Pendant cinq jours, de violents incendies se sont succédés en Israël à un rythme accéléré ; les dégâts occasionnés coûteront chers.
« Israël est en feu » : si l’expression largement utilisée ces derniers jours semble exagérée, elle exprime le sentiment de milliers d’Israéliens pris au piège des flammes dans leur maison, leur immeuble, leur lieu de travail, etc. Car des dizaines de départs de feu ont pris presque simultanément autour de Jérusalem, dans le centre du pays, à Haïfa et à Nazareth au nord, et même dans certaines localités israéliennes de Cisjordanie ; ce qui laisse peu de doute quant à l’origine des incendies.
Mais avant de déterminer la cause exacte des incendies (criminelle, terroriste ou naturelle), il est urgent pour les autorités israéliennes de maîtriser les feux et de limiter les dégâts déjà élevés. Israël se souvient encore de la catastrophe du mont Carmel en 2010 : un incendie gigantesque avait coûté la vie à 44 personnes et ravagé des milliers d’hectares de forêts.
En 2016, le gouvernement israélien a retenu la leçon du Carmel : les ordres d’évacuation immédiate ont évité de faire des victimes humaines, et l’aviation étrangère a été rapidement appelée à la rescousse.
En revanche, les dégâts matériels sont énormes : plus d’un millier de logements ont été endommagés ou détruits, des bâtiments publics brûlés et des infrastructures urbaines ravagées. Sans compter le manque-à-gagner économique : du nord au centre du pays, la vie quotidienne a été perturbée dans plusieurs villes, kibboutz et quartiers touchés par les flammes. La facture globale sera partagée entre le Trésor public, les municipalités, les compagnies d’assurance et les sinistrés eux-mêmes.
Renfort international
Très vite, le gouvernement israélien a pris conscience de la gravité de la situation. Benyamin Netanyahou a parlé personnellement à des chefs d’Etats voisins pour obtenir un renfort matériel sous la forme d’avions anti-incendies. Israël est aussi signataire d’accords bilatéraux d’assistance mutuelle en cas de situations d’urgence, nomment avec Chypre et la Grèce.
Le résultat des appels aux renforts internationaux a été immédiat. La Russie a envoyé deux avions de type Beriev Be-200 ; ensuite, ont suivi les offres d’avions mis à la disposition d’Israël par la France, la Croatie, l’Italie, la Turquie, la Grèce et Chypre ; au total, une dizaine d’avions étrangers ont renforcé le dispositif israélien de lutte contre les feux. Les États-Unis aussi envoient leurs pompiers assister leurs collègues israéliens.
Parmi les voisins immédiats d’Israël, les renforts aussi affluent. L’Autorité palestinienne a dépêché 8 véhicules de sapeurs-pompiers pour épauler les Israéliens. L’Égypte a envoyé deux hélicoptères bombardiers d’eau et la Jordanie envoie des pompiers.
Mais le spectre de la catastrophe du Carmel de 2010 a continué de hanter les dirigeants israéliens. Pour ne pas prendre de risques supplémentaires, Netanyahou a, dès jeudi, commandé à une société privée américaine un Boeing 747 « supertanker » qui a une capacité exceptionnelle (sa contenance est de 74 200 litres d’eau) ; le coût du contrat est estimé à 1,5 million de dollars.
Un coût partagé
S’il est trop tôt pour faire un bilan chiffré des incendies, nul doute que plusieurs centaines millions de shekels seront nécessaires pour un retour à la normal. Le coût de cette catastrophe est donc élevé et multiple ; il comprend des coûts directs, des coûts indirects et un manque-à-gagner pour certains secteurs d’activité. L’évacuation de 70.000 personnes dans la région de Haïfa et leur hébergement dans des hôtels des environs seront pris en charge par le Trésor public. Même scénario pour les évacuations d’institutions publiques, comme deux prisons de la région nord, des hôpitaux, universités, maisons de retraite, etc.
Les dégâts causés aux biens personnels comme appartements, équipements de maison ou voitures, seront pris en charge individuellement par les contrats d’assurance privés. Les Israéliens démunis d’assurance personnelle devront sans doute assumer par eux-mêmes les dégâts.
En revanche, si le gouvernement israélien reconnaît les incendies comme des « actes de terrorisme », tous les dégâts humains et matériels seraient pris en charge par le Trésor public. Comme dans une situation de guerre, le fisc israélien prend en charge les dégâts matériels et la sécurité sociale les dommages corporels et professionnels.
Quant aux dommages causés aux monuments publics et espaces verts, le ministère de l’Intérieur a déjà promis sa contribution : les caisses de l’État aideront les municipalités concernées à couvrir les frais de reconstruction.
Enfin, il reste à mesurer le coût indirect causé à l’activité économique des villes et régions sinistrées : certains secteurs, commerce et services, sont paralysés, partiellement ou entièrement, depuis près d’une semaine. Le gouvernement sera certainement sollicité pour indemniser les entreprises concernées.
Solidarité judéo-arabe
Très vite, le gouvernement israélien par la voie de son Premier ministre n’a pas hésité à qualifier de « criminels » les départs de feu. Des expressions comme « véritables actes de terreur » ou « pyromanie nationaliste » et même « Intifada des incendiaires » ont été utilisées par différents ministres interrogés par les médias. Les accusations ont pointé du doigt la population arabe d’Israël dans son entier, tout comme les Palestiniens de la Cisjordanie ; ce qui a remis à l’ordre du jour les relations judéo-arabes déjà tendus.
En revanche, plusieurs municipalités arabes n’ont pas hésité à proposer leur hospitalité aux sinistrés, juifs et arabes. La ville de Taïbé, tout comme le mouvement islamiste, ont appelé les habitants arabes du nord d’Israël d’accueillir les familles sinistrées sans distinction de religion. Le village arabe d’Abou-Gosh a accueilli ses voisins juifs sinistrés de Nataf.
Jacques Bendelac (Jérusalem)
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