Tribune Juive

Sarah Cattan : Bibi, Donald et même Sarah

Pendant que nos spécialistes en tout, au lieu de travailler à notre propre situation catastrophique, s’interrogent doctement dans l’incontournable C dans l’air sur le thème Trump, un amateur à la Maison Blanche, pendant que Marine Le Pen se  ridiculise en allant boire un café à la Trump Tower, eh bien, Bibi himself, de Sarah escorté, et du gratin de son administration, arrive à Washington, et CNN fait le lien entre cette arrivée un 14 février , on the Valentine’s Day to renew the US-Israel romance after eight strained years during the Obama administration.

bibi three

Eh oui gens du monde ! Après Theresa May, c’est au tour du leader d’Israël de se réunir avec le président américain Donald Trump, un ami de nombreuses années avant son élection : Je vais à Washington pour une réunion très importante avec le président Trump, a déclaré Netanyahu aux journalistes avant de monter dans l’avion. Je vais aussi rencontrer le vice-président Mike Pence, avec le secrétaire d’État Rex Tillerson et avec les dirigeants républicains et les chefs démocrates sur Capitol Hill. L’alliance entre Israël et l’Amérique a toujours été extrêmement forte. Elle est sur le point de devenir encore plus forte, a-t-il poursuivi, le président Trump et moi allons parler des dangers émanant de la région, mais aussi sur les opportunités. Et nous allons parler à la fois, ainsi que l’amélioration des relations entre Israël et les Etats-Unis dans de nombreux domaines.

C’est donc aujourd’hui mercredi qu’elle a lieu, la rencontre Donald – Bibi, et nous on se demande si ces deux-là qui sont en pleine lune de miel vont conclure. Elle est d’importance, cette rencontre qui ne fait pas plaisir à tous : Ce sera une fête de l’amour absolu, a déclaré au sujet de ce rendez-vous Hussein Ibish, un érudit résident senior à l’Institut arabe des États du Golfe : Ils savent tous les deux qu’il est probable qu’à long terme, il y aura des tensions, Trump ayant envoyé des signaux contradictoires sur Israël. Mais pour l’instant, il n’y a pas de problèmes majeurs entre eux. Ce sera une lune de miel.

Rappelons-nous que Donald Trump avait téléphoné longuement à son homologue israélien, au lendemain de son élection, et que le monde y a vu la première indication d’un probable durcissement de la nouvelle administration américaine vis-à-vis de Téhéran. Lors de cette conversation, les deux hommes avaient évoqué le dossier iranien et étaient, selon la Maison Blanche, tombés d’accord pour continuer à échanger leurs points de vue sur une série de questions régionales, notamment les menaces que constitue l’Iran. Le bureau de Bibi avait de son côté exprimé son désir de travailler étroitement avec le président Trump pour forger une vision commune afin de faire avancer la paix et la sécurité dans la région, la priorité de l’Etat d’Israël étant de lever la menace que fait peser le mauvais accord nucléaire conclu par l’Iran, et la question de la guerre en Syrie faisant partie des sujets brûlants. Rappelons-nous encore que cet entretien avait eu lieu le jour même où Israël avait relancé la colonisation avec la construction de centaines de logements à Jérusalem-Est, amenant l’adjoint au maire de Jérusalem, Meïr Turjeman, à estimer que les règles du jeu avaient changé avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump : Nous n’avons plus les mains liées comme du temps de Barack Obama.

Trump-Netanyahu, c’est donc une rencontre test à la Maison Blanche, écrit Nissim Behar, à Tel-Aviv, rappelant que si, en temps normal, l’événement aurait recueilli de nombreux échos en Israël, il n’en serait pas ainsi cette fois : même si le nouveau président passe pour un grand ami d’Israël et des colons, les dirigeants de l’Etat hébreu ne savent pas vraiment comment s’y prendre avec lui. Voilà pourquoi Netanyahu a demandé à ses ministres de s’abstenir de toute déclaration relative à la politique américaine en général et à la Maison Blanche en particulier.

C’est peu de dire qu’après huit années de tensions avec l’administration Obama, le Premier ministre israélien espère beaucoup de sa visite à Washington, et notamment que les relations israélo-américaines reviennent au beau fixe : comme au temps béni où la collaboration en matière de renseignements des deux pays battait son plein et que les Etats-Unis opposaient automatiquement leur véto aux résolutions du Conseil de sécurité condamnant l’Etat hébreu.

