Thérèse Zrihen-Dvir, en consacrant une étude sur le livre de Shlomo Sand, “Comment le peuple juif fut inventé, ” illustre parfaitement la colère qui parfois s’empare de nous, lorsque nous vivons une grande douleur, comme le criait le grand Jacques.
À lire attentivement l’ouvrage critique de Thérèse Zrihen-Dvir : “L’origine non biblique du peuple juif aux sceptiques” , on ne peut être que frappé par la similitude des attitudes. Brel s’attaquait au Diable (ça va), aux Flamandes, aux Bourgeois ou à lui même Grand Jacques (C’est trop facile) pour aller loin dans la sincérité dépouillée de toutes concessions.
Thérèse prend Shlomo comme on choisit un partenaire de haute volée pour un débat complexe qui engage, au-delà du sujet, les deux contradicteurs dans un voyage au plus profond d’eux-mêmes.
De quoi nous parle ce livre ? Bien sûr on pourrait y voir une polémique, seulement une polémique et un échange « musclé » à grands coups d’arguments et de certitudes.
Certains y trouveront des références, des idées, des convictions religieuses, un répertoire savant pour répondre à une thèse autant dérangeante qu’audacieuse.
Avec une certaine évidence il pourrait être question de Judaïsme n’est-ce pas ? Peuple juif, terre sainte, Torah, puissance des mythes et des ancêtres, pérennité du peuple juif …
Et pourtant ? À la fin de la lecture, moi qui reste insensible à la révélation, si peu enclin à m’embarrasser d’une foi quelconque, je garde le souvenir d’un moment intense. La clé me paraît être, sans vouloir imposer la moindre grille de compréhension, une réflexion littéraire essentielle sur une interprétation humaniste du sionisme.
Thérèse Zrihen-Dvir part, d’un bel élan, des textes, des sentiments et même des passions parfois liées au religieux pour glisser lentement vers un message universel de paix et de fraternité. À la lire avec beaucoup d’attention on décèle, très vite, que son reproche majeur fait à Sand est l’impression, selon moi, de la désacralisation du message fondamental porté par les Tables de la loi.
Oui, je sais, on me dira qu’il y a des messages proprement juifs, des préoccupations, que d’aucuns nommeront tribales et, peut-être, un certain réductionnisme dans sa position philosophique « anti Sand ». C’est là une subjectivité assumée fondée sur la conviction que « détruire le peuple juif » c’est aussi lourd de dangers pour la destruction d’autres peuples. Pour Thérèse Zrihen-Dvir nier l’existence d’une communauté c’est adopter l’héritage nazi d’une dislocation de l’être alors que toute activité intellectuelle doit, au contraire, œuvrer à l’intégration de chacun dans l’humanité commune.
Ce serait une erreur de considérer ce livre comme une conception banale judéo-centrée. En passant par le prisme religieux qui détermine, à l’évidence, sa culture et le substrat de sa pensée, Thérèse Zrihen-Dvir nous amène, en réalité, à nous interroger sur l’abandon progressif d’une véritable éthique de la foi qui provoqua bien des génocides en rompant « le fil qui nous reliait à la tradition » comme disait Arendt.
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