Mon grand-père allait, après la clôture de la fête de Pessa’h au buffet de la gare où il consommait un verre de bière. Je viens de découvrir l’origine de cette coutume – dont je croyais qu’elle était strictement familiale – et je ne résiste pas à la tentation de vous communiquer le résultat de mes lectures.
Cet usage est en fait la résultante de plusieurs facteurs dont les implications convergent vers … un bon verre de bière !
- Chacun sait que, pendant les huit jours de la fête de Pessa’h, on s’abstient de toute forme de ‘hametz. Cette loi figure à plusieurs reprises dans le texte biblique et, notamment, dans le verset de l’Exode 12:18 :
“Le premier mois, le quatorzième jour du mois, au soir, vous mangerez du pain non levé, jusqu’au soir du vingt et unième jour …”
Dans l’une des traductions “officielles” de ce verset, le Targum Yonathan, quelques mots ont été rajoutés à cette proposition : ” … et le soir du vingt deuxième jour (du mois de nissan), vous mangerez du ‘hametz”. L’auteur a peut-être voulu insister sur le fait qu’on ne doit pas prolonger le temps de l’interdiction (cf. Deut. 13:1) et que, par conséquent, il fallait se hâter de consommer un aliment dont on s’était abstenu tout au long de la fête de Pessa’h. (voir Tora Temima ad loc.) - A l’issue du Shabath hebdomadaire, comme à l’issue des jours de fête, on procède au rite de la havdala avec, entre autres, un verre de vin. Encore que les décisionnaires stipulent que l’on peut s’acquitter de ce devoir avec un autres alcool, en particulier à l’issue de la fête de Pessa’h, dans la mesure où il s’agit d’une boisson commune et que l’on prend plaisir à la boire – ce qui est le cas de la bière dont on n’a pu apprécier le goût pendant huit jours, puisque du ‘hametz entre dans sa composition.
C’est ainsi que d’éminentes autorités rabbiniques, tel le Gaon de Vilna, faisaient havdala à la fin de Pessa’h avec un alcool obtenu à partir de céréales. (voir Shoul’han Aroukh, O.H., 296, 2, Rema ; Michna Beroura, ad loc.) - Mon grand père – je reviens à lui – ne possédait pas de ‘hametz pendant Pessa’h et il ne voulait pas qu’un non-juif lui prépare du ‘hametz pour en disposer immédiatement à la fin de la fête (cela équivaudrait pratiquement à posséder du ‘hametz pendant un temps où il est encore interdit) ; il ne voulait pas davantage différer inutilement le moment de faire havdala : il faisait donc havdala , avec du vin, dès la tombée de la nuit, après la récitation de l’office du soir, et il interrompait la Rumpelsnacht pour aller au buffet de la gare où il commandait une bonne bière (d’Alsace) dont il savait certainement apprécier le goût après une semaine d’abstinence !
“A l’issue de la fête, grand remue-ménage : il s’agit d’emballer à nouveau la vaisselle spéciale de Pâque dans ses caisses ou ses placards où elle reposera pour un an … ». En allemand, le Rumpelkammer désigne le débarras où l’on remise cette vaisselle et la Rumpelsnacht désigne “la nuit du branle-bas du rangement” (Dialectionnaire, éd. du Rhin, p. 859).
Chez les Sefardim, l’issue de la fête est célébré de manière bien plus solennelle. C’est la nuit de la mimouna (voir Le Judaïsme dans la vie quotidienne, E.Gugenheim, éd. A.Michel, p. 153).
(d’après Otsar Ta’amé ha-Minhagim, C.P.Gelbard, 1996, p.299)
Rabbin Daniel Gottlieb z”l
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