Marine Le Pen contre les Protestants: une dangereuse manipulation de l’histoire

Sur TF1, Marine Le Pen s’est réclamé de Richelieu, persécuteur des protestants de France au nom de l’unité de la Nation. Attention! Derrière la révision lepéniste de l’histoire, apparaît la vérité sur les buts que poursuivra le Front national une fois au pouvoir.marine_le_pen-2

Marine Le Pen continue de réviser l’histoire de France, pour le pire sans le meilleur. Après les Juifs, les Protestants. Après le Vel d’hiv, la Rochelle. Après Bousquet, Richelieu. Et à chaque fois, la réécriture identitaire de l’histoire, au nom d’une certaine vision du catholicisme revanchard.

Donc, sur TF1, ce mardi soir, la candidate du FN est interrogée sur les grandes figures qui peuplent son Panthéon personnel, ses inspirateurs, des guides. Et elle répond ceci: ” En ce moment, Richelieu. Le promoteur d’un Etat moderne, qui a refusé justement peut être qu’une religion prenne le pas sur la France, oui sûrement… ” Et comme son interlocuteur lui fait remarquer qu’il n’a pas été amical avec les protestants, elle précise: ” Qu’est-ce que vous voulez? C’est peut-être les protestants qui avaient des exigences à l’époque qui allaient à l’encontre de la Nation “.

Le propos ne doit pas être pris à la légère. Il dit la vérité profonde du Front national, qui ne cesse de trianguler les mots de la République, ” laïcité “, ” Nation “, dans le but de tuer la République, de l’identariser, de la réduite à une vision catholique et contre-révolutionnaire de l’histoire de la société française… La triangulation boomerang tentée sur le Vel d’hiv, avec captation indue d’héritage gaullo-mitterrandien n’avait pas d’autre objectif. Idem avec cette sortie sur les protestants, ennemis de toujours d’une Nation identifiée au catholicisme, et dont le sous-titre n’échappe à personne: ce ne sont pas seulement les protestants qui sont visés, mais toutes les religions que le FN considèrent comme potentiellement anti-nationales, Islam et Judaïsme compris.

Commençons par l’histoire. Il n’est pas question de ” Nation ” en 1627, quand débute le siège de la Rochelle, mais d’un ” royaume ” de France, peuplé non de ” citoyens “, mais de ” sujets “. A l’époque, les relations entre l’Etat catholique et les Protestants sont régies par l’Edit de Nantes, premier acte constitutif d’un embryon de Nation, que la nouvelle guerre de religion qu’impose justement Richelieu aux protestants entache. En clair, la politique de mise au pas orchestrée par Richelieu est l’exact contraire de l’idée de Nation, conçue comme un rassemblement d’individus jouissant des mêmes droits.

Le bien commun de Mitterrand

François Mitterrand, évoquant l’Edit de Nantes dans un discours remarquable, prononcé en 1989, n’avait pas dit autre chose au sujet de l’Edit de Nantes, réconciliateur des France: ” Trouver les moyens d’une coexistence entre la majorité catholique et la minorité huguenote, c’était d’abord exclure la perspective de la victoire de l’un sur l’autre, c’était refuser la solution qu’avait adoptée chacun pour sa part, l’Espagne et l’Angleterre, l’unité de religion imposée par la Terreur. Il fallait pour cela contraindre les factions en lutte à accepter une autre logique qui leur était supérieure. La raison de l’Etat, dépositaire et garant de l’intérêt national, de ce qu’en France, depuis le Haut-Moyen Age on appelle: le bien commun “.

D’où l’idée développée par l’ancien président que l’Etat n’est pas là pour opprimer une minorité, mais pour lui garantir ses droits, principe dont l’édit est le premier des actes fondateurs de la ” Nation ” à la française: ”  Il appartenait à l’Etat de faire triompher ce qui n’était pas de l’ordre de la religion, de la foi, de la conscience individuelle, où l’Etat n’a que faire. Mais de l’ordre de la politique, dès lors que ce qui était en danger c’était la nation “.

