Jacquot Grunewald, rabbin franco-israélien d’origine strasbourgeoise, vit à Jérusalem. Il revient sur la notion de mur dans la Bible et sur le rôle du « Mur des lamentations » dans la tradition juive.
Qu’en est-il des murs dans la Bible ?
Jacquot Grunewald : S’il y est aussi souvent question de remparts (le mot apparaît 133 fois dans l’Ancien Testament, NDLR), c’est parce que c’était l’époque des guerres perpétuelles ! Cela n’a rien d’exceptionnel : dans la France médiévale aussi, les châteaux étaient protégés par des murailles. Dans la Bible, il y a l’épisode bien connu des murailles de Jéricho qui s’écroulent au son de trompettes, au moment de la conquête de Canaan. Ce récit, il ne faut bien sûr pas l’interpréter de manière littérale : les archéologues assurent d’ailleurs ne pas avoir trouvé en ce lieu de murs correspondant à cette période.
Prie-t-on au pied des murs, dans la Bible ?
J. G. : Au moins une fois, oui, quand le prophète Isaïe annonce au roi Ézéchias, malade, qu’il va mourir (2 Rois 20). Alors, le mourant « tourna son visage contre le mur et pria Yahvé ». On peut voir dans ce geste le besoin de ne pas être dérangé, de ne regarder ni à droite ni à gauche pour privilégier le face-à-face avec Dieu. On retrouve ce geste aujourd’hui, dans les prières juives au pied du Mur occidental de Jérusalem.
Le Mur des lamentations ?
J. G. : Oui, mais la tradition juive n’utilise jamais ce terme, lui préférant « Qotel » ou « Mur occidental ». L’expression « Mur des lamentations » a probablement été inventée par les voyageurs chrétiens qui observaient les juifs y prier : il faut dire que le seul moment où ceux-ci avaient le droit de s’y rendre, c’était le jour de l’anniversaire de la destruction du Temple, où on lisait les Lamentations de Jérémie.
Pourquoi ces larmes ?
J. G. : Ce mur est le seul rappel tangible de la présence du Temple d’Hérode(détruit par les Romains en 70 après J.-C., NDLR). Ce n’est pas à proprement parler un mur du Temple, dont il ne reste rien aujourd’hui, mais un mur de soutènement : il contenait la montagne du Temple, et le Temple s’élevait juste au-dessus. C’est ce qui en fait un lieu si important pour les juifs. Il cristallise une forme de nostalgie.
Que s’est-il passé pour le mur après la création d’Israël ?
J. G. : Les accords d’armistice de 1949 prévoyaient que les juifs pouvaient venir prier au Mur. Mais ces accords n’ont pas été respectés. Ne pouvant plus accéder au Qotel, les juifs essayaient de l’apercevoir de loin. En juin 1967, à l’issue de la guerre des Six Jours, Israël a conquis la vieille ville de Jérusalem. Pour ne pas créer de problèmes avec les musulmans, l’esplanade leur a été laissée, tandis que les juifs retrouvaient leur mur. Les petites maisons qui l’entouraient ont été détruites et une vaste place a été construite juste devant.
Et qu’en est-il du mur qui sépare Israël de la Cisjordanie ?
J. G. : Bien sûr, cette barrière de séparation pose mille et un problèmes politiques. Mais au moins, elle a permis de mettre un frein aux attentats-suicides des « hommes-bombes » palestiniens de la seconde Intifada. Je crois que ce mur n’a aucune raison d’être définitif et qu’on le retirera quand nous aurons des garanties de sécurité. Nous n’allons pas garder quelque chose d’aussi horrible.
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