À titre posthume, la médaille de « Juste parmi les Nations » a été décernée à un couple de Crestois pour avoir caché un enfant juif durant l’Occupation. Dimanche, une cérémonie émouvante a eu lieu en mairie de Crest, en présence du survivant, aujourd’hui âgé de 82 ans.
« Il y a des comportements honteux d’hommes et de femmes, de groupes, d’États, mais il y a heureusement aussi sur la planète des hommes et des femmes qui ont honoré leur mémoire, la leur, la nôtre et la mémoire de l’humanité ». Des propos d’Hervé Mariton, député maire de Crest, agrémentés de la magistrale musique de Tchaïkovski et des mots d’Evtouchenko, compositeur et poète russes… Émouvante cérémonie, dimanche 2 avril en salle Max Tabardel à la mairie de Crest. Anita Mazor, ministre plénipotentiaire en charge des Régions du Sud, représentant l’État d’Israël, a remis à titre posthume la médaille et le diplôme des « Justes parmi les Nations » à Yvon et Paulette Paturel, représentés par leur nièce Yvette Paturel. Le couple avait sauvé un enfant juif, Raymond Strompf.
La famille Paturel, avec Yvette Paturel, la nièce et Jean-Luc Souillol, le neveu, a pris la parole. Ils ont évoqué le souvenir de Paulette et Yvon Paturel. Paulette Maillet, née en Algérie a épousé en 1930 à Crest Yvon Paturel. Ils tenaient la boulangerie de la rue Général Berlier, avec une spécialité, les desserts « fromages ». Yvon est décédé en 1975 et Paulette lui a survécu jusqu’en 2003.
Raymond Strompf a alors raconté le récit de son sauvetage. Nicolas Strompf et Rosalie nés à Budapest, arrivent en France en 1925. Électromécanicien et couturière, ils s’installent à Vincennes, se marient en 1933 et Raymond naît en 1935, ses parents obtenant pour lui la nationalité française. Nicolas Strompf s’engage dans la Légion étrangère en octobre 1939, tandis que Rosalie se réfugie sur l’Île de Ré avec Raymond. Après l’armistice, Nicolas, démobilisé, retourne à Vincennes avec sa famille. Le 14 mai 1941, Nicolas Strompf est arrêté, conduit dans le camp d’internement de Pithiviers, puis déporté à Auschwitz le 25 juin 1942. Son épouse est arrêtée puis déportée le 27 juillet 1942.
Adopté comme neveu
Des amis font passer la ligne de démarcation à Raymond, le conduisent à Crest, où il est caché dans une ferme, puis confié à Yvon et Paulette Paturel, comme neveu de la famille. Il fréquente l’école communale sous le nom de Raymond Paul et le Temple le dimanche. Paulette est très douce avec lui, mais ferme. Le passage des troupes allemandes, la peur des dénonciations inquiètent la famille Paturel. Pendant l’été 1944, Raymond retrouve à Aouste-sur-Sye la famille de son oncle Louis, qui a rejoint les maquis du Vercors. Il voit arriver les premiers soldats américains, puis avec une cousine, regagne Vincennes, espérant retrouver sa famille. Ce n’est qu’au bout d’une attente terrible de 2 ans qu’il obtient l’acte de décès de son père et apprend la disparition de sa mère. Une de ses tantes s’est occupée de l’adolescent. Par la suite, Raymond est resté en contact avec Paulette et lui a écrit régulièrement.
Raymond a maintenant 82 ans et il s’inquiète de la transmission de la Mémoire. Il se dit heureux que le Souvenir de Paulette et d’Yvon soit honoré. Anita Mazor, Ministre, insiste elle aussi sur la nécessité de transmettre la mémoire de la Shoah et d’enseigner aux enfants la lutte contre l’antisémitisme, avant de remettre la médaille. Une émotion, rehaussée par les poèmes : « Quand il n’y aura plus personne pour protester » par Marie-Christine Reynier, « le Badge » par Anne Goy, Clémentine et Lucile, « Les Justes » par Marie-Odile Petiot, et par la diffusion du Chant des Partisans et de « Nuit et Brouillard ». Hervé Mariton conclut alors par une phrase de Shimon Peres : « Quand, dans un seau, vous mettez des œufs et une pierre, c’est la pierre qui a gagné ; ce sont aussi les Résistants même peu nombreux qui ont gagné ! »
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