Des racines chrétiennes, nécessairement catholiques

Conclusion: à rebours de la politique de réconciliation d’Henri IV, jeune souverain en avance d’une marche sur son époque, Richelieu, visait à l’unité de religion imposée par la terreur. Et c’est bien cette vision terrible que célèbre Marine Le Pen, grande revendicatrice des racines chrétiennes, nécessairement catholiques, de la France. Pour qui veut bien le constater, le message est clair, qui cible protestants, musulmans, juifs et autres adeptes de religions ou croyances qui seraient susceptibles, aux yeux de Marine Le Pen présidente de la République, de vouloir ” prendre le pas sur la France “. En clair, prenez garde à vous.

Les preuves ne manquent pas que le FN a toujours défendu la vision d’une France (nation ou autre) qui serait assimilée à la seule identité catholique. En juillet 2015, Marion Maréchal-Le Pen avait déjà tenu des propos sur la présence protestante en Provence qui avaient déclenché la colère des représentants de la religion réformée, assimilée à l’occupant Nazi : ” La Provence est une terre d’identité et de résistance. Résistance des princes provençaux face à l’invasion sarrasine, résistance face à la terreur révolutionnaire, face à la réforme protestante, face à l’occupant allemand, face au funeste projet de l’Union européenne en 2005 ” avait déclaré la députée du Vaucluse au Pontet. Les sarrasins, les protestants et la Wehrmacht tous ensemble dans le même panier de la ménagère frontiste en mal d’histoire… Une conception que l’on sait désormais partagée par sa tante.

Mieux encore, ultime preuve de la sournoise triangulation du mot ” Nation ” opérée par Marine Le Pen, quand il s’agit de s’en prendre à la République au nom du catholicisme identitaire, surtout quand elle est incarnée par la Convention, incarnation de la Nation républicaine, le FN familial est toujours le premier à défendre le prétendu ” Génocide vendéen ” qui aurait été mené par la Révolution. Sur ce sujet, culturellement emblématique à l’extrême droite, dès qu’il s’agit de défendre une certaine idée de la France catholique et contre-révolutionnaire, il n’est plus de ” Nation ” qui tienne.

En 2013, Marion Maréchal-Le Pen a ainsi co-signé (avec des députés UMP très à droite) une proposition de loi visant à  la “reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794″, ” génocide ” que tous les historiens qui ne sont pas liés à la culture traditionnelle de l’extrême droite considèrent comme inexistant au regard des critères exigés pour caractériser un génocide. En 1987, dans le même registre, Jean-Marie Le Pen avait déjà signé une proposition de loi visant à la reconnaissance du ” génocide vendéen ” en tant que ” crime contre l’humanité “, dans le but évident de déconsidérer le sens et la portée de la Shoah et des chambres à gaz, selon lui ” point de détail de l’histoire “…

L’imposture Le Pen

L’imposture Le Pen réside dans cette contradiction. D’un côté on s’en prend aux Protestants en exaltant Richelieu, défenseur de la Nation catholique et royale, de l’autre, on dénonce la République de la Convention, agissant pourtant au nom de la défense de l’unité de la Nation, coupable d’un prétendu génocide…

Les Le Pen passent, mais la vision d’une France identitaire catholique, contre-révolutionnaire, hostile à la République demeure. On notera enfin que, dans le sillage de Richelieu, Louis XIV finira par révoquer l’Edit de Nantes, relancera la persécution des Protestants, provoquant un exode massifs de talents industriels, financiers, culturels et intellectuels dont profitèrent d’autres pays (l’Angleterre et ses colonies américaines, les Pays-Bas, les Etats Allemands) au détriment de la France, trop heureux qu’ils furent d’accueillir une immigration qui était pour eux une chance exceptionnelle…

Voilà pourquoi nous disons ici qu’il ne faut pas prendre la petite phrase de Marine Le Pen sur Richelieu formidable garant de l’unité nationale par le massacre des protestants de la Rochelle à la légère. Elle dit la vérité du Front national, sa vision de l’histoire applicable à la France d’aujourd’hui. Sa volonté d’unir au nom d’une identité culturelle catholique, y compris par la promesse de contraintes insupportables.

L’occasion nous est ainsi offerte, une fois de plus, de méditer l’avertissement de Mitterrand rappelant ce qu’avait entraîné la révocation de l’Edit de Nantes, et la persistance de cette tentation identitaire: ” La persécution d’une minorité devenue, d’un trait de plume, hors-la-loi dans son propre pays. Voilà qui nous renvoie à des réalités proches de nous. Cette gangrène dure encore. Nous en avons connu l’horreur “.