Il joue gros, le leader du Likoud, aujourd’hui. Il utilise tous ses atouts, y compris le milliardaire ultraconservateur américain Sheldon Adelson, qui a rencontré Trump il y a quelques jours : ce magnat des casinos, gros contributeur à la campagne électorale du président américain, aurait l’oreille de Donald et Bibi serait son protégé. C’est lui, Sheldon, qui tient à bout de bras le quotidien gratuit israélien Israël Hayom, ce journal pro-Netanyahu appelé par ses opposants la voix de son maître.

Comment jouera-t-il, Bibi, à qui les faucons du gouvernement israélien et la base du Likoud ont demandé de profiter de l’impact médiatique de l’événement pour proclamer la mort des accords de paix d’Oslo et la solution prévoyant deux Etats, et plaider aussi en faveur du développement de la colonisation des territoires palestiniens occupés ainsi que de l’annexion d’une partie d’entre eux par l’Etat hébreu. Nous souhaitons bonne chance à notre Premier ministre et lui rappelons qu’il faut profiter de la fenêtre d’opportunité extraordinaire qui s’offre à nous pour enraciner la présence juive en Judée-Samarie[1], car c’est maintenant ou jamais, a déclaré Yossi Dagan, membre du Likoud très actif.

Bibi, il la jouera plus fine : il sait que malgré son soutien proclamé à notre pays, l’administration Trump ne tolérerait pas une reprise généralisée des constructions en Judée-Samarie et encore moins la création de nouvelles colonies. Bibi, gageons qu’il ne braquera pas son nouvel ami, qu’il proclamera que lui veut la paix mais que l’Autorité palestinienne refuse sa main tendue. Et ce sera reparti pour un tour !

Sara Netanyahu, Melania Trump, Donald Trump et Benjamin Netanyahu sur le perron de la Maison Blanche, le 15 février 2017. Kevin Lamarque/Reuters

Gageons surtout que l’Israélien et l’Américain aborderont avant tout le dossier iranien : Bibi n’a toujours pas digéré la traîtrise que constitue à ses yeux l’accord sur le nucléaire iranien conclu en juillet à l’initiative des grandes puissances, alors qu’il s’agit à l’évidence pour Israël d’un danger existentiel, et Donald, lui, a déjà menacé de le déchirer, ce document.

Certes, la nouvelle administration américaine a temporisé sur plusieurs sujets évoqués durant la campagne, et ces revirements font dire à un ancien haut responsable israélien que le nouveau président américain devrait rester fidèle à la politique américaine, celle de ses prédécesseurs George W. Bush et Barack Obama, Donald Trump devant répondre à un électorat divisé, la communauté juive américaine étant plus démocrate que républicaine, et les Américains sondés étant de plus en plus nombreux à soutenir une solution à deux Etats.

LA SACRO SAINTE SOLUTION À DEUX ÉTATS

Pourtant, des fuites de la Maison Blanche nous disent que Trump va la laisser tomber, la solution à 2 Etats : c’est le quotidien Yédioth Aharonot relayé par son puissant site d’information et par l’AFP qui relayent cette confidence d’un responsable de la Maison Blanche ; selon lui, la sacro-sainte solution à deux Etats ne devrait plus être la pierre angulaire de la paix entre Israéliens et Palestiniens : une solution à deux Etats qui n’apporte pas la paix est un objectif que personne ne cherche à atteindre. La paix est l’objectif, que cela soit sous la forme d’une solution à deux Etats si c’est ce que les parties veulent, ou quelque chose d’autre si les parties le veulent. Nous ne dicterons pas les termes de ce que sera la paix.

De toutes façons, Bibi a prévu, lui, d’expliquer le niveau d’impréparation des Palestiniens dans le cas improbable où ils obtiendraient un Etat, confirme le site Coolamnews.com.

Aujourd’hui donc, nous verrons comment marche le monde. La France, à côté, au lieu d’interroger ce qu’elle est devenue, ses violences urbaines, l’offre surréaliste de sa campagne présidentielle et les tweets de Marwan, elle débattra encore, 4 lascars faisant le procès du nouveau Président des Etats-Unis, se demandant même s’il n’est pas antisémite[2]. Elle n’est pas à notre honneur, cette propension française à donner en permanence des leçons au monde entier, quand on sait notre situation ubuesque et la pantalonnade que constitue notre inédite campagne électorale. Ce pourrait être comique. C’est pitoyable.

Sarah Cattan

[1] La Cisjordanie occupée.

[2] C dans l’air, 14 février.

Quitter la version mobile