Dans un communiqué, le parquet national financier (PNF) a annoncé que « les nombreux éléments déjà recueillis ne permettent pas d’envisager, en l’état, un classement sans suite de la procédure » engagée contre les époux Fillon.
CE NOUVEAU REBONDISSEMENT de l’affaire pourrait bien placer François Fillon qui, à deux reprises, a signifié aux élus de droite qu’il ne se désisterait pas, dans une situation impossible. En vertu d’un engagement plus ancien, M. Fillon est censé abandonner la course à la présidence s’il est mis en examen. Les premières conclusions du PNF lui offrent un choix douloureux : soit envoyer une ou plusieurs personnes devant un tribunal correctionnel, soit ouvrir une information en la confiant à des juges d’instruction. On ne saurait minimiser la gravité des charges pesant sur les époux Fillon : détournement de fonds publics et abus de biens sociaux. L’ancien Premier ministre serre les dents, reste debout dans la tourmente, mais chaque jour qui passe lui apporte son lot de mauvaises nouvelles. Il espère recouvrer sa popularité en gagnant du temps, mais l’analyse inverse est valable : il fait perdre du temps à la droite en refusant qu’elle se donne un candidat alternatif.
La charge de M. Fenech.
Il n’est pas question, ici, de dire que le remplacement de M. Fillon serait facile et rendrait à la droite, naguère conquérante, son lustre et ses chances de l’emporter. On remarque seulement que Georges Fenech, député du Rhône, classé sarkozyste, a proposé que M. Fillon se démette dès qu’est paru le premier article du « Canard enchaîné ». Il n’a pas été entendu, bien qu’il soit revenu à la charge une seconde fois. Hier soir, à la télévision, il estimait que la droite avait déjà perdu la bataille de l’élection présidentielle. Certes, on peut attribuer à M. Fenech des intentions claniques, au sens où il serait guidé par ses convictions sarkozystes, mais il s’est contenté de regretter que l’alternance, considérée comme inéluctable il y a peu, soit de moins en moins sûre.
D’autant que la cote de popularité de M. Fillon ne remonte pas, que ses interventions publiques sont toujours chahutées (avec l’aide de quelques spécialistes de la disruption) et que, dans le maelström, il recourt à des trucs de campagne pour améliorer sa stature, par exemple, l’abaissement de la responsabilité pénale à l’âge de 16 ans, mesure dictée par les émeutes de banlieues mais à laquelle il était opposé jusqu’à présent. Son déjeuner d’hier avec Nicolas Sarkozy, dans les bureaux de celui-ci, ne traduisait pas davantage son retour en force dans la campagne. Sur son ancien patron, il a quand même dit des choses irréversibles, par exemple « Imaginerait-on un De Gaulle mis en examen ? » et personne n’oublie qu’il est allé un jour voir le secrétaire général de l’Élysée, Jean-Pierre Jouyet, pour demander au pouvoir socialiste de hâter les procédures judiciaires intentées contre l’ancien président de la République. M. Fillon s’en est défendu, il a intenté un procès en diffamation à M. Jouyet qui avait raconté l’histoire à des journalistes, mais il a perdu. En conséquence, on ne sait ce qu’il faut penser, de l’extrême magnanimité de M. Sarkozy, ou de la sournoiserie de M. Fillon.
Manoeuvres inutiles.
L’entretien entre les deux hommes ne peut avoir de sens que stratégique. M. Fillon a sûrement fait des concessions à l’ancien président, nommer, par exemple, un Premier ministre sarkozyste (on parle avec insistance de François Baroin qui n’a jamais été aussi filloniste que ces jours-ci) en échange du silence que M. Fenech trouble avec tant d’obstination. Que valent ces tractations de la dernière heure, dans un climat de défaite, qui représentent autant d’accommodements entre réseaux mais ne permettent pas à M. Fillon d’échapper au terrible soupçon qui pèse sur lui, à la déliquescence de sa candidature, à son naufrage moral et politique, alors que la droite a plus que jamais besoin d’un autre candidat, un homme qui doit être guidé plus par l’intelligence que par l’ambition, par le devoir plus que par son plan de carrière, par la nécessité plus que par l’appétit ?
Richard Liscia