Comme tous les accusés impécunieux, Salah Abdeslam, le seul survivant des terroristes du 13 novembre, peut bénéficier de l’aide juridictionnelle: son défenseur, lors de son futur procès, sera payé par l’Etat. Deux avocats parisiens veulent changer la loi.
Deux avocats parisiens, maîtres Avi Bitton et Alizée Cervello, viennent d’écrire au garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas et à la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victime Juliette Méadel, pour lui suggérer une réforme de la loi relative à l’aide juridique. Leur objectif: permettre aux tribunaux de condamner les terroristes jugés définitivement coupables à rembourser l’aide juridictionnelle versée par l’Etat à leurs avocats -un dispositif qui permet à tout accusé d’être épaulé par un défenseur commis d’office, s’il n’a pas les moyens de le rémunérer lui-même.
Leur cliente, Elisabeth Boissinot, a perdu sa fille Chloë, 25 ans, fauchée par les balles des terroristes à la terrasse du bar le Carillon le 13 novembre 2015. Pour cette mère endeuillée, il est inconcevable que les deniers publics, via les impôts des contribuables, rétribuent l’avocat qui défendra Salah Abdeslam, l’un des fanatiques qui ont ensanglanté Paris ce soir-là, lors de son futur procès. Au printemps dernier, elle a lancé une pétition intitulée “Que la famille de Salah Abdeslam paie son avocat et non le contribuable