Tribune Juive

Sarkozy, l’invisible Parrain qui protège Fillon

Plus François Fillon est en difficulté, plus le nom de Nicolas Sarkozy apparaît parmi ceux qui entendent le soutenir mordicus. Invisible, l’ancien président est pourtant omniprésent. Mais dans quel but?fillon-sarkozy_2

« Comment va le Don? » L’autre jour, rendant visite à Nicolas Sarkozy, l’un de ses facétieux fidèles est ainsi entré en matière. « Comment va le Don? ». La blague. « Comme Sarkozy avec un  » i «  » aurait répondu l’ancien président. Re-blague. C’était dans les jours suivant le déjeuner qui avait occupé Nicolas Sarkozy et François Fillon, candidat à la dérive et en recherche d’adoubement. Le Monde avait titré sur le Parrain Sarkozy. « Don Sarkozi », le retour. Ambiance.

Sarkozy est parti mais il est toujours là. Invisible et omniprésent à la fois. Chaque fois que François Fillon doit affronter une nouvelle tempête politique, le nom de Nicolas Sarkozy surgit. Une crise? Et aussitôt l’entourage de François Fillon fait savoir qu’il a appelé, consulté et écouté Nicolas Sarkozy. A la fin, on comprend que sans Nicolas Sarkozy, parrain de François Baroin, François Fillon ne tiendrait pas longtemps.

Donc, le Don soutient Fillon. Les émotifs et les naïfs s’en étonneront. Comment Sarkozy pourrait-il soutenir Fillon alors que ce dernier l’a assassiné en une formule devenue culte, « Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? » Et pourtant, le fait est. Tout indique que le meilleur conseiller de François Fillon aujourd’hui, celui qui murmure à l’oreille du caveau qu’il ne doit pas renoncer, s’accrocher, faire du bruit médiatique, affoler la meute, contre-attaquer, provoquer et disrupter, c’est Nicolas Sarkozy. Etonnant? Non, pas tant que cela.

Sarkozy pense à l’avenir

En dépit des apparences, Nicolas Sarkozy, retraité de la politique, pense à l’avenir. Non pas à l’Elysée, mais à autre chose. D’une certaine façon il lui importe de demeurer le grand influenceur des destins, le suprême marionnettiste de la droite. Et pour y parvenir, il faut porter Fillon jusqu’au bout. Soit jusqu’à la défaite et la possible élection d’Emmanuel Macron. Il est même certains Sarkozystes qui pensent que Macron président n’aura pas de majorité législatives et qu’alors, qui sait, pourquoi pas Sarkozy, de nouveau chef, Premier ministre de cohabitation…

Sans aller jusqu’à un scénario de cohabitation (assez délirant), après la déroute, que fera Nicolas Sarkozy face à un tel champ de ruines laissé par la campagne Fillon? Rien de plus simple. Les brebis affolées reviendront vers le seul berger disponible. Les Soldati reviendront à leur Don. Et lui seul, replié dans son antre de la rue de Miromesnil saura les rassembler, les unir, et leur désigner un nouveau Don. Car c’est ainsi que Nicolas Sarkozy entend écrire l’histoire de la droite dans les années qui viennent. En vieux sage qui fait et défait les familles et partage les territoires, les places et les prébendes. Il veut être celui qui dira le nom du nouveau Don.

Une fois que l’on a intégré cette nouvelle ambition Sarkozy, la pièce qui se joue à droite, depuis des semaines, autour de la candidature Fillon devient d’une transparence totale. Nicolas Sarkozy bloque la candidature de recours d’Alain Juppé parce que ce dernier serait en mesure de lui contester, au cas où le suffrage universel lui serait favorable, sa place de Don.

Et quand bien même, en l’état, les chances de Juppé seraient faibles, il est important de n’accorder aucune place au maire de Bordeaux, qui serait susceptible de déboucher sur une situation politique post-présidentielle potentiellement éliminatrice du rôle historique que l’ancien président entend jouer.

Et comme par ailleurs, il est, en l’état encore, impossible d’imposer la candidature Baroin (le prochain Don désigné par Sarkozy?) puisque tous les autres cadets de sa génération le refuseraient, de Xavier Bertrand à Laurent Wauquiez en passant par Bruno Le Maire, alors, va pour le soutien de Nicolas Sarkozy à François Fillon. Jusqu’au bout. Jusqu’à la défaite. Jusqu’au renouveau Sarkozy. Sous une autre forme.

Fillon en mode super-Trump

Les agités peuvent multiplier les agitations, François Fillon, contraint désormais de jouer la surenchère en mode Super-Trump pour se maintenir, est bel et bien parti pour se maintenir, envers et contre tout. Y compris contre Juppé, à qui Fillon a lâché le morceau au téléphone : « De toutes façons, Sarkozy ne veut pas de toi… »

On ne peut rien contre la volonté d’un homme disait Mitterrand. Et la droite aujourd’hui, de ce point de vue, est la mieux servie du monde, confrontée qu’elle est à l’exercice de leur volonté par deux hommes.

Le premier, François Fillon, qui tant qu’il continuera d’être candidat le demeurera. Personne ne peut en l’état contraindre le député de Paris à se retirer. Personne. C’est un fait incontournable. Le député LR Georges Fenech a beau appeler à l’envoi de parrainages directement au Conseil constitutionnel, il ne peut rien contre ce fait si têtu. Aujourd’hui, avec plus de 700 parrainages déjà validés par le Conseil constitutionnel, François Fillon est candidat de plus en plus légal à l’élection présidentielle.

Nous allons droit au but vers le moment où la situation sera juridiquement verrouillée autour de sa candidature. Si François Fillon n’est pas empêché par un événement extérieur (accident, maladie, décès…) l’empêchant d’être candidat, l’élection présidentielle aura lieu à la date prévue, et il en sera candidat.

Le second, Nicolas Sarkozy, qui est décidé à tenir le rôle qu’il entend jouer à l’avenir. Qui ne fera pas la courte échelle à Alain Juppé. Qui a choisi François Baroin. Qui sera le recours moral de la droite au lendemain de la possible défaite de François Fillon. Qui ne s’est pas retiré des affaires, contrairement à ce qu’il a raconté au soir de sa défaite à la Primaire, en novembre dernier, mais continue de gérer les affaires de la droite. Jusqu’à créer les conditions du maintien de François Fillon, envers et contre tout, parce que tel est son bon plaisir.

Il était dit, au lendemain de la Primaire, que la victoire de Fillon avait soldé le passif des vingt dernières années de la droite. Fini Sarkozy. Oublié Juppé. Et il apparaît, en ces jours de tourmente, que l’éternelle rivalité Sarkozy-Juppé pèse encore de tout son poids dans l’histoire de la droite. En vérité, Fillon, Sarkozy, Juppé et les autres sont tous coupables de ce qui va advenir de la droite dans les semaines et mois qui viennent… Surtout Sarkozy, Parrain revenu de son coma politique… Et qu’il ne nous raconte plus qu’il est innocent parce que c’est une insulte à notre intelligence et ça nous rend de mauvaise humeur.

Bruno Roger-Petit

Source challenges

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