La face cachée de l’étrange abdication de François Hollande

La vérité du destin de François Hollande est apparue lors de son discours de renoncement à l’élection présidentielle. En fait, il y a sans doute longtemps que le président avait renoncé, en créant lui-même les conditions de son propre empêchement.discours-hollande

L’étrange abdication. Tout François Hollande. L’élégance et la bricole. Décidément, ça ne change pas un homme. Quel surprenant  spectacle que celui du renoncement. François Hollande abdiquant est demeuré fidèle à François Hollande souverain. Entre Napoléon cerné par Ney à Fontainebleau et César Birotteau fermant boutique sous l’oeil d’Anselme Popinot. Entre vouvoyant la grandeur et tutoyant la banalité.

Dénuement du tableau qui se présente aux Français à 20 heures. Un fond bleu neutre uniforme comme on n’en fait plus à la télévision depuis vingt ans. Un drapeau français posé dans le coin de l’écran. Comme s’il fallait bien, quand même, rappeler que c’est un président qui parle. Un pupitre que l’on devine à défaut de le voir. Un son caverneux. Le bruit de la montre qui claque, chaque fois que la montre du président heurte le pupitre…

Un homme seul s’offre à son peuple. Qui apparaît à l’écran trois secondes après l’annonce de son intervention et l’ouverture de l’antenne. Comme s’il avait procédé lui-même aux réglages techniques, appuyant sur le bouton du déclencheur de la caméra avant de glisser sous l’objectif. O solitude. Purcell avec nous.

La voix. Blanche. Mal assurée. Tremblante. Le président, dernier défenseur de son bilan. Qui semble ne pas croire lui-même à l’histoire qu’il raconte. Ou plutôt, qui semble ne pas croire qu’il puisse être entendu. Contradiction. Il défend ce qui ne lui permet pas d’être candidat.

Tant de lassitude perceptible

Vanité des vanités. Le bilan est bon. Il en est content. J’ai fait, j’ai fait, j’ai fait… J’ai maintenu. J’ai construit. J’ai engagé… A l’heure de partir, le président convoque ce « je » de majesté en Ve République qu’il n’a jamais jugé utile d’user jusque là. Trop tard. Beaucoup trop tard.

Je ne suis pas Jupiter disait-il. Fini Jupiter. Mort Jupiter. Démodé Jupiter. Ringard Jupiter. Je suis normal. Un Hercule venu de Tulle. Fini de Gaulle et Mitterrand. Le souverain d’aujourd’hui est un émetteur ordinaire. Et le voilà Jupiter au moment d’annoncer la mort de Jupiter.

Le jeu Hollande a tué le « je » Hollande depuis longtemps. Trop longtemps. Beaucoup trop longtemps. Il dit « je » enfin, mais il ne peut se représenter. L’exercice est tout à la fois nécessaire et inutile, et il le sait. Il prend acte pour lui-même, en fait. Pense-t-il à Mitterrand, « C’est à l’histoire qu’il appartient désormais de juger chacun de nos actes »? On se pose la question. Et comme toujours avec lui, la réponse ne s’impose pas.

Le visage. Si mal maquillé. Si mal éclairé. Défait.Tant de lassitude perceptible. Tant de fragilité évidente. Et tant de dignité aussi. Et surtout…

On devine l’homme isolé. Encerclé. Assiégé. On le sait trahi, aussi. Victime de cent complots et mille conspirations. Et quand tombe l’aveu d’impuissance, « J’ai décidé de ne pas être candidat », Hollande a quelque chose en nous d’Allende à l’heure de rendre les armes. Tomber pour la France. Par la France.

Le roi se meurt, mais il se trouve encore un cheval… Encore quelques flèches à lancer, malgré tout… Il abdique, mais il ne demeure pas inerte… Le roi est mort, mais le prince de la suggestion est encore vivant… Surtout à l’heure des aveux…

La déchéance de nationalité, je n’aurais pas du… Ma faute, ma plus grande faute… Je regrette… Je confesse… J’avoue… Ce n’était pas la gauche… Ce n’était pas ma gauche…

Hollande tire le signal d’alarme

Français de gauche, qui allez voter à la Primaire qui vient, je vous aide… Suivez mon regard à l’instant de la confession et de la repentance… Souvenez-vous… Celui qui a guidé ma main est celui qui se refuse encore à avouer le péché contre la gauche… C’est le Premier ministre… C’est Manuel Valls… Lui… Encore lui… Toujours lui… Celui qui depuis un mois me pousse à l’abdication… Le Marmont des socialistes… Celui qui me pousse vers l’ile d’Elbe à moins que ce ne soit la Corrèze…