” Gangrène “… disait-il, ” Le Pen ” disons-nous.

bruno_roger_petit-challengeBruno-Roger Petit

Source challenges

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4 Comments

  1. Je suis usé par cette campagne politique interminable. J’en ai assez des conneries des innombrables publicistes et journalistes.
    Dans un commentaire sur l’entretien accordé à Tribune Juive par M. Fillon, Gilles Plumat écrivait justement que LR avait une assise législative puissante. Il était le seul électeur de M. Fillon qui évitait la canonisation de ce moraliste moderne et les anathémisations lancées par les partisans de celui-ci. Il s’agit bien des élections législatives qui, seules, pourront exprimer la volonté du peuple souverain.
    Qui croit encore à ces quatre créatures magiques: Blanche Neige-Fillon, Bambi-Macron, Dumbo-Mélenchon et Le Pen-Peter Pan? Qui croit encore à ces présidents, quasiment instantanés, qui savent tout sur tout, connaissent la solution pour tout et décideront de tout, sans autorité constitutionnelle?

    La mauvaise pièce a suffisamment duré. Il importe de dire que la France ne devra plus subir cet outrage de bavardages. Il importe de dire que les “primaires”, élections privées, sans contrôle légal, se sont transformées en magasins de confiserie dans lequel des électeurs irresponsables voulaient se gaver de friandises. Ce comportement puéril avaient évidemment créé deux candidats extrémistes dont les partisans ne pouvaient que clamer le caractère extrémiste des autres candidats. Ce sabotage politique nous a menés dans une impasse. Je voterai pour M. Macron, non par choix mais par refus de M. Fillon. Ce n’est pas agir en Républicain et je ne suis pas content de ce choix détourné. Je pense que de nombreux Français ne pourront voter pour le candidat de leur choix et qu’ils sont mécontents. Pourtant, les media continuent d’agiter leurs grandes voiles souillées. On assomme et l’on assassine tout ce qui tombe sous la main. La polémique étouffe le discours politique.

    Nos amis Britanniques nous montrent l’exemple éclatant d’une démocratie parlementaire en action. Cette démocratie parlementaire permettra d’éliminer les menaces extrémistes, de l’UKIP, du Parti Travailliste et de la subversion du SNP. La France semble ignorer
    cet exemple. L’extrémisme est créé par une élection présidentielle
    difforme. Pendant l’extinction du sentiment Républicain, les bavardages continuent. Il s’agit de nourrir nos deux monstres nationaux: la vanité et la bonne conscience. Nous avons suffisamment de choses à reprocher, historiquement et maintenant, au Front National. On ne parlera pas des propositions justes: la suppression des Conseils régionaux, la sécurité, la sortie de l’Union Européenne. On accuse Madame Le Pen de nier l’Holocauste, maintenant de pratiquer la chasse à l’hérétique, ou la chasse historique aux protestants.

    Tous ceux qui ont le souvenir des aventures de d’Artagnan et de ses trois camarades, doivent savoir que le siège de La Rochelle fut décidé par Louis XIII, non par le méchant cardinal, avec ses gardes sataniques. Mais le souvenir de d’Artagnan semble exciter aujourd’hui contre Richelieu. Madame Le Pen veut incarner l’ unité gaulliste ou l’unité royale de la France. C’est de bonne guerre. Les protestants de La Rochelle servaient l’intervention Anglaise, il fallait donc les vaincre, avec les résultats de l’époque. Louis XIII avait raison, comme Elizabeth avait raison de poursuivre les complices catholiques des ambitions Espagnoles, comme la République en danger avait raison d’écraser la trahison Vendéenne au profit de l’Angleterre.

    Si la chaleur de l’Histoire incommode les bien pensants, qu’ils quittent leur cuisine électorale. Encore quelques jours et nous serons débarrassés de cette élection travestie. Un peu de silence, messieurs les bavards, un peu de silence!

  2. Nous sommes unis par l’évidence: cette mauvaise comédie présidentielle ne doit pas être jouée à nouveau.
    Je suis certain que nous sommes nombreux à vouloir le retour à une démocratie parlementaire. Le résultat de l’élection ne pourra satisfaire que peu de Français et développera une colère dangereuse.
    Le bonapartisme est un danger pour nos libertés mais il peut servir une forme d’unité. Le bonapartisme light du quinquennat dessert tout le monde.

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