Le classique de Gérard Oury aura bientôt sa suite, Rabbi Jacqueline. Mais “l’axe du récit ne sera pas l’antisémitisme”, indique la scénariste.
C’est la nouvelle la plus improbable de la semaine : les producteurs Haut et Court et G Films préparent une suite aux Aventures de Rabbi Jacob, classique de Gérard Oury sorti en salle en 1973 avec Louis de Funès en tête d’affiche. L’info est tombée comme une papillote dans la soupe, à la suite d’un communiqué des producteurs, dont Danièle Thompson, la fille de Gérard Oury et co-scénariste du film de 1973. Contactée hier soir par téléphone, Danièle Thompson a confirmé qu’elle entamait l’écriture de la suite de Rabbi Jacob à quatre mains avec Jul (l’auteur de BD qui a récemment organisé la rencontre de Lucky Luke avec le peuple élu !), pour un film dont le tournage pourrait commencer courant 2017 et qui est programmé pour fin 2018.
« L’idée de départ est de voir ce que sont devenus les enfants et petits-enfants de Victor Pivert, Salomon et Slimane. Mais l’axe du récit ne sera pas l’antisémitisme, il faut absolument qu’on se libère des péripéties de 1973 et qu’on ancre la suite dans la réalité sociale de 2017. Tout a changé depuis Rabbi Jacob. Il faudra aussi s’éloigner le plus possible de la personnalité de Victor Pivert », nous confie Danièle Thompson. On n’en saura pas davantage sur le scénario pour le moment, dont l’écriture lui prendra « le temps nécessaire ».
Mon père n’avait jamais songé à en faire une suite
Dans Les Aventures de Rabbi Jacob, Louis de Funès incarnait l’industriel catholique traditionaliste Victor Pivert, embarqué malgré lui dans un micmac impliquant un dissident arabe (Slimane, incarné par l’acteur Claude Giraud) poursuivi par les barbouzes de son pays d’origine. Ciblés conjointement par des tueurs, Pivert et Slimane trouvaient refuge dans le Marais déguisés en rabbins et recevaient l’aide sur place de Salomon (Henri Guybet), le chauffeur privé juif de Pivert. Au terme de l’aventure, Pivert abandonnait ses préjugés racistes et antisémites, tandis que Salomon et Slimane devenaient amis en dépit des traditionnelles tensions entre juifs et Arabes.
Bon enfant et profondément humaniste sous son chrome de farce rocambolesque, Rabbi Jacob est un film où juifs, catholiques et Arabes se moquent d’eux-mêmes et connut pour cela un succès retentissant lors de sa sortie : 7,3 millions d’entrées en salle. Un plébiscite poursuivi des années après, au fil d’innombrables rediffusions à la télévision. « Mon père n’avait jamais songé à en faire une suite », indique Danièle Thompson et, en France, le climat s’est tragiquement dégradé depuis la mort du réalisateur en 2006.
Commando
Après les attentats perpétrés par Mohammed Merah en 2012 contre l’école juive Ozar-Hatorah et par Amedy Coulibaly en 2015 contre l’Hyper Cacher de Vincennes, faire rire sur l’antisémitisme relève a priori de la mission impossible. Mais la gageure ne fait manifestement pas peur à Danièle Thompson et à ses collaborateurs : « Dans une France qui a perdu son insouciance n’aurait-on vraiment plus le cœur à rire ensemble d’un industriel raciste déguisé en rabbin pour sauver un Arabe ? » questionne le communiqué publié jeudi matin, faisant référence au scénario du premier opus. Rappelons tout de même qu’en 1973, Les Aventures de Rabbi Jacob était sorti peu après la guerre du Kippour et son sujet avait déjà, à l’époque, provoqué de violents remous. Craignant d’être accusés d’exploiter le conflit israélo-arabe, Oury et sa fille étaient partis « en commando avec des copains », pour décoller des affiches du film dans Paris avant sa sortie.
Plus tragique : Danielle Cravenne, l’épouse du publiciste Georges Cravenne en charge de la promotion de Rabbi Jacob, alla même jusqu’à détourner sur le tarmac de l’aéroport de Marignane un Boeing 727 établissant la liaison Paris-Nice. Fragile psychologiquement et armée d’une carabine 22 long rifle, elle exigea que Rabbi Jacob, jugé anti-palestinien, soit interdit de salle en échange de la libération de ses otages. Elle décédera par balle à la suite de l’intervention du GIPN.
Quelle que soit la tournure des événements pour la suite des Aventures de Rabbi Jacob, on espère que le projet de Danièle Thompson et Jul saura déjouer les pièges de ce sujet toujours brûlant d’une décennie à l’autre. Autre info majeure, enfin, sur ce mystérieux deuxième opus : le script s’éloignera tellement du personnage de Louis de Funès que le film a pour l’instant été baptisé « Rabbi Jacqueline ». L’option féministe sera donc privilégiée par Danièle Thompson, que ce titre « fait rire ». Laissons les auteurs travailler et souhaitons un gros éclat de rire salutaire pour 2018.
Bonne chance pour ce film en gestation. Nous avons bien besoin d’un grand éclat de rire, l’arme suprême contre tous les obscurantismes.