Le protectionnisme… Le repli… Français de gauche, gardez-vous de cette tentation… Gardez-vous de Trump… Gardez-vous de Le Pen… Et gardez-vous de Montebourg… Montebourg le fanfaron, qui le matin encore sommait Hollande de ne pas se dérober face à la Primaire socialiste… Montebourg, l’éternel ennemi… Montebourg dont Hollande est l’éternel objet de son ressentiment… Français de gauche, gardez-vous du populisme… Gardez-vous de la corbynisation…

L’avenir enfin… D’un coup, le président, qui ne l’est plus encore tout à fait, parle alors en socialiste, en homme de gauche… Il ne se cache pas… Il revendique ce qu’il est, a toujours été et sera encore… De gauche et socialiste… Echo de la campagne 2012… « Rien ne m’a été donné, tout ce que j’ai pris, je l’ai pris à la droite »…

On le sent et pressent… C’est l’heure d’indiquer le choix pour demain… Il ne parle plus qu’aux socialistes et à la gauche alors… Affaire de famille… Il appelle les « progressistes » à se rassembler… Il dépasse la gauche et les socialistes… Les « progressistes »… Comme Macron qui n’est pas socialiste mais se dit « progressiste »? l’écho est troublant… Hollande sait le sens et la portée des mots… A l’heure où il laisse tomber le bâton, où il lui faut désigner celui qui pourrait le relever, qu’est-il en train de nous dire? Entend-on ce que l’on doit entendre? Comprend-on ce que l’on doit comprendre? Qu’à choisir entre le Brutus d’avant d’hier, et les Cassius et Casca du jour, César mourant préfère encore le fils éloigné? Non, décidément.

D’outre tombe présidentielle, François Hollande ne restera pas inerte… C’est l’évidence…

C’est donc ça, la mort en politique

Et puis, il s’en va. Fini le fond bleu d’un autre temps. Fini l’immobile drapeau. Tout s’évanoui. C’est donc ça, la mort en politique. Le vide. Le néant. L’abdication est belle, qui porte en elle sa part de force et faiblesse. A la fin, l’homme a paru soulagé. Comme délesté d’un fardeau qu’il n’en pouvait plus de porter. Revient alors le souvenir d’une conversation téléphonique d’un autre siècle, le soir du premier débat de la Primaire LR, le 13 octobre dernier.

Le téléphone sonne. A l’appareil, un proche d’entre les proches du président. Le livre « Un Président ne devrait pas dire ça » vient de sortir et Emmanuel Macron s’apprête à dénoncer le concept de « Président normal » sur le site de Challenges. Le proche tâte le terrain. Tente de percevoir l’air du temps. D’anticiper. Il pressent que le livre et Macron, tout cela va faire du mal. Surtout le livre. « Tu en penses quoi? » Et l’interlocuteur de répondre : « Que s’il voulait créer les conditions de son propre empêchement, il ne s’y prendrait pas autrement ». Un silence. Quelques longues secondes d’éternité. Le souffle de la réflexion. Et le proche de laisser tomber enfin: « Ce n’est pas impossible… Il ne nous dit rien, reporte tout… Comme s’il n’était pas dedans… » Et de songer, au soir du départ, à cette conversation… Qui disait déjà la face cachée de l’étrange abdication de François Hollande… Et de se refaire le film du quinquennat, succession d’actes manqués en politique… Et de conclure qu’il y a bien longtemps que François Hollande nous avait quittés, ne sachant pas vraiment quoi faire de nous, et que nous nous refusions à le voir.

bruno_roger_petit-challengeBruno Roger-Petit

Source challenges 

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3 Comments

  1. Président par défaut, il s’en va comme il est venu. Une simple erreur de casting.

    Le plus risible est qu’il n’a toujours pas compris que la majorité du peuple français, et donc des électeurs de gauche inclus, était pour la déchéance de nationalité pour les soit disant « français » musulmans tueurs de français.

    Mais au lieu de ça l’on nous annonce que les « franco-maghrébins » islamisés reviennent de Syrie et que le pouvoir socialiste se demande quoi en faire !

    Hollande avait toutes ses dents mais manquait de couilles…

  2.  » Erreur de casting… » Oui, j’ai toujours su que le rôle était
    pour DSK.
    Malheureusement il est tombé dans un piège (bien préparé).
    Car si Hollande manquait de couilles, DSK en avait pour deux moralement (et physiquement !!).
    DSK président ne se serait pas entouré de cette bande de branquignoles qui formait la « cour » de François Hollande.
    Certes il fallait la voter cette loi sur la déchéance de nationalité et y rajouter le rapatriement vers le second pays. Cela ferait moins de monde dans les prisons françaises.

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