Tribune Juive

Les affaires reprennent, par Richard Liscia

Le répit aura été court : coup sur coup, le ministre de l’Intérieur démissionne et François Fillon fait face à de nouvelles accusations.

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BRUNO LE ROUX, ministre de l’Intérieur jusqu’à ce matin, a quitté des fonctions qu’il n’a occupées que pendant 106 jours. Il est remplacé par Mathias Fekl, jeune énarque à la carrière fulgurante. Ancien président du groupe socialiste à l’Assemblée, M. Le Roux est accusé d’avoir payé ses deux filles adolescentes comme assistantes parlementaires, ce qui est toujours légal, mais dans un cas au moins, l’une de ses filles aurait perçu des salaires alors qu’elle était en stage en dehors de Paris. Le parquet national financier (PNF) s’est saisi de l’affaire en moins d’une journée. Sans doute parce que les juges veulent montrer leur impartialité : ils ne font aucune distinction entre les élus, de droite ou de gauche, qu’ils poursuivent. On pourrait dire que cette deuxième affaire d’assistant parlementaire relativise celle de M. Fillon, mais ce n’est pas sûr du tout. Si la carrière de M. Le Roux semble très compromise, l’enjeu n’est pas le même, M. Fillon étant le seul candidat de la droite et du centre à la présidence de la République.

Une accusation d’escroquerie.

Les trois juges chargés de l’affaire Fillon ajoutent un nouveau chef d’accusation aux charges qu’ils ont accumulées contre l’ancien Premier ministre. Ils le soupçonnent maintenant d’avoir créé des faux pour justifier les versements faits à Mme Fillon. Ce soupçon serait né d’une perquisition à l’Assemblée nationale. On ne sait pas si les juges veulent seulement étayer une accusation insuffisante pour confondre le candidat (qui, rappelons-le, fonde sa défense sur la légalité de ses actes) ou s’ils disposent vraiment d’un nouvel atout. Par ailleurs « le Canard enchaîné », encore lui, publie aujourd’hui un article selon lequel la société conseil de François Fillon aurait reçu 50 000 dollars pour avoir mis en contact un milliardaire libanais, le P-DG de Total et Vladimir Poutine.

La chance de Macron.

Il n’y a aucune raison d’être surpris par ces rebondissements : ils étaient inévitables dès lors que M. Fillon a fait le choix définitif de maintenir sa candidature à la présidence de la République. Ils continueront d’empoisonner sa campagne, qui ne va pas fort. Un sondage Elabe pour « L’Express » et BFM-TV, réalisé au lendemain du débat télévisé, montre que Emmanuel Macron arrive en tête à 26 %, devant Marine Le Pen à 24,5 % et François Fillon à 17 %, en baisse de 0,5 %. Selon le même sondage, M. Mélenchon ravit la quatrième place à Benoît Hamon. Force est de constater que le socle de soutiens sur lequel M. Fillon semblait compter commence à s’effriter sérieusement. Sans doute est-il beaucoup trop tard pour que la droite s’en inquiète, mais la stratégie fondée sur l’idée que le « courage » de M. Fillon allait effacer tous les doutes de ses partisans ne semble pas produire des résultats positifs, alors que le temps imparti à la campagne se réduit.

M. Macron bénéficie directement des soucis judiciaires de M. Fillon. Le lent recul de celui-ci dans les sondages est accompagné par une ascension proportionnelle du leader d’En Marche !, le déficit de l’un nourrissant la progression de l’autre. En se présentant comme le refuge accueillant tous les frustrés, les dégoûtés, les sceptiques, M. Macron a instauré une dynamique électorale infiniment plus performante que ses projets. Il a vu juste quand il a décidé de brouiller les clivages, mais il ne pouvait pas prévoir que la droite se casserait une jambe sur le chemin de la victoire. Sa stratégie a été amplifiée par cette soudaine anémie d’un parti promis à l’alternance. Ainsi s’écrit l’histoire.

Richard Liscia

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