Le Parquet national pourrait rendre sa décision dans l’affaire Fillon dans les jours qui viennent. En tout état de cause, compte tenu du calendrier électoral, il serait risqué de voir le judiciaire interférer dans le processus de l’élection présidentielle en cours. Explications.
Osons le politiquement incorrect. Nous sommes entrés dans un temps de l’élection présidentielle où le judiciaire doit s’effacer, pour un temps, devant le politique. Un temps où le juge doit laisser, pour un temps, la parole au peuple. Le suffrage universel est le tribunal suprême, il lui appartient, à lui, et à lui seul, de décider aujourd’hui si François Fillon est digne de devenir président de la République.
Il est urgent d’instaurer le règne de la responsabilité politique. Prendre aujourd’hui le risque de déstabiliser gravement la démocratie française au nom d’une urgence judiciaire qui n’en serait pas une au regard des faits aujourd’hui connus, ce serait précipiter le pays vers un scénario catastrophe qu’il est impératif de lui épargner.
François Fillon, en dépit d’un argumentaire de défense assez navrant, a au moins raison sur un point : qu’il lui arrive, à ce moment décisif de l’élection présidentielle, quelque chose qui n’a rien à voir avec le politique serait dommageable pour la Ve République et la démocratie française. Confrontée à bien des défis, la crise de régime est un divertissement dont la France se doit de faire l’économie. L’indépendance de la justice ne dispense pas d’un devoir de responsabilité politique adapté aux circonstances.
Si l’on en croit les gazettes, le parquet financier qui a ouvert l’enquête préliminaire suite aux révélations du Canard enchainé touchant Penelope, François Fillon et leurs enfants, doit rendre sa décision cette semaine. Trois possibilités s’ouvrent à lui : le classement sans suite, la citation directe devant le tribunal correctionnel (scenario tout à fait improbable) ou l’ouverture d’une information judiciaire.
La dernière hypothèse, nous dit-on, serait susceptible de recueillir les faveurs du dit parquet. A charge pour des juges d’instruction de mettre, ou pas, qui bon leur semble en examen, dans un temps qui leur appartient et dont ils seraient les maîtres. Autrement dit, l’élection présidentielle serait suspendue au bon vouloir de quelques juges. Est-ce une perspective idéale ?
Rendez-vous électoral crucial
Le 23 février s’ouvre le dépôt des parrainages au Conseil constitutionnel. Le 17 mars, la procédure sera close. Le 21 mars, le président du Conseil, Laurent Fabius, révélera la liste définitive des candidats. Le processus technique et juridique touchant à l’élection présidentielle est à dix jours de sa phase d’enclenchement. A cette date, s’appliquera alors l’article 7 de la constitution, qui fixe le cadre de l’élection présidentielle, et prévoit son éventuel report, en cas de décès ou d’empêchement d’un candidat. Rappel : « Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt des présentations de candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidate décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l’élection ».
Puisque nous sommes si proches de l’échéance, l’institution judiciaire pourrait-elle prendre le risque d’interférer sur le destin de l’élection présidentielle pour une affaire qui, si elle emporte avec elle une certaine idée de la morale en politique, ne se caractérise pas par des faits qui relèvent de la Cour d’assises mais du Tribunal correctionnel ? (ce qui ne dispense pas de l’exposition éventuelle à de lourdes peines, si condamnation pour abus de bien sociaux ou recel d’abus de biens sociaux, ou bien encore détournement de fonds publics).
Faut-il accélérer de manière spectaculaire le cours ordinaire de la machine judiciaire, qui a plutôt tendance à prendre son temps, à quelques semaines d’un rendez-vous électoral crucial pour l’avenir du pays ?
Faut-il prendre le risque de mettre en route une machine infernale qui risquerait d’entrainer un report de l’élection présidentielle pour une affaire qui, en l’état du droit, n’est pas d’une gravité criminelle exceptionnelle, quand bien même, moralement, elle plonge un candidat dans la tourmente ?
Laisser Fillon aller au peuple et subir son jugement
Faut-il infliger à Fillon un traitement plus sévère que celui accordé à Jérôme Cahuzac, qui a été condamné en première instance en décembre 2016, soient quatre ans après les premières révélations de Mediapart ? Quatre ans ! Et la condamnation n’est pas définitive, Jérôme Cahuzac ayant fait appel… Quatre ans ! Et pour des faits bien plus graves que ceux qui seraient éventuellement susceptibles de mener à une condamnation de Penelope ou François Fillon. Si la justice se montre patiente envers Cahuzac, pourquoi ne le serait-elle pas envers Fillon ?
Répétons-le. Il ne s’agit pas de soustraire François Fillon à d’éventuelles légitimes poursuites judiciaires, mais de considérer qu’au point chronologique où nous en sommes, il est temps de s’interroger sur le point de savoir s’il ne faut pas d’abord et avant tout le laisser être jugé par le plus souverain des juges : le peuple français. Abstraction faite des émotions et passions, toujours mauvaises conseillères en matière politique, l’alternative qui se propose à la machine judiciaire est des plus simples.
Que François Fillon soit battu, et il sera toujours temps pour la justice de remplir son office en toute sérénité, elle-même dégagée de la pression de l’élection présidentielle.
Bruno Roger-Petit
La justice passe, Fillon trépasse.
Non, l’élection présidentielle n’est pas un tribunal populaire et nous ne votons pas pour ou contre un ostracisme. C’est une conception digne des comités de surveillance et des commissaires politiques, vieilles lunes de la gauche.
Non, F.F n’est pas le candidat à l’immunité morale et judiciaire, le cœur catholique de son électorat qui s’est mobilisé lors des primaires est déçu et lui rendra sous une forme ou une autre.
Non, F.F ne représente plus le programme de la droite dure et conservatrice à moins de raser gratis.
Oui, F.F est devenu le candidat le plus faible pour la gauche, alors on comprend mieux la démonstration périlleuse de Bruno Roger-Petit.