Tel maître, Tel Aviv : musiques alternatives dans la ville israélienne

Portland et Berlin ont été assaillies par les hipsters qui ont décidé d’en faire leur nid à vie ; Barcelone et Amsterdam se sont tellement fait marcher dessus par les Erasmus et les Américains bourrés qu’il n’en reste plus qu’une odeur globale de pisse ; Miami, Marrakech, Dubaï et Cannes ne sont définitivement pas votre came, il ne vous reste qu’une solution : vous creuser les méninges à la recherche d’ailleurs. Si vous aimez les musiques alternatives, déviantes et sexy, on vous conseille fortement, avec nos interlocuteurs locaux Red Axes, Autarkic et le label Garzen Records, d’aller vous plonger dans les nuits de Tel Aviv.block_tel_aviv

« Vive la musique indé, OK! Mais Asaf Avidan, j’ai donné », criait un type au bar du coin, un mardi de juillet. Retenons dans le cri du cœur de ce fou un attachement particulier à l’aventure sonore, à la passion marginalisée, à la démence charnelle. C’est en particulier ce que Tel Aviv semble de plus en plus inspirer au monde, dans ses nuits. Loin de nous l’idée de renier la voix claire de l’auteur de « One day » et natif de Jérusalem, il nous semble pourtant inutile d’ajouter au bruit ambiant un énième article sur de la folk-pop-sympatoche.

Parlons vrai

Parlons punk, parlons electronica. Tel Aviv est le centre névralgique de l’Israël culturel et de l’Israël alternatif. Ville bobo un peu chère – mais pas que -, branchée – mais pas trop – qui attise les convoitises, elle a profité de la course religieuse de Jérusalem pour attirer les artistes et la jeunesse du pays. Un air de Téhéran souffle sur la scène indé dans des conditions éloignées des capitales culturelles occidentales. Nadav Spiegel, compositeur et producteur local – nom de scène Autarkic -, est le premier à rappeler cette réalité : « En façade, on pourrait croire qu’à Tel Aviv, on ne pense qu’à s’éclater, mais les réalités politiques frappent chaque jour ou chaque semaine pour nous rappeler qu’Israël n’est pas un endroit normal et ne le sera jamais tant que les problèmes liés aux frontières ne seront pas résolus. »

Tel Aviv touch

En Israël, la langue anglaise a mis du temps à être acceptée dans les cultures locales. Asaf en sait quelque chose, il était le premier à avoir tapé les charts locaux. Ça n’est pourtant pas la principale occupation des groupes de new wave délurés qui traînent leurs guêtres dans les rues de la ville sans interruption, comme il est commun de l’appeler. On peut y trouver, chanté en hébreux, tout ce que la pop, l’électronique expérimentale et l’énergie rock ont enfanté de mieux. Et avec le plus de style. Certes, il fut un temps où tous les groupes locaux essayaient de ressembler au « prochain Radiohead » mais Autarkic rassure : il existe désormais « une sorte de new wave israélienne. Le son en lui-même n’est pas nouveau mais l’attitude oui. Et cette attitude, vous la trouvez dans de nombreux styles, du rock à la house en passant par la techno et le hip-hop. » Pour s’assurer que le compositeur n’ait pas d’accointance particulière pour les alternative facts, quoi de mieux que de demander à Red Axes, nos ambassadeurs locaux préférés, de la véracité de tels propos. Ceux qui ont ratissé le monde jusqu’à Coachella avec le chanteur brésilien Abrão assurent que « des groupes comme The Crotches et The White Screen, tu n’en trouves un équivalent dans aucune autre ville. »

Histoire de

Le Tel Aviv (moderne) a été fondé en 1909 à l’époque ottomane, dans les rues de Jaffa, ville portuaire avec laquelle elle s’est ensuite accouplée en 1950. Une ville jeune, comme on dit, qui n’a pas les siècles d’histoire musicale de nos vieux pays (#JeSuisJeanBaptisteLully #LibérezWagner #RaviShankarReviens). Ainsi, sa culture est multiple, s’inspire de tout, a le background de tout le monde, et à travers elle transparaît quelque chose de « très hasardeux et versatile ». De belles histoires, Red Axes en a plein. Comme celle du temps où les généraux militaires étaient les rockstars locales : à l’époque, « ils avaient l’habitude de traîner dans tous les bars à la mode de la ville avec les poètes et les artistes. Beaucoup de chansons sont basées sur ces influences. Le meilleur exemple est celui d’Eric Einstein, un chanteur et artiste multiple. Son travail a eu le plus fort impact sur le rock et la pop israélite. Il est un peu le Beatle israélien. »

