La communauté juive quitte la Turquie d’Erdogan

La communauté juive quitte lentement, mais sûrement, la Turquie. Cette minorité religieuse s’inquiète de la montée de la violence et du durcissement du régime.
Synagogue Beth Israël Istanbul
Synagogue Beth Israël Istanbul

Un tiers de ses membres a déjà entrepris des démarches pour devenir citoyens israéliens mais aussi portugais et espagnols. Deux pays d’où ils ont été chassés il y a cinq siècles mais qui leur accordent aujourd’hui la nationalité.

La poussée nationaliste et islamiste de l’AKP, le parti du président Erdogan, inquiète la petite communauté juive turque, principalement rassemblée à Istanbul. Avec la montée des violences et de l’antisémitisme, un bon nombre des 15.000 membres de cette communauté, envisage de quitter leur pays. Celle-ci a déjà perdu 9.000 membres en vingt ans.

Depuis la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, la répression contre les partisans du prédicateur Fethullah Gülen (accusé d’être derrière le putsch) s’est étendue à toute la société turque. 140 000 personnes ont été exclues de l’administration: juges, enseignants, journalistes, universitaires, policiers, militaires, élus… La communauté juive, discrète et légitimiste, n’est pourtant pas épargnée par ce climat de violence.

Nationalisme islamiste

Elle craint surtout une nouvelle vague d’antisémitisme, qui pourrait être instrumentalisée par le pouvoir ou par les groupes islamistes. Déjà en 2003, des centaines de juifs avaient quitté le pays après des attentats perpétrés devant deux synagogues d’Istanbul. L’attaque, revendiquée par un group turc lié à Al-Qaeda, avait fait 43 morts.

Avec la victoire du oui au référendum constitutionnel, le président turc Recep Tayyip Erdogan a plus que jamais les pleins pouvoirs. La proclamation de l’état d’urgence lui a déjà permis de museler l’opposition et de fermer des centaines d’associations, dont celles connues pour défendre les droits de l’Homme. 47 000 magistrats, militaires ou policiers ont été emprisonnés

C’est dans ce climat politique délétère qu’une partie de la communauté juive turque cherche une porte de sortie. 4000 de ses membres ont entrepris des démarches pour devenir citoyens portugais ou espagnols. Les parlements espagnols et portugais ont décidé (en 2014) d’accorder la nationalité aux descendants des juifs séfarades expulsés durant l’Inquisition. Les historiens estiment qu’au moins 200 000 juifs vivaient dans la péninsule ibérique lorsque Isabelle la catholique leur a ordonné de se convertir ou de partir après des années de persécutions. Les juifs d’Espagne, qui avaient vécu en paix avec musulmans et chrétiens durant des siècles, devaient partir en quelques semaines et avaient interdiction de revenir. Ceux qui refusaient étaient brûlés sur la place publique.

Retour à Lisbonne

Des décisions visant à réparer une «erreur historique», mais également à attirer une population supposée dynamique et entreprenante. Des lois de «réintégration dans la nationalité» ont été votées en 2013 et 2014 durant la grave crise économique qui a frappé la péninsule ibérique.

Selon le représentant de la communauté juive de Porto Michael Rothwel, «sur les 3000 demandes de nationalité au Portugal, 500 juifs de Turquie ont déjà reçu leur nouveau passeport portugais», les autres sont en cours. Les Turcs représentent 40% de l’ensemble des demandes de réintégration dans la nationalité portugaise (ouvertes aux juifs sépharades).

Pour la communauté juive d’Istanbul, le retour à la nationalité portugaise ou espagnole est perçu comme une assurance face à la montée des violences. Cela donne également accès à un précieux passeport européen en ces temps troublés.

Pour la minorité juive de Turquie, la répression politique qui s’abat sur de larges secteurs de la population, s’ajoute à l’antisémitisme ambiant. Le président Erdogan et la presse turque accusent régulièrement un sibyllin «lobby du taux d’intérêts» de nuire à la Turquie. La population comprend qu’ils ciblent les juifs..

Source geopolis

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