C’est le genre de rendez-vous dont rêve le Front national pour essayer de convaincre qu’il s’est débarrassé des soupçons d’antisémitisme qui pèsent sur son compte.
Mercredi 8 février, Louis Aliot et Gilbert Collard étaient reçus pour un petit-déjeuner au restaurant Chez Françoise, à proximité de l’Assemblée nationale, à Paris. Un événement organisé par la Confédération des juifs de France et des amis d’Israël (CJFAI).
Devant une trentaine de personnes, son président Richard Abitbol, qui assure avoir reçu des pressions du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) pour faire annuler cette invitation, se félicite de provoquer, par ce rendez-vous, « une rupture avec un tabou dans la communauté juive de France ». La position officielle du CRIF reste de ne pas entretenir de rapports avec le parti d’extrême droite.
Outre les accusations d’antisémitisme portées contre certains de ses membres, plusieurs représentants de la communauté juive reprochent au FN son opposition à la « double nationalité extra-européenne » (engagement n°27 du nouveau programme de Marine Le Pen), qui exclut de fait Israël, ou encore sa volonté d’interdire le port de la kippa dans l’espace public, au même titre que d’autres signes religieux. Mais, de leur côté, les dirigeants de la CJFAI veulent recevoir les grands candidats à l’élection présidentielle, « même Benoît Hamon ». Ils commencent donc avec le Front national. En-dehors de MM. Collard et Aliot, sont présents Nicolas Lesage, directeur de cabinet de Marine Le Pen, Jean-Richard Sulzer, un de ses conseillers économiques, et Michel Thooris, responsable de l’Union des patriotes français juifs, une association proche du FN.
« Il y a encore des gens peu fréquentables au FN »
« Nul ne peut dire que depuis 2011, le FN n’est plus ce qu’il était. Il n’y a pas eu de propos antisémites de la part de Marine Le Pen ou de dirigeants proches d’elles », affirme Richard Abitbol, qui est assis à la même table que Louis Aliot et Gilbert Collard. Et l’homme de se féliciter que la présidente du FN ait « éliminé » son père Jean-Marie Le Pen du parti pour sanctionner ses déclarations répétées sur la Shoah, qui représente à ses yeux un point de « détail » de l’histoire de la seconde guerre mondiale.
Une fois ce satisfecit délivré, le président du CJFAI tient à poser une « question qui dérange » à ses invités : « Il y a encore des gens peu fréquentables au FN, comme M. [Frédéric] Chatillon ou des proches de Rivarol [hebdomadaire pétainiste et antisémite]. Que comptez-vous faire avec ces personnalités qui dérangent ? »
M. Chatillon, un ami proche de Marine Le Pen, est un ancien dirigeant du GUD, un groupuscule étudiant d’extrême droite radicale. Ce proche du polémiste antisémite Alain Soral et de l’humoriste Dieudonné est un soutien inconditionnel du régime syrien de Bachar Al-Assad. Dirigeant de la société Riwal, qui a longtemps été le prestataire des campagnes du FN, il se rend aujourd’hui régulièrement au siège de campagne de Mme Le Pen, et aurait, selon un dirigeant du parti, « une vision large sur la communication » de la candidate à la présidentielle (aucun organigramme de l’équipe de campagne n’a été rendu public).
Collard : « Frédéric Chatillon, je ne le connais pas »
Gilbert Collard prend la parole le premier. Le député (Rassemblement Bleu Marine) du Gard commence par expliquer que « toute (sa) vie », il a « œuvré pour Israël, en raison de multiples amitiés ». « Le dernier rempart de la civilisation judéo-chrétienne, c’est Israël », lâche-t-il. L’ancien avocat poursuit par un développement sur l’histoire récente du parti, sans faire référence à Frédéric Chatillon. « Accordez-nous le droit d’avoir évolué, d’avoir réfléchi, d’avoir viré les cons qui corrompent toujours, partout où ils passent. Mais qui peut se targuer de ne pas avoir un con dans son groupe ? Les cons qui comptent il faut les virer. Et les cons qui ne comptent pas il faut les virer, parce qu’ils polluent. [La situation évolue] grâce à Marine, qui est intraitable sur la question, et qui va même jusqu’à prendre des sanctions immédiates, au mépris de toutes les règles de procédure le plus souvent, ce qui est un peu problématique. »
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