Rassemblement exceptionnel vendredi 27 janvier à la gare de Rothau, un bâtiment construit par l’Empire allemand en 1877. En cette Journée européenne de la mémoire de l’Holocauste et de prévention des crimes contre l’humanité, plusieurs dizaines de collégiens et d’écoliers ont pris la parole et chanté contre l’oubli et en hommage aux déportés. Une commémoration qui, malgré le froid mordant, a réuni pour la première fois tant de participants de plusieurs générations dans ce cadre historique.
Un panneau sur la façade en moellons roses surmonté d’une tour-donjon le rappelle : c’est par cette gare de style médiéval que de 1941 à 1944 sont passés des dizaines de milliers de déportés de toutes nationalités à destination du camp de concentration de Naztweiler-Struthof. Ils devaient ensuite marcher 8 km pour atteindre en altitude le seul camp de concentration implanté sur le territoire français, en Alsace annexée de fait par le IIIe Reich…Ce souvenir tragique, l’association « Regards d’enfants » a voulu le replacer dans son actualité en invitant des enfants et des jeunes de la vallée de la Bruche, de Strasbourg et d’Allemagne, à travailler sur un beau projet. Modeste aujourd’hui, le Jardin de la Mémoire et des Droits de l’Homme sera plus attrayant dans six mois. Mais placer son lancement à la date du 27 janvier était incontestablement une nécessité. En plus du soutien du réseau de Mémoire de la Shoah, la manifestation a eu le soutien du Centre européen du résistant déporté, du Conseil représentatif des institutions juives de France, de la commune, de plusieurs élus des environs et de l’Etat à travers Clara Thomas, sous-préfète de Molsheim. Tous virent les réalisations simples des enfants ; nombreux symboles de paix, en attendant un futur mur en mosaïque.
Scepticisme initial
Marc Scheer, maire de Rothau, n’a pas caché le « scepticisme initial » du conseil municipal devant le projet qui a ensuite été bien appuyé « Car il est difficile de résister à l’enthousiasme de Brigitte Kahn ! » La présidente de Regards d’enfants, convaincue que « les valeurs des Droits de l’homme ne s’imposent pas, ne se décrètent pas. Pour qu’elles deviennent réalité, il faut génération après génération, convaincre, éduquer, former ». Ce que l’association, active depuis une dizaine d’années dans ce domaine, pratique avec divers outils pédagogiques.
L’association organise tout au long de l’année des actions telles que des concours artistiques « Jouons ensemble autour des Droits de l’Homme », des rencontres de jeunes de tous horizons et de toutes confessions autour du sport : Chausse tes baskets des Droits de l’Homme ; la création de jardins des Droits de l’Homme, aussi bien dans de grandes que dans de petites villes. L’association a créé le jeu Respecto.eu© pour sensibiliser d’une manière ludique tout public autour des valeurs de la démocratie (www.regardsdenfants.com).
Toujours avec des partenaires qui partagent ses convictions et sa foi dans la jeunesse. En l’occurrence ici les enseignants et éducateurs de l’école primaire Gustave Steinheil, de l’école primaire d’Urmatt, de l’école Oberlin de La Broque, du collège Frison-Roche de La Broque, de l’association Colibri Bruche, du Foyer Le Buisson ardent de Schiltigheim et, par un message d’amitié, l’école de Landau, en Allemagne. Représenté aussi, le centre hospitalier l’Ado’sphère de Rouffach. Dans l’Alsace annexée de fait au Reich dès 1940, rappela une responsable « 1200 malades mentaux furent déportés en Allemagne dont seulement 200 revinrent ». Victimes comme les déportés politiques et raciaux (86 juifs furent gazés dans l’enceinte du camp du Struthof aux fins d’expérimentation en 1943) de délires racistes. Mais entendre chanter « Nuit et brouillard » de Jean Ferrat ou une enfant proclamer « le droit à la différence » émut bien des adultes. En plus deux jeunes musiciens d’Urmatt les firent vibrer avec la sonnerie aux morts et la Marseillaise. Les représentants des cultes catholique, protestant, juif et musulman ajoutèrent une dimension spirituelle à la cérémonie. Après être restés 90 minutes stoïquement debout dans le froid sous le ciel bleu pour cet hommage aux déportés des camps libérés il y a 72 ans, chaque participant, petits et grand, apprécia la soupe chaude servie ensuite au cinéma Le Royal. Et pour voir le Jardin de la Mémoire et des Droits de l’Homme finalisé, rendez-vous en juin.
Marie Goerg Lieby.
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