en 1929 à Nemours (actuellement Ghazaouet) en Algérie. Elle était la quatrième d’une fratrie de six enfants. En 1938, sa famille, qui était traditionnaliste, a émigré à Paris et s’est installée dans le quartier du Marais.
En mai 1940, les Allemands ont occupé la France et le père et le frère aîné de Jeannine sont décédés un an plus tard. Sa mère a fait passer son frère et sa sœur plus âgés en zone libre tandis que Jeannine restait à Paris avec elle pour contribuer à nourrir la famille.
Le 16 juillet 1942. Jeannine et sa famille ont échappé à la Rafle du Vel d’Hiv mais leurs amis proches et des voisins ont été emmenés. Elles sont allées au poste de police pour leur apporter de la nourriture et ont été témoins de leur détention et de leur déportation vers les camps de concentration.
Lorsque le frère de Jeannine, Maurice, est revenu à Paris pour aider sa famille, il a été capturé, déporté à Sobibor et assassiné. Jeannine et ses trois frères et sœurs plus jeunes ont été ensuite cachés par des fermiers dans un village en dehors de Paris et en 1944, ils ont fui vers le sud de la France où ils ont trouvé refuge dans un petit village.
La famille de Jeannine a reçu des lettres de voisins détenus dans des camps en France avant d’être déportés et massacrés. Pendant des décennies, elle a gardé ces lettres, rares témoignages de cette époque tragique de l’histoire de l’humanité.
Après la guerre, Jeannine a épousé Lucien Bouhanna en Algérie. Ils sont ensuite retournés en France puis ont suivi leurs enfants en Israël en 1992. Jeannine et Lucien ont cinq enfants, 12 petits-enfants et 17 arrière-petits-enfants.
Moshé Jakubowitz
Il est né à Varsovie en 1929 dans une famille hassidique. Il a survécu à la révolte du Ghetto au cours de laquelle son père a été assassiné et a été déporté dans le camp de concentration nazi de Majdanek avec sa mère, deux frères et son grand-père. Séparé de sa mère et de ses frères, il ne les a plus jamais revus et a été envoyé avec son grand-père dans un camp de travail à Lublin où ils ont coupé des arbres et construit des maisons. Un jour son grand-père a été emmené avec d’autres déportés et assassiné par balles.
Déporté dans d’autres camps, il a fait ensuite la marche de la mort vers Dachau et a réussi à s’éclipser et à établir des liens avec les libérateurs américains. Il a alors obtenu des papiers lui permettant d’émigrer aux États-Unis mais en 1946, David Ben-Gourion est venu à Francfort. « Il était proche de notre camp et je suis allé écouter son discours. Il a parlé en Yiddish. J’ai alors décidé de partir en Eretz Israël ».
Après sa détention à Chypre par les Britanniques, Moshé a finalement gagné Eretz Israël en avril 1948. Il a combattu dans le cadre de l’Irgoun et plus tard dans l’armée israélienne durant la guerre d’Indépendance. Dans la vie civile, Moshé a été entrepreneur de travaux dans la construction. Moshé et son épouse Eloïse z’l ont trois enfants, huit petits-enfants et neuf arrière-petits-enfants.
Moshé Porat (né Frisch)
Il est né en 1931 à Hajdúnánás, en Hongrie, également dans une famille de Hassidim, de sept enfants. En mars 1944, les Allemands ont occupé la Hongrie. Le père de Moshé, Jozsef, a été emmené de force, le premier jour de Pessah, dans un camp de travail. Un peu plus tard, alors qu’il était rentré en congé chez lui, il a pris une paire de ciseaux et a coupé en silence les péoth de ses quatre fils. « Il voulait le faire lui-même plutôt que de laisser les Allemands le faire », se souvient Moshé. Quelques jours plus tard, Jozsef a été incorporé dans l’armée hongroise et n’est jamais revenu.
La famille Frisch a été contrainte de monter dans un train mais la voie a été bombardée par les alliés, ,ce qui a bloqué le convoi pendant quelques jours. De nombreux déportés ont trouvé la mort dont la grand-mère de Moshé. A leur arrivée à Vienne, ils ont été transférés dans un camp de travail. Le frère de Moshé, envoyé dans un autre camp, a été assassiné.
Comme l’Armée rouge approchait, les prisonniers ont été envoyés pour une Marche de la mort. La mère de Moshé, Gizelle, et sa sœur Pnina se relayaient pour porter Dani, son frère âgé de huit ans qui était fragile, sur leurs épaules. Après trois semaines, les survivants ont atteint Mauthausen, où Moshé et ses frères Asher et Dani furent séparés de Gizelle et Pnina et envoyés aux travaux forcés.
Le 5 mai 1945, ils furent libérés par l’armée américaine. Gizelle est décédée deux semaines plus tard. Moshé a alors gagné l’Autriche et l’Italie, et au cours de l’été 1948, il est monté en Israël. Il a contribué à la fondation d’un groupe au Kibboutz Shluh’ot et a écrit plus tard son autobiographie. Aujourd’hui, il donne des conférences et apporte son témoignage. Il accompagne également des délégations de la jeunesse en Pologne. Moshé et sa femme Tova-Gita z’l ont quatre filles, 15 petits-enfants et 11 arrière-petits-enfants.
Max Privler
Il est né en 1931 dans le village de Mikulichin en Pologne (actuellement en Ukraine) dans une famille aisée propriétaire de terrains, d’usines, de magasins, d’une école et d’une synagogue.
Tous les biens de la famille Privler ont été confisqués en juin 1941 par les occupants allemands. Arrêté avec son père, il a été emmné dans la forêt avec un groupe de Juifs. Mais au moment où les nazis ont tiré, le père de Max l’a poussé dans la fosse et lui a sauvé la vie, mais il a lui-même été atteint mortellement. Max a gardé une balle dans l’épaule pendant 25 ans. Il a réussi à sortir de la fosse pendant la nuit et s’est enfui. Un peu plus tard, il a été arrêté et envoyé dans un camp de travail. Après six mois, les jeunes travailleurs, dont Max, ont été transportés par camion dans la forêt pour être exécutés. Max a réussi à fuir et a rejoint un groupe de partisans.
Max s’est enrôlé dans l’Armée rouge et a suivi une formation pour effectuer des opérations militaires. Sa maîtrise de cinq langues, le polonais, le tchèque, l’allemand, l’ukrainien et le russe, a été pour lui un atout. Max a commandé une unité et a contribué à la libération de Cracovie et d’Auschwitz. Toutefois, il a subi de graves blessures dans les combats pour libérer Prague. Il a été enseveli sous les décombres d’un immeuble qui s’était effondré. Il a été sauvé mais il est resté inconscient pendant des mois dans un hôpital.
Après la guerre, Max a vécu en Ukraine et a émigré en Israël en 1990. Il a été très actif au sein d’une association d’anciens combattants mais aussi dans l’organisation de commémorations en souvenir des enfants qui ont servi dans l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est l’auteur de plusieurs livres sur le sujet. Max et son épouse Muza z’l ont deux enfants, cinq petits-enfants et six arrière-petits-enfants.
Poster un Commentaire