Ils n’avaient rien demandé, par José Boublil

Ils n’avaient rien demandé. Ils vivaient tranquillement dans leurs villages à peine plus salubres que des favelas d’aujourd’hui. L’un était boulanger, l’autre changeur, le troisième boucher . Certains travaillaient la terre. Et tous, la nuit venue, à la lumière d’une bougie, ils prenaient leur page de Talmud .yadvas1

Ils étaient tous sortis d’un film ; ils faisaient partie d’une chaîne indestructible depuis Moise et la sortie d’Egypte .

C’était cette frange des pauvres gens, simples, qui avaient « inventé » l’amour du frère juif.

Plus loin, plus chic , il y avait Vilna en haut, et Berlin en bas.

Plus bas, Salonique . L’aristocratie juive, se croyaient-ils.

C’étaient des dévoreurs de livres, de science, de génies des arts. Ils parlaient allemand , russe ou grec, mais plus cette langue du peuple des bas-fonds, ce vieux dialecte Yiddish.

Les juifs depuis plus de 500 ans, avaient déjà supporté plus de haine que ce que Dieu avait crée depuis Cain.

Ils avaient vécu des pogroms dans tous ces lieux maudits de l’Europe de l’Est . Chacun des pauvres « yid » avaient laissé une partie de lui-même dans ces jeux de monstres: une jambe amputée par ci, un fils décapité par là, une jeune fille violée , et toutes les soeurs, et la mère.

Mais ce n’était pas suffisant. Il fallait que ces barbares venus d’Allemagne, d’Autriche, de Pologne, montrent qu’ils étaient plus efficaces, plus vils, plus ignobles, plus inhumains, pour exterminer ce peuple déicide. Qui prend de l’argent aux ducs et aux comtes sans vergogne.

Ce peuple qui se permet de savoir lire, alors que les peuples autour parlent à leur âne. Ce peuple qui se tient bien, alors que les autres éructent et frappent. Ce peuple qui tient sa sagesse de Dieu et de Moshe depuis la nuit des temps avait une dette à régler: il s’élevait trop haut, et le monde exigeait qu’il s’affaisse , qu’il s’avilisse avec les autres.

Six millions ont payé de leur vie cette dette .Parmi eux, en ce jour de Yom Hashoah , je ne peux m’empêcher de penser à ces petits, de quelques jours, mois, peut-être huit ou dix ans. Comment un homme peut-il frapper de sa crosse un crâne de bébé, et continuer d’être appelé un homme? Comment son voisin si blond , aux mâchoires parfaites, peut-il frapper si violemment le ventre fécond de cette mère, ou lui envoyer une balle qui traverse le bébé blotti dans la matrice?

Je le dis depuis que je suis adolescent, cette vision me hante. Moi qui vient de l’autre rive, mes frères partis sans qu’un doigt ne se lève contre cette injustice sont les miens, comme mes propres fils qui auraient cinquante ans de plus que moi. Je souffre de leur absence sans les avoir connus.

J’aime leurs chants lointains, leurs sacs sur les épaules, la boue qu’ils trainaient sous leurs bottes, et leur habit de Chabbat si élégant.

Ils sont partis , et personne n’a entendu leurs cris stridents.

Je ne veux même pas interroger Dieu, car je sais que je ne comprendrai pas. Ce sont les hommes qui commettent les abominations. Seulement eux .

Soixante  quinze ans après il reste des monuments, des stèles, des images fugaces, insupportables. Et deux minutes de silence en Israël. En Pologne où trois millions furent massacrés les juifs ne sont reçus que pour l’argent qu’ils vont dépenser dans leurs hôtels et leurs taxis….

Alors je prie de toutes mes forces, de toute mon âme, pendant ces deux minutes pour nos frères, surtout ces petits enfants; mais aussi pour que la mémoire de ces anges soit vengée .

« Mida kenegued mida » (mesure pour mesure).

Aujourd’hui mon coeur et mon âme , ensemble, saignent.

José Boublil

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