La croix de Valérie, entendez Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône et porte-parole de François Fillon, fait grand bruit. Nous les avons découvertes en même temps, Valérie et sa croix, le soir du sacre du député. Partout sur les plateaux elle représentait son candidat, expliquait sa victoire, et arborait sa croix. Et puis soudain, la même, sur les plateaux, croix glissée dans le décolleté, croix disparue de la robe vert sapin.
C’est que sur les réseaux sociaux elle avait créé la polémique, la croix de Valérie, de forme dite arménienne, permettant à nombre d’internautes de dénoncer la laïcité à géométrie variable de François Fillon. Voile, Croix, tout y passa, et l’on entendit les ayatollahs de la laïcité, si pleins de mansuétude pour les intégristes islamistes, qui s’en prenaient à la croix de la députée comme si là était le plus urgent à traiter, en terre de France de surcroît.
Dès le lendemain, sur RMC, Caroline Fourest, auteur du Génie de la laïcité[1], rappela pour sa part avec pondération que les élus n’avaient pas à s’affranchir de la laïcité en cette période de tension religieuses, ajoutant que c’était la première fois qu’elle voyait Valérie Boyer avec cette croix aussi clairement affichée sur son pull, qu’on avait même du mal à se concentrer sur ses propos tellement cette croix était visible. Interrogée dès le lendemain sur la polémique ainsi née, Valérie Boyer défendit la thèse que ce signe d’appartenance religieuse devait être considéré comme la manifestation du droit de chacun de croire ou ne pas croire dans l’espace politique.
Que n’avait-elle dit là. Il lui fut rétorqué que ce n’était pas parce que les porteurs de croix ne tuaient pas aujourd’hui dans des attentats sanglants commis au nom du Christ qu’ils méritaient un traitement de faveur.
La croix de Valérie sonnait à mon sens comme une revanche de la droite catholique, un clin d’œil pas forcément bienvenu à son électorat catholique en ce soir de victoire de l’ancien Premier ministre à la primaire de la droite et du centre. Le gagnant de la Primaire avait bénéficié du soutien des réseaux catholiques les plus engagés, notamment ceux de Sens commun, la vitrine politique de La manif pour tous. Le vote des catholiques les plus pratiquants pesa d’après Jérôme Fourquet, de l’IFOP, à environ 15%, contre 10% dans la population, et un sondage Opinion-Way, réalisé à l’issue du scrutin, montra également que François Fillon aurait fait la course en tête chez les pratiquants réguliers. Par ailleurs, François Fillon, au-delà de son positionnement sur les sujets de société, aura su conquérir encore l’électorat catholique en témoignant de son soutien aux Chrétiens d’Orient. Il avait enfin été clair au sujet de l’islam radical, en particulier le 3 septembre à La Baule: Cessons donc de faire croire qu’il faut durcir les règles de la laïcité au prix d’atteintes inacceptables à la liberté religieuse alors que seule la poussée intégriste qui enflamme le monde musulman est une menace pour notre société.
Alors, me direz-vous, si l’on fait campagne en envisageant quasiment d’interdire les signes religieux dans l’espace public, et plus particulièrement les signes musulmans, on devrait ne pas afficher soi-même ses convictions confessionnelles de façon aussi ostensibles. Question de responsabilité dans la période que l’on sait, où il convient de montrer l’exemple, alors même qu’on demande à un certain nombre de nos concitoyens de veiller à ne pas mélanger le religieux et le politique.
SENS COMMUN
De surcroît, après une campagne souvent passée à confondre les valeurs françaises et les valeurs uniquement catholiques, merci Sens commun, et où on a passé des semaines à se demander si l’avortement n’était pas finalement un débat à rouvrir, la croix de Valérie était bien un signe de plus qu’on avait affaire à la victoire d’une droite plus catholique, que la droite chiraquienne, flirtant avec le radical-socialisme et très attachée à la laïcité, avait clairement perdu cette élection et que lui succédait une droite défendant Vladimir Poutine et les valeurs catholiques, sans complexe aucun.
C’est tout cela qu’elle nous disait, la croix de Valérie, et que derrière François Fillon était postée toute une génération allaitée à l’opposition au mariage pour tous et au droit à l’IVG. C’est ainsi : il y a comme une odeur de droite catholique qui se répand peu à peu, et pas qu’en France.
Alors, quand d’autres rappelèrent que la laïcité n’interdisait pas de porter des signes religieux, encore moins sur un plateau de TV, et même si on était députée, rappelant qu’il existait des élues municipales portant le foulard, puisque la loi ne le proscrivait pas, nous on se rappelle que oui bien sûr, le problème de la croix de Valérie ou de ma magen David, c’est le voile. On l’aurait presque oublié, dans le road movie de la campagne présidentielle. Mais gardez l’œil. Vous l’avez vue, cette somalienne-Américaine qui vient de concourir au titre de Miss Minnesota, vêtue d’un hijab, puis arborant un burkini lorsqu’il fallut défiler en bikini. Avez-vous vu comme elle fut acclamée par les spectateurs, Halima Aden, et félicitée d’avoir ainsi envoyé un message positif sur sa religion : Il me semble que ma présence peut permettre de détruire les malentendus et les stéréotypes sur les femmes musulmanes, déclara-t-elle lorsque les media lui donnèrent la parole, ajoutant que son objectif était plus de servir de modèle à d’autres filles et de leur montrer que les choix vestimentaires ne définissaient pas qui elles étaient, que de gagner le concours.
Entrisme quand tu te rappelles à nous.
EMOTICÔNE DE FEMME VOILÉE
De façon anodine et pourtant perverse, une journaliste du Minneapolis Star Tribune rapporta sur Twitter le 27 novembre que la jeune femme, vivement encouragée par la foule de spectateurs, était en train de faire l’histoire. Sachez encore que les représentants du concours avaient soutenu la décision d’Halima Aden, l’objectif du concours étant d’encourager les femmes à se sentir belles et en confiance, et que l’organisme Miss Univers s’est dit fier d’être à l’avant-garde de la diversité de la beauté.
Avez-vous vu aussi comment le consortium Unicode, qui se charge de créer chaque année les nouveaux émoticônes pour nos iPhone, smartphones Android, Facebook ou encore Skype, a réussi à introduire cette année de nouveaux émoticônes supportant la mixité culturelle, oh juste un émoticône de femme voilée, dans le but de promouvoir la multiculturalité et le vivre ensemble, nous expliquant que l’ajout d’un émoticône femme en hijab à la base de données d’Unicode est un signe plutôt positif à l’heure où l’islamophobie est devenue un thème récurrent dans les médias[2].
Entrisme quand nous n’y prenons pas garde.
En conclusion, si jamais vous persistiez à penser que décidément il y a 2 poids, 2 mesures puisque le port du voile est combattu plus que le port de la croix, reconnaissez que le port de la croix est comparable à celui de la main de Fatima, qu’il est plus culturel et affectif que religieux, et qu’il n’a rien à voir avec le voile qui stigmatise la femme en la désignant comme inférieure et comme appartenant à un clan, séparant la femme dite pure de la femme impure, en témoigne cette vidéo postée par l’apostat Waleed Al Husseini.
https://www.facebook.com/AlHusseini.Waleed/videos/1279954758699094/
La croix de Valérie n’est définitivement pas comparable au voile de Latifa.
Sarah Cattan
[1] Editions Grasset, 2016.
[2] Etienne Froment, geeko.lesoir.be, 26 novembre 2016.
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