La décision de Donald Trump de lancer une attaque contre une base syrienne est d’autant plus surprenante qu’il a fait sa campagne présidentielle sur son choix de l’isolationnisme. Le président américain a voulu riposter à une nouveau bombardement chimique syrien qui a fait 86 morts, dont beaucoup d’enfants, et de nombreux blessés.
LE RÉGIME de Bachar-Al-Assad n’a jamais cessé d’utiliser les armes chimiques. Il a encore eu l’audace de prétendre que le bombardement de Khan Cheikoun ne venait pas de lui. Il y a chez Bachar une cruauté nonchalante, une indifférence aux conséquences de ses actes, cette étrange certitude de l’impunité qui donnent la nausée. Le pire, c’est que sa politique de la terre brûlée est soutenue par les Russes, les Iraniens et le Hezbollah libanais, comme si la froide stratégie balayait la morale, comme si l’être humain ne comptait pas. L’assaut, au moyen de 59 missiles Tomahawk, contre la base de Khan Cheikoun, a déjà donné lieu à de multiples commentaires géopolitiques et à une foule de questions sur les intentions de Trump en politique étrangère. Il est bien trop tôt pour croire à un revirement à 180 degrés de sa politique extérieure. C’est quand même très simple : Bachar se conduit d’une manière atroce envers son peuple. Tuer des enfants avec des gaz, c’est innommable, indescriptible. Pourquoi ne pas voir que, quelles que soient les conséquences de son action militaire, M. Trump a voulu informer les Syriens, ainsi que les Russes et les Iraniens, leurs complices dans les assassinats de masse, que l’Amérique riposterait durement chaque fois que des armes chimiques seraient utilisées ? Et que Bachar ferait bien d’y renoncer ? A quoi il faut ajouter que Trump, qui se moque des idéologies, a vu dans la frappe des Tomahawk le moyen de redresser une courbe de popularité qui ne cesse de baisser.
Marine étonnée.
Le plus surprenant, c’est le contenu des réactions politiques, notamment celle de Vladimir Poutine qui s’indigne, avec toute la sincérité dont il est capable, de cette « agression contre un Etat souverain ». La Syrie n’est-elle pas plutôt une colonie russe en très mauvais état ? En France, Marine Le Pen a exprimé son étonnement. Non, mais c’est vrai, ça : Trump n’a-t-il pas renoncé à être le gendarme du monde ? Quelle déception ! Il faut mesurer l’ignominie d’un tel propos. Mme Le Pen n’a pas eu un mot pour les 86 Syriens morts dans de terribles souffrances. Il faut la comprendre, elle est en campagne, elle a toujours combattu l’ingérence américaine, elle avait cru trouvé un allié en Trump, elle voit qu’il cède à l’affectivité comme n’importe quel Obama.
Il y a mieux : Nicolas Dupont-Aignan, éternel candidat à l’élection présidentielle, qui n’en finit pas de trépigner parce qu’on ne lui donne pas assez la parole, a perdu, lui aussi, une bonne occasion de se taire. Il veut « être sûr », dit-il, « qu’il ne s’agit pas d’une manipulation à l’irakienne ». Assis tranquillement à trois ou quatre mille kilomètres d’une guerre sauvage où des crimes contre l’humanité sont commis tous les jours, M. Dupont-Aignan ne voudrait pas que les Américains imposent leur solution en Syrie. Il préfère, bien sûr, celle des Russes qui, comme chacun sait, sont de respectables humanistes. Dans cette obsession de la souveraineté française poussée jusqu’au comble de la lâcheté, on retrouve la dérive qui a conduit à la défaite de 1940 et à l’avènement de Vichy. L’extrême droite, à laquelle M. Dupont-Aignan croit ne pas appartenir, n’hésite pas à se parer des plumes du gaullisme alors qu’elle en est l’ennemie absolue.
Le bon réflexe du gouvernement.
C’est tout simplement honteux et, heureusement, le gouvernement de François Hollande a eu le bon réflexe en approuvant le geste de Trump. Ce qui est hallucinant, c’est de voir que des gens qui versaient il y a encore un jour des larmes de crocodile sur les malheureuses victimes mortes asphyxiées, s’inquiètent aujourd’hui de la survie de Bachar, du statut moyen-oriental de la Russie et du sort de Vladimir Poutine, cet exemple étincelant d’intelligence visionnaire. Quelque chose de très américain a fini par pénétrer dans le cerveau très particulier de M. Trump. Ce quelque chose, c’est quand même la distinction entre le bien et le mal, la conviction qu’on peut commettre beaucoup de crimes au nom de la politique, mais qu’il faut savoir mettre un terme à certaines horreurs qui dépassent toutes les autres. C’est l’Amérique qui a sauvé deux fois l’Europe de ses propres aberrations. Mais c’est une partie du personnel politique français qui continue à faire la leçon à l’Amérique. Bien sûr, il demeure surprenant que nombre de nos concitoyens votent pour Mme Le Pen. Plutôt que d’exiger 500 parrainages d’élus pour chaque candidat à la présidentielle, il faudrait réclamer 500 certificats d’honnêteté intellectuelle..
RICHARD LISCIA
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