Un article de Avyia Kushner paru dans le « Forward » – Traduit et adapté par Victor Kuperminc
Allez sur Twitter en Israël et vous constaterez que « Dreyfus » est soudain devenu tendance. Ceci est dû au choix des mots utilisés par Avigdor Lieberman en réponse aux efforts de la France pour accueillir une conférence internationale, en janvier prochain, au sujet de la paix au Moyen Orient.
« Il s’agit d’une version moderne du procès de Dreyfus » affirme Lieberman ; se référant à l’infâme affaire Dreyfus, ce capitaine d’artillerie français, à la fois Juif et Alsacien ; qui fut condamné pour trahison, et réhabilité bien plus tard. L’affaire creusa un fossé dans la société française et inspira Emile Zola pour son célèbre « J’Accuse ! »
« Il n’y a qu’une différence entre ce qu’ils envisagent à Paris, et l’affaire Dreyfus : Jadis, un seul Juif était dans le box des accusés ; maintenant, il y aura tout le peuple juif et tout l’Etat d’Israël » dit le Ministre de la défense israélien.
« Ce n’est pas une conférence de la paix, mais un tribunal destiné à nuire à Israël et à sa renommée. » dit Lieberman. Israël a refusé d’assister à la conférence. Les officiels soutiennent que seules les négociations bilatérales mèneront à la paix.
En attendant, en ce qui concerne le langage, il semble bien qu’il y ait une nouvelle tendance, chez les politiques d’extrême droite d’invoquer les épisodes les plus sombres de l’histoire juive, pour commenter les développements politiques courants.
Le commentaire de Lieberman advient non longtemps après la nomination par Trump de David Friedman qui qualifie « les juifs de gauche pires que les kapos. » Lieberman va un peu moins loin ; Dreyfus fut réhabilité , il y a 110 ans.
L’affaire Dreyfus a longtemps été citée comme un exemple d’antisémitisme et comme une preuve de la nécessité du sionisme et de l’existence d’un Etat Juif. Théodore Herzl, qui couvrait le procès pour un journal viennois, est censé avoir été inspiré par l’affaire pour écrire son traité « l’Etat Juif » , après avoir entendu la foule crier « Mort aux Juifs ! ». L’affaire Dreyfus, et les preuves falsifiées qui soutinrent l’accusation, conduisirent à la réforme du système pénal français qui existe encore aujourd’hui.
Pourtant, Dov Alfon , du « Haaretz » écrivit récemment : « Dreyfus a presque complètement disparu de l’espace public en Israël. Personne, ici, ne songerait à marquer l’anniversaire de sa réhabilitation ». Alfon évoque le 110ème anniversaire organisé à Mulhouse, la ville natale de Dreyfus.
« Plus Israël devient religieux »,, dit-il, « plus le sionisme officiel néglige Théodore Herzl en faveur de la Bible et de la Shoah. Et Dreyfus est mis, lentement et surement, de côté. »
En France, cependant, la mémoire de Dreyfus est toujours vivante. A Mulhouse, une plaque a été posée sur sa maison ; et une statue inaugurée en octobre. Un chemin a été tracé en ville « sur les pas de Dreyfus. »
Les statues de Dreyfus ne sont pas toujours bien traitées en France. A Paris, il y a une statue boulevard Raspail – mais elle est souvent souillée par des graffitis.
Notons, pour être complets qu’une copie de la statue existe dans la cour du Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, de Paris ; et qu’une place du XV° arrondissement est nommée « place Alfred Dreyfus » où une plaque résume l’Affaire. La place est traversée par « l’avenue Emile Zola ».
Victor Kuperminc
(lire à ce sujet : V ; Kuperminc : L’affaire Leo Frank- Dreyfus en Amérique – préface d’André Kaspi – L’Harmattan 2008)
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