From rock’n’roll to techno

Tout le monde vous le dira, Tel Aviv est devenue l’une des villes les plus bouillonnantes au monde, Jérusalem ayant quitté sa place de choix gardée chaudement des années 80 aux années 2000. Et si c’est le cas, c’est bien parce qu’on y trouve autre chose qu’une simple fusion de styles orientaux-occidentaux. Les influences orientale et extrême orientale que ce soit dans le rock ou la musique électronique y sont aujourd’hui très fortes et populaires. Pour Red Axes : « La chose la plus excitante en ce moment concerne le revival rock’n’roll emmené par les groupes alternatifs dans la ville. Beaucoup de groupes et de concerts le prouvent. C’était assez marginal pendant un temps mais on a l’impression qu’un vent nouveau souffle à présent ». Et Autarkic d’ajouter que « la musique qu’on y joue est globalement très bonne même dans le plus petit bar. »

Comme il est facile d’imaginer, Red Axes rappelle que « la scène électronique et la culture club y ont pris une énorme place ces dix dernières années » , une réputation méritée aux yeux du nombre toujours croissant de producteurs et DJ qui se lancent, souvent pour le meilleur. A Tel Aviv, les quatre principaux clubs se trouvent dans la même rue, on peut tout faire à pied, ce qui fait dire à Autarkic : « Tu fais globalement le même trajet que tu veuilles rentrer chez toi ou aller à la plage. » Forcément, le choix le plus sensé qui se présente aux danseurs avinés est et restera toujours (basé sur 200.000 ans d’histoire d’homo sapiens, 8.000 de fermentation du raisin et 10.000 ans de culture éthylique de la pomme de terre) le retour en crabe vers la plage la plus proche. « On rentrera quand on sera morts » aurait décrété le type au bar du coin précité en début d’article. Comme toute scène « jeune » et « fraîche », le changement y est constant, ce que souligne Autarkic : « Des clubs ou des bars qui existent depuis plus de cinq ans sont considérés comme des « institutions ». C’est aussi à cause de la situation économique. »

C’en est fini de ces mots doux pour Tel Aviv. Avant de se quitter, on vous propose une liste qui nous a été gentiment filée par Guy Dreifuss, co-fondateur (avec Red Axes) du label Garzen Records, manager et booker de Red Axes, Autarkic, White Screen et The Crotches et promoteur du Garzen Festival.

TEL LA LISTE

Cinq labels indés musicaux de Tel Aviv

Il y a Garzen records, le label de Red Axes, Malka Tuti, tourné new edge et electronica, Fortuna, plutôt sur les rééditions et le son électro méditerrannéen, Disco Halal, le label de Moscoman, qui sort surtout de l’electronica, des edits et des rééditions ou encore Raw Tapes, sur le leftfield hip-hop et les beats.

Cinq lieux pour écouter de la musique à Tel Aviv

Il y a le Teder/Romano (photo en une), où on trouve un restaurant, un studio de radio, un bar, des studios de musique, là où Garzen Records a son studio et où s’est créé un gros noyau de talents, sinon le Breakfast club pour les nuits qui finissent tard, le Block, le principal gros club d’Israel, ou d’autres clubs comme l’Alphabet ou le Kuli Alma.

Cinq groupes, DJ et producteurs de Tel Aviv

Häxxan, un groupe de punk, psyché, garage, ou encore Hila Ruach, groupe de pop-rock, Buttering Trio, qui partagé sa vie entre jazz, soul, funk et hip-hop, le DJ, producteur et promoteur Uriah Klapter notamment signé chez Correspondant, le label de Jennifer Cardini (comme Red Axes) et enfin Hectik, DJ et producteur sur le label local Fortuna.

Liste des artistes du catalogue Garzen Records

Red Axes (quelle coïncidence, ce sont les boss !), Abrão, le chanteur brésilien qui tourne avec eux, The White Screen, rois du rock trash, glam & rock n roll « pour zombies » qui selon la bio réinventent le sexe et la dépravation dans la musique, Hamifsaot (The Crotches) sorte de formation country folk israélienne chtarbée, les filles de Deaf Chonky qui explorent un garage folk bien punk et enfin le garage rock des Turbans.

Source sourdoreille


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mardi 5 novembre 2024