Alice Hoffman remonte aux sources de la famille de Camille Pissarro, entre paradis du Pacifique et vent de rébellion. Joliment exotique.
Saint Thomas n’est pas une île, c’est un morceau d’arc-en-ciel tombé dans les Caraïbes. Rachel Manzana-Pomié, une créole issue d’une famille juive d’origine française, y est née en 1795. Avec son amie Jestine, fille de la cuisinière, elle ne rêve que de Paris, de longs tilleuls lustrés par la pluie, de lourdes crinolines en soie des Indes. Elle refuse les mariages arrangés, elle épouse le vieil Isaac à la requête de son père. Elle ne veut pas de rejetons, elle en aura dix.
Aux racines de Pissarro, l’insoumis
Un mariage contre nature est une histoire de rebelles traversée de colibris irisés, d’arbres aux feuilles de sang, de parfum aérien du jasmin, des claquettes d’une averse tropicale, de sorciers ravinés. Jestine a des amours interdites par sa condition d’enfant d’esclave, Rachel épouse en secondes noces un neveu par alliance, au grand dam de la communauté juive, et l’un de ses fils, Camille Pissarro, s’enfuit à Caracas avec ses pinceaux. Lui, il sera peintre, à Paris. Famélique, têtu, indocile.
Alice Hoffman, la prolifique auteur américaine, enchevêtre âpres recherches et envolées romanesques pour déterrer les racines de cet insoumis, impressionniste avant l’heure. Qui convolera, lui aussi, contre l’avis des siens. Hoffman n’est ni poète, ni styliste, elle décrit simplement les choses. On se croirait dans un tableau du Douanier Rousseau. Et puis non, c’est du Pissarro, incandescent et chatoyant.
UN MARIAGE CONTRE NATURE, par Alice Hoffman. Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Nadine Gassie. Slatkine & Cie, 416p., 23€.
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