Pourquoi l’affaire Pénélope Fillon peut déboucher sur un 21 avril à l’envers

Le « PénélopeGate » (ou « FillonGate ») sape tous les fondamentaux de la campagne Fillon 2017. Les initiateurs de l’opération n’ont pas choisi leur moment au hasard. Ni trop tôt. Ni trop tard. Avec le risque désormais de voir le candidat Fillon subir un 21 avril à l’envers.penelope_fillon_2

« Attaque misogyne » a décrété François Fillon aux fins de tenter de discréditer les révélations du Canard enchaîné. Et pourtant, lorsque Pénélope Fillon est mise en cause, et c’est son mari qui répond. Lui. Seulement lui. Rien que lui. L’épouse demeure silencieuse. Lorsqu’il s’agit de l’aspect Assemblée nationale le concernant, cela peut encore se comprendre puisqu’il était l’employeur de son épouse (et encore en partie, dans la mesure où son suppléant a également salarié celle-ci). Mais pour ce qui est du volet « Revue des deux mondes », qui ne concerne que Pénélope Fillon, et seulement elle, on se demande bien quels éléments il pourrait apporter.

En outre, si le candidat à la présidentielle se déclare assuré de son affaire, pourquoi ne pas communiquer à la presse les dits éléments, sans attendre les conclusions d’une enquête préliminaire qui ne fait que commencer et va durer au-delà du second tour de l’élection présidentielle?

La ligne de défense est faible. « Boule puante », « manœuvre » répètent en boucle les partisans de François Fillon. Ils n’ont pas tort, et les électeurs décrypteurs des choses de la vie publique le savent très bien. Cela signifie que cette communication de l’indignation ne suffira pas, vu qu’elle ne répond pas aux faits présentés par le Canard enchaîné, et l’interprétation qui en découle nécessairement. Dans la sphère publique est déjà installée l’idée que le député puis ministre Fillon a usé de sa position et de son réseau d’amitiés pour permettre à son couple de se constituer des revenus de conforts sans travailler réellement. Voire ne pas travailler du tout.

Un bel édifice de communication réduit en miettes

Constatons les dégâts. Cette semaine, l’équipe Fillon avait prévu une séquence d’écriture médiatique supposée commencer à porter le candidat vers la victoire. Une visite à Bordeaux, afin d’acter par l’image la vassalisation définitive d’Alain Juppé, dans l’espoir de conserver les éléments les plus centristes et libéraux de ses électeurs. Un grand discours fondateur à Paris, le 29 janvier, destiné à poser un candidat racontant aux Français l’histoire qu’ils ont envie d’entendre, de son point de vue. Et patatras, voilà qu’explose l’affaire Pénélope, le « Pénélopegate » comme il est dit sur les réseaux sociaux, qui vient abattre en une matinée le bel édifice de communication politique érigé par les stratèges de la campagne Fillon. Qui a dit « rien ne se passe comme prévu » déjà ?

Quelques-uns anticipent déjà une chute de François Fillon dans les sondages, qui pourrait (pourquoi pas?) mener à son retrait de l’élection présidentielle et à son remplacement par un « Wauquiez quelconque » comme le dit en confidence une figure historique du centrisme français. Terrible perspective. Tragédie politique. Coup de tonnerre sur la Présidentielle.

Désormais, la question ne peut pas ne pas être posée: et si François Fillon ne se remettait pas de cette affaire? Et si cela l’expédiait dans l’abime des sondages qui accélèrent le désamour électoral? Et s’il était distancé par Marine Le Pen et rattrapé par Emmanuel Macron? Et s’il finissait par ne plus être dans les deux ou trois semaines qui viennent, le candidat qui devait ramener triomphalement la droite au pouvoir?

Les deux semaines qui viennent seront cruciales pour le candidat Fillon, victime d’un très mauvais alignement de planètes. Et d’un plan machiavélique. Car celui ou ceux qui ont fourni au Canard Enchaîné les éléments relatifs aux différents postes salariés occupés par Pénélope Fillon, savaient parfaitement ce qu’ils faisaient. Chapeau les artistes…

Le moment était idéal. Et les objectifs que l’on devine désormais, parfaitement atteints.

Vers un croisement des courbes?

Et d’un, le sabotage de la mise en orbite, en majesté, de la campagne Fillon 2017. Le grand discours du 29 janvier n’aura désormais ni le même sens, ni la même portée… Comment vanter la rigueur, morale et financière quand soi-même on se présente en décalage total avec son discours?

