L’historien Norman Golb fait remonter l’installation des juifs en Normandie et à Rouen à la colonisation romaine, aux tous premiers siècles de notre ère. Cette installation a été encouragée par le pouvoir romain qui voulait conforter la conquête militaire de la Gaule par une implantation démographique.
Pour consolider leur conquête militaire de la Gaule, les Romains y acheminèrent des milliers de Juifs palestiniens et italiens.
Et c’est ainsi que des cultivateurs juifs, encouragés par le pouvoir romain, mirent en valeur la Normandie et que des marchands juifs avisés et entreprenants participèrent à l’essor de la région, vivant en bonne intelligence avec leurs voisins chrétiens.
Mais selon l’historien Jacques-Sylvain Klein, la plupart seraient venus en qualité de légionnaires. Il pourrait s’agir soit de jeunes juifs désireux de fuir une patrie ravagée par la guerre, soit de Romains convertis au judaïsme à la faveur de l’occupation de la Judée. Au terme de leur service militaire, les uns et les autres auraient reçu comme tous les vétérans une terre dans les régions périphériques de l’empire.
Jusqu’à la fin du Moyen Âge, ces juifs d’Occident vont pratiquer tous les métiers, y compris le travail de la terre. Ils vont aussi se marier parfois à l’extérieur de leur groupe, avec des conversions dans l’un ou l’autre sens.
Un « Roi des Juifs », rex judaeorum était installé à Rouen (comme d’ailleurs à Narbonne et à Mayence).
En 1130, l’illustre abbé de Cluny Pierre le Vénérable évoque ces communautés dans un texte à l’adresse des juifs : « Le Messie annoncé par les juifs ne saurait s’incarner dans ce roi qu’un certain nombre d’entre vous prétendent avoir à Narbonne et que d’autres prétendent avoir à Rouen » (le « roi » en question n’est autre que le chef élu des communautés de Rouen et Narbonne).
La présence à Rouen de cette communitas judaeorum s’est maintenue jusqu’à l’expulsion des juifs de France ordonnée par Philippe le Bel en 1306.
Au début du Moyen – Age, la cohabitation des juifs et des chrétiens en France ne posait pas véritablement de problème.
Reconnue et protégée par le pouvoir, la communauté juive disposait de droits économiques étendus, y compris celui de posséder des terres (ce que la carte des implantations juives en Normandie laissent supposer).
En 1007 toutefois, les relations se dégradèrent. Le roi de France convoqua des responsables juifs pour les enjoindre de se convertir. Refusant l’ordre de trahir la Torah et de changer de religion, les juifs furent souvent massacrés et leurs biens saisis.
Que le judaïsme normand ait été. du XIe au XIIIe siècle, un élément actif de la vie économique, nul n’en saurait douter, tant la lecture des Rôles de l’Échiquier et des chartes est convaincante à cet égard. Mais il reste fort mal connu…
La recherche s’écartèle entre les notules des hébraïsants. accrochées aux noms de quelques rabbins célèbres (comme dans la Gallia Judaica, de H. Gross, et celles des médiévistes, dont la curiosité a été surtout attirée par quelques épisodes des relations entre prêteurs juifs et débiteurs chrétiens.
Si un Morel de Falaise est assez bien connu comme brasseur d’affaires (cf. Bull. Soc .Antiq. Norm., L, 194 (5-1948, p. 305-309), on ne sait encore trop comment relier cette carrière à celle de talmudiste qu’il aurait menée parallèlement sous le nom de Samuel ben Salomon.
Tout un champ de recherche fécond reste à prospecter : on écrirait sans trop de peine pour la Normandie l’équivalent du bon livre consacré en 1950 par J. Stengers aux Juifs dans les Pays-fias au Moyen Age.
En attendant, un excursus de l’ouvrage, surtout juridique, de H. HG. Rchardson (The English Jeivvy under Angevin Kings. Londres, 19(50, in-8″, 313 p.) réunit quelques matériaux d’approche (The Norman Jewry, p. 201-212) qui mettent l’eau à la bouche. On sait que la juiverie médiévale de l’Angleterre est fille de celle de la Normandie.
Dans les deux pays, on en attribue l’introduction à Guillaume le Conquérant, mais sans avancer de documents bien solides.
Le tableau dressé par M. Richardson ne dépasse guère les données offertes, à la fin du XIIe siècle, par les comptes de l’Echiquier : un judaïsme surtout urbain, mais parfois semi-rural, nettement moins riche et moins actif que son homologue anglais, mais également considéré par le pouvoir surtout comme une matière à d’innombrables impositions.
