Le triomphe de Benoît Hamon (plus de 58 % des voix contre 41 % à Manuel Valls) au second tour de la primaire de la gauche ne change rien aux perspectives présidentielles du parti socialiste. M. Hamon, en effet, a une capacité de rassemblement encore moins grande que celle de Manuel Valls.
LA NORME, ce n’est plus le vote en faveur du candidat le mieux placé pour élargir son camp. La norme, c’est le choix de l’outsider et même du challenger de l’outsider. M. Hamon n’a pas seulement réussi à battre M. Valls, il avait déjà remporté, au premier tour, une victoire contre Arnaud Montebourg, avec lequel, pourtant, il a de grandes affinités. De gauche ou de droite, l’électorat exige la rupture et en arrive même à choisir la rupture la plus complète, la moins réparable, la plus définitive, quitte à abandonner toute logique, toute stratégie électorale, et à sacrifier l’objectif essentiel au plaisir de déboulonner le candidat classique. Ah, certes, Manuel Valls se remettra difficilement de sa défaite ; certes, Benoît Hamon vient d’achever ce qu’il restait du mandat de François Hollande. Mais, au risque de me tromper, j’avancerai l’idée qu’il n’a été élu que par une minorité, celle des frondeurs du PS, qui continueront à réclamer de lui qu’il applique ses idées, de la même manière qu’ils n’ont jamais accepté que le président de la République n’ait pas tenu ses promesses électorales.
Le PS reste très divisé.
Les vallsistes, surtout ceux qui ont un poste électif, ne se rallieront pas à un Benoît Hamon qui ne pourrait pas leur garantir le renouvellement de leur siège aux législatives. Valls étant renvoyé à la méditation, il ne leur reste qu’une possibilité : rejoindre Emmanuel Macron. Dès aujourd’hui, M. Hamon va s’efforcer d’obtenir de l’exécutif dont il a si bien sapé l’autorité l’onction indispensable au rassemblement de toutes les forces de gauche et écologistes. La question n’est pas qu’il consente à la lui accorder, elle porte sur l’influence que le président et son Premier ministre peuvent avoir sur l’électorat de gauche. Ce à quoi nous avons assisté n’est pas une primaire, mais à un congrès du PS où se sont affrontés divers courants sans qu’une majorité se dégage. Une minorité a pris les rênes du parti, qui devra s’en accommoder, lui qui a refusé une fois de plus, et dans un moment historique propice à une vaste réforme, à faire son aggiornamento.
Depuis hier soir, la candidature de M. Macron a acquis la crédibilité que les maximalistes du PS lui ont par mégarde accordée. Le sondage Kantar-Sofres-OnePoint publié ce matin par « le Figaro » est à cet égard explicite : certes, Benoît Hamon devance de cinq points Jean-Luc Mélenchon (15 % contre 10%), ce qui lui permet d’exercer sur lui une pression très forte. Mais il est loin des 21 % de M. Macron, lequel arrive à un point seulement derrière François Fillon, Marine Le Pen étant en tête à 25 %. Je sais qu’il ne faut pas faire confiance aux sondages, qui ne sont jamais que la photographie du moment, en l’occurrence du 30 janvier. Il n’empêche que M. Macron n’a pas encore exposé son programme, qu’il n’a pas commencé à s’adresser à ceux qui, à gauche ou à droite, sont désemparés par le charivari de la campagne, et que lui aussi se fabrique un personnage de rupture, même s’il sort du moule de la technocratie. Il menace donc la gauche, mais aussi la droite, en talonnant M. Fillon. Il ne faut jamais oublier qu’il existe dans le pays une majorité démocrate qui rejette Marine Le Pen et le Front national et que, au second tour de la présidentielle, elle choisira massivement l’autre candidat, quel qu’il soit. L’unique enjeu pour chacun des candidats en lice, c’est d’arriver second au premier tour. M. Macron ne s’inscrit-il pas déjà dans cette configuration ?
Un peuple éparpillé.
François Fillon, de son côté, a prononcé hier à La Villette un discours émouvant, puissant, un discours de résistance à l’adversité. Et les 15 000 personnes qui l’ont acclamé lui ont permis de procéder à une démonstration de force. Mais il ne peut pas se débarrasser d’une affaire où il ne peut apporter aucune clarification. Pour le moment, personne ne lui reproche d’avoir commis un acte illégal en rémunérant Mme Fillon pour ses services. Le soupçon de népotisme, qu’aggraverait la découverte par les juges que le salaire de Pénélope n’était pas mérité, l’affaiblit considérablement alors que, justement, il se bat pour conserver, et pour combien de temps encore ?, cette fameuse seconde place au premier tour qui risque à tout instant de lui échapper. Comme en Grande-Bretagne, comme aux États-Unis, comme dans de nombreux pays occidentaux, le suffrage universel est devenu le suffrage du « moi », de l’individualisme forcené, de la jubilation destructrice. Jamais le pays n’a eu autant besoin d’une ligne claire, d’un programme de réformes complètes et chiffrées, jamais il n’a été aussi divisé, offrant le spectacle d’un peuple éparpillé entre trop de candidats pour se rassembler autour d’une politique salutaire.
Richard Liscia
Ces “affaires” sont savamment orchestrées et montées de toutes pièces et en même temps elles ont un aspect moralisateur amusant. Le peuple se riait jadis de l’arroseur arrosé -fût-il putatif- et s’amuse encore aujourd’hui à chercher à qui profite le crime, en l’occurrence peut-être au camp qui a fait tomber DSK il y a 5 ans. Mais pour être discret il faut avancer masqué, le nec plus ultra étant de promouvoir une étoile filante qui ne sera au final qu’une marionnette. Du grand art. Il faut aussi des relais complaisants et serviles, ce sont les media et leur battage incessant. C’est la révolte du petit contre le puissant, de Guignol contre le gendarme. On peut jouer avec la démocratie comme on peut se jouer de la crédulité des uns et des autres, mais in fine le dindon de la farce sera toujours le même.