Et de deux, l’impact foudroyant que ces révélations entraîne sur la verticalité qu’entendait incarner le candidat Fillon: autorité, probité, moralité, chrétienté. Tout cela est en passe d’être balayé.

Et de trois, l’abaissement du candidat socialiste, la probable désignation du candidat le moins crédible de l’histoire présidentielle du PS, Benoît Hamon, et par conséquent la promesse de voir le candidat Macron, déjà pointé entre 19 et 21% dans les sondages d’intention de vote de premier tour, s’envoler mécaniquement. Au détriment d’un Fillon qui pourrait s’affaisser. Croisement des courbes, c’est pour quand?

On résume : si l’objectif des auteurs de la fuite était de provoquer une chute de François Fillon, touchant aux fondamentaux de sa campagne, en favorisant Emmanuel Macron et Marine Le Pen, c’est réussi.

D’où la question finale: si François Fillon ne se remet pas de l’attaque. S’il dévisse au point de perdre en deux ou trois semaines toutes chances perceptibles de victoire, qu’adviendrait-il de sa candidature?

Un choc politique sans précédent

Supposons. Le calendrier pèse. Nous sommes déjà fin janvier. Le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu dans 90 jours. Trois petits mois. Nous ne sommes plus en un temps où il est possible de substituer un candidat à un autre. C’est trop tard. Les Républicains sont condamnés à subir le candidat Fillon jusqu’au terme de la campagne. Disons les choses comme elles sont: quel serait le candidat de substitution pressenti qui serait assez fou pour accepter une mission politique suicide et s’en aller au désastre politique engendré par le PénélopeGate?

François Fillon ira au bout, parce qu’il devra aller au bout. Et il le sait, ce qui explique qu’il est contraint, dès aujourd’hui, de se lancer dans une opération de communication de crise de très haute intensité.

Ironie de l’histoire. Si cette affaire détruit, et elle a été conçue pour cela, les fondements de la candidature Fillon, alors l’effondrement risquera de devenir inéluctable. Le croisement des courbes avec Macron inévitable. La présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, incontournable. La candidature Fillon aujourd’hui peut se terminer par un « 21 avril à l’envers ». Un choc politique sans précédent dans l’histoire de la droite française. Un « 21 avril à l’envers », c’est l’expression inventée par François Fillon au lendemain de la déroute de son camp aux élections régionale 2004. Et aujourd’hui, c’est lui qui menace d’entraîner son camp dans un nouveau « 21 avril à l’envers ». Encore un, à droite, qui risque de découvrir à son détriment que l’histoire est tragique.

bruno_roger_petit-challengeBruno Roger-Petit

Source challenges

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

3 Comments

  1. LES QUATRE INDECENCES OU LA  » Balkanysation » DE LA VIE POLITIQUE.
    On a du mal avec cette démonstration de Bruno Roger-Petit et sa théorie d’un jeu « complotiste » qui ferait presque de F.Fillon une victime collatérale et de M.Le Pen et E.Macron les adversaires inéluctables du second tour.
    Lorsque l’on devient fonctionnaire, il y a une étude de votre casier judiciaire et ce n’est pas un complot!
    Lorsque l’on est censeur-candidat à la présidence, on s’expose aux investigations et révélations à la hauteur de son ambition. Encore faut-il considérer la presse comme un contre-pouvoir et non pas une rampe de lancement de boules puantes!
    La première indécence dont peu de journalistes s’émeuvent, ce sont les sommes perçues: environ 24 ans du salaire d’un enseignant! Ce n’est pas une faute propre au couple Fillon mais le signe fort une société décadente qui fait confusion entre fiche de paie et reconnaissance d’un investissement.
    La deuxième indécence davantage mise en avant est le népotisme incrusté dans le système parlementaire. Joker…ce n’est pas une faute légale! Pour le moins, c’est une faute d’éthique!
    La troisième indécence, c’est de parler au nom de sa femme pour un travail rétribué et qui sort du cadre des activités de son époux. C’est du sexisme…faute de goût ou tradition catholique?
    La quatrième indécence non avérée est l’hypothèse d’un emploi fictif qui serait alors une faute pénale.
    Au final, doit-on prendre cette affaire par l’entrée de la manipulation ou tout simplement par des révélations qui interrogent: qui est vraiment un candidat qui se veut la rencontre entre lui et le peuple?
    Bruno Roger-Petit aura-t-il la même approche quand J.L Mélenchon fera sa déclaration de patrimoine?

  2. Quel bordel ! Les candidats sont de plus en plus minables et ternes : Sarkosy, Hollande, Fillon, Hamon, Macron, MLP… ça sent la fin de la Vème république.

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*