A la veille des élections : pourquoi une vision juive du vote ? Par Joël Mergui, Président du Consistoire

L’assassinat ciblé d’un policier chargé de la sécurité des passants sur les Champs Élysées, haut lieu de la vie touristique parisienne, à trois jours du premier tour de l’élection présidentielle, m’amène à penser que l’idéologie terroriste a tout à perdre du renforcement de notre démocratie.Joel-Mergui

Alors que le vote juif n’existe pas, les appels à voter contre les extrêmes qui émanent de la communauté juive prouvent qu’il existe toutefois une vision juive du vote. Pour mieux le comprendre, il faut prendre pour exemple l’histoire du Judaïsme face à tous ses persécuteurs et transposer la lutte pour la permanence du message universaliste juif à celui des valeurs démocratiques auxquelles les juifs sont, partout et toujours, profondément attachés. Fort de cette grille de lecture, nous pourrons alors observer que c’est précisément parce que nos sociétés démocratiques sont aux antipodes du fanatisme, que les djihadistes craignent la propagation de nos valeurs et de notre mode de vie et attaquent nos villes et nos lieux les plus emblématiques. 

C’est parce qu’aux yeux des terroristes, le monde démocratique s’est uni – à raison -, autour des valeurs de Liberté, d’Égalité et de Fraternité qu’il représente une cible globale à abattre, de peur que s’effondrent les régimes de la force brute et du chaos prônés par le djihadisme. 

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : ceux qui veulent et pensent importer la terreur, la violence et la mort chez nous sont en fait les plus vulnérables et sont ceux qui ont le plus à perdre du renforcement de la démocratie quand les peuples ont tout, toujours, à y gagner. Tant que nous refuserons de céder à la peur des attentats, ceux-ci continueront certes un temps, mais, si au lieu de nous fragiliser, ils renforcent au contraire davantage notre attachement à nos valeurs et notre détermination à les défendre, alors nous deviendrons plus forts et nous trouverons en nous-mêmes la force et les moyens de vaincre nos ennemis. 

C’est là une des principales leçons que nous Juifs, tirons de notre histoire mouvementée et c’est le modèle de notre survie, par delà toutes les haines, que nous pouvons offrir en exemple à tous les peuples qui ont élu la démocratie comme règle du vivre-ensemble. 

C’est pourquoi, à la veille du scrutin, nous sommes en tant que citoyens juifs particulièrement préoccupés par les enjeux de la campagne électorale et par les différents projets de société portés par les candidats. 

Ce n’est pas notre fidélité aux valeurs démocratiques ni la conservation de notre modèle, qui doivent être au cœur des enjeux et faire l’objet de débats, ce serait une erreur voire une faute de le croire ! C’est l’inverse, notre modèle républicain a fait ses preuves et, même s’il n’est pas parfait, il doit faire l’objet d’un consensus minimum sans faille de la part de tous les citoyens. 

Ce qui est en jeu – et que nous voyons clairement à la lumière de notre histoire -, ne doit jamais être la fidélité à nos valeurs mais, au contraire, leur développement et leur renforcement pour nous donner les moyens de combattre tous les extrêmes qui, comme le djihadisme, veulent la perte de nos démocraties et l’assujettissement de tous les hommes et de toutes les femmes à une nouvelle forme de barbarie. 

C’est la raison pour laquelle il faut voir les appels de la communauté juive à voter contre les extrêmes comme de véritables cris d’alarme et une invitation à penser à partir de notre expérience plurimillénaire !  Ne nous laissons pas abuser par les sirènes des illusions faciles et les slogans qui sonnent bien. La démocratie est exigeante, elle nécessite de chacun de nous de voir d’abord l’intérêt général, de dépasser les intérêts particuliers qui dominent toujours lorsque s’impose la loi du plus fort. 

La fidélité aux valeurs démocratiques nous engage à être responsable du monde qui nous entoure, du peuple au sein duquel nous vivons et du projet de vie et d’avenir que nous voulons défendre pour nos enfants. La démocratie nous oblige à être maître de nous-mêmes, de nos passions, de nos pulsions et de nos peurs.

Elle nous demande d’appréhender la réalité avec le prisme de valeurs universalistes sans pourtant rien perdre de notre singularité. C’est pourquoi, nous juifs, n’adhérons pas à des promesses électorales qui confortent des idées d’exclusion ou de préférences sociales,  ethniques, économiques ou politiques. Nous croyons que les peuples peuvent être singuliers et être capables de s’ouvrir aux autres. Nous croyons qu’il est possible, sans privilège, d’être tous égaux avec nos différences et d’être libres de construire notre destin dans la paix de tous. 

Nous le croyons d’autant plus que notre exigence de fidélité à nos lois et aux lois de notre pays, nous commande de privilégier nos devoirs avant nos droits, dont ces derniers découlent. Rien n’est donné ni acquis et la démocratie n’est pas due sans effort et sans engagement. Elle nécessite de se positionner clairement, d’être fidèle à ses valeurs et d’avoir le courage de les défendre. Le 23 avril et le 7 mail, accomplissons notre devoir de citoyen et votons contre tous les extrêmes quels qu’ils soient. 

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