Les Juifs étaient tenus en mains par l’administration royale au moyen de rouages que l’auteur a su dessiner assez clairement à l’aide de sources pourtant peu nombreuses.
Des « gardes des Juifs » contrôlaient sous les derniers Plantagenêt les Juifs Normands, sauf ceux de Rouen et de Caen.
Aux XIe et XIIe siècles, à une époque de grande effervescence spirituelle, tant dans le monde chrétien (Abélard…) que dans le monde musulman (Averroès…), l’école rabbinique de Rouen est un centre réputé d’études hébraïques. Elle instruit quelques dizaines d’étudiants et reçoit des professeurs qui ont nom Rashbam, petit-fils de l’illustre exégète Rachi de Troyes (1040-1105) ou encore Ibn Ezra, un Andalou qui va contribuer à faire connaître la culture arabe dans l’Europe médiévale.
Les juifs de Rouen
L’histoire des communautés juives de Normandie au moyen âge était fort mal connue jusqu’à la rectification par Norman Golb de la lecture du nom d’une ville de France, RDWS transcrit en Rodez et qui s’avère être Rouen.
Dès lors il put rassembler un certain nombre de textes hébraïques du moyen âge mentionnant Rouen et conclure que cette ville fut durant plusieurs siècles un très important centre de culture juive.
Le premier épisode dont font mention les sources écrites est une persécution qui frappa les Juifs de France et ceux de Normandie ; une chronique hébraïque précise qu’elle eut lieu en l’an 1007.
C’est alors qu’un notable juif de Rouen, Jacob bar Jeqouthiel, qui avait été d’abord emprisonné par le duc Richard II, reçut l’autorisation de se rendre auprès du pape, en laissant l’un de ses fils en otage aux mains de Richard.
Le pontife Jean XVIII aurait écouté ses doléances et envoyé un message en France demandant qu’un terme soit mis à la persécution. Jacob ne devait toutefois pas revenir en Normandie. Il gagna la Lorraine où se trouvait sa famille, et mourut quelques années plus tard à Arras.
Le règne du Conquérant fut, au contraire, pour les Juifs de Normandie, une période faste ; traités avec égards par le duc, ils furent, après 1066, encouragés à s’installer en Angleterre, notamment à Londres. Mais les préparatifs de la 1ère Croisade (1096) s’accompagnèrent à Rouen, comme en bien d’autres régions de l’Occident, de véritables pogroms qui furent, à vrai dire, aussi violents que brefs.
Guillaume le Roux, qui régnait en Angleterre depuis 1087 et administrait la Normandie en l’absence de son frère aîné Robert Courteheuse, n’avait pas approuvé ces excès ; il réussit assez vite à y mettre fin. Mais les personnes et les biens de la communauté juive de Rouen avaient cruellement souffert.
La construction de la maison de Rouen identifiée comme une yeschivah (académie talmudique) s’inscrivit, sans guère de doute, vers 1100, dans le cadre de la restauration de cette communauté et de ses bâtiments.
Jean-Pierre Allali a choisi pour son roman la trame de l’histoire des communautés juives de Normandie au moyen âge, mal connue, alors que Rouen fut durant plusieurs siècles un très important centre de culture juive. Il s’est inspiré de la persécution qui frappa les juifs de Normandie avec une chronique qui eut lieu en l’an 1007.
Sous les Plantagenêts, le statut des Juifs en Normandie et en Angleterre est, à plusieurs reprises, défini en termes favorables par Henri II, puis par Jean sans Terre.
Dès avant la fin du XIIe siècle, les sources écrites d’origine hébraïque font connaître les noms d’assez nombreux docteurs de la Loi qui ont enseigné à Rouen.
L’importance de Rouen comme centre de culture juive est d’ailleurs attestée par le fait qu’un docteur aussi éminent qu’Abraham ibn Ezra, au faîte de sa carrière, vint y travailler à partir de 1149 et qu’il y composa, entre autres, son grand commentaire de l’Exode Le très important texte connu sous le nom d’Anciennes Règles, qui légifère sur l’enseignement de la Torah, pourrait fort bien avoir été composé, dans sa version originelle, à l’occasion d’un synode régional réuni à Rouen au XIe siècle.
Au début du XIIIe siècle, la prospérité économique et l’activité culturelle de la communauté juive de Rouen avaient atteint un haut degré, ainsi s’explique l’efficacité avec laquelle les Juifs rouennais tinrent tête aux épreuves qui les frappèrent au cours de ce siècle.
Les Persécutions
Le duc Richard II de Normandie participa activement à cette persécution, ayant le même besoin que le roi Robert d’asseoir son autorité. Plus tard, Robert Courteheuse, successeur de Guillaume le Conquérant, décida de participer à la première Croisade lancée par le pape Urbain II, laissant en gage la Normandie à son frère Guillaume le Roux.
En septembre-octobre 1096, le Clos-aux-juifs rouennais fut envahi et ses habitants massacrés, en écho aux massacres organisés dans toute l’Europe.
En 1098 ou 1099, les juifs de Rouen qui avait échappé au massacre supplièrent le roi Guillaume le Roux d’accepter que les convertis de force reviennent à leur foi originelle. Ce que le roi accepta moyennant finances.
Le rattachement de la Normandie à la couronne de France en 1204 ne modifia pas tout de suite la situation des juifs rouennais. Conformément à sa politique de respect des traditions locales, le roi Philippe Auguste s’efforça de garantir aux juifs rouennais les protections et privilèges qu’ils tenaient de la période ducale : l’obligation imposée aux juifs de porter un signe vestimentaire distinctif ne fut par exemple pas appliquée.
Un concile régional tenu à Rouen en 1231 leur imposa finalement le port de vêtements distinctifs et d’un insigne spécial mais le port réel de cet insigne n’est attesté qu’après 1269. Ce traitement privilégié devant beaucoup à l’archevêque Eudes Rigaud.
En 1276, l’Échiquier normand obligea les juifs à établir leur résidence dans les villes, sans doute pour faire respecter l’obligation imposée par Saint-Louis, en 1269, de porter la rouelle, un cercle jaune en velours ou en toile cousu sur le devant et le dos du vêtement.
Cette interdiction d’habiter la campagne contribua de fait à grossir la population de Rouen.
Dans les dernières années du XIIIe siècle, le quartier juif de Rouen se gonfla encore de nombreux réfugiés venus soit d’Angleterre, soit des villages normands. Les juifs de Rouen n’échappèrent plus aux lois imposées par les rois , qu’il s’agisse des taxes spéciales (la taille sur les juifs), des restrictions d’activités et enfin de l’expulsion décidée en 1306.
L’antisémitisme des Rouennais, visible dans les attaques du quartier juifs au XIe siècle, était sans doute réel et a dû croitre avec le temps. Cet antisémitisme est inscrit dans les vitraux de l’église Saint-Eloi.
L’expulsion
En 1306, Philippe le Bel croit pertinent de chasser le juifs afin de s’emparer de leurs biens comme il l’a déjà fait avec les Templiers. Caen posséda une synagogue jusqu’en 1306.
Philippe le Bel va très vite s’apercevoir de son erreur, les juifs n’étant plus là pour faire fructifier leur capital. Son fils Louis X le Hutin va rappeler les juifs, mais ils seront à nouveau expulsés en 1394. À Rouen, c’en est momentanément fini de la présence juive au XIVe siècle avant que ne se réinstallent dans la cité normande, à la Renaissance, quelques juifs chassés d’Espagne.
Tout au long du XIVe, les communautés seront maintes fois rappelées (les retours seront lourdement monnayés) et à nouveau expulsées.
Le dernier arrêt d’expulsion est signé en 1394 par Charles VI, dit le fou, qui entendait réaliser l’unité religieuse de son royaume. Par la suite, les juifs ne pourront pas revenir en France avant la Révolution…!
A noter que les anciens Comtés de Roussillon Cerdagne, de Provence, la Principauté d’Orange, conserveront encore leur minorité juive durant un siècle supplémentaire, respectivement jusqu’en 1493, 1501, 1505.
Belle leçon d’histoire. La lecture a été passionnante.
La maison sublime de rouen a besoin d etre restauree pour accueillir le public. Une collecte de don est organise par la fondation du patrimone. Vous pouvez retrouver le lien facilement. Environ 40 000 euros ont deja ete recoltes.
C’est à partir de l’an mille avec son cortège de millénaristes chrétiens fanatiques (fin du monde) et de la première croisade qui suivit que tout a dégénéré pour les juifs. Avant ça les populations “barbares” fraichement christianisées n’avaient pas d’animosité envers les juifs. Les moines fanatiques vont se charger de le leur faire changer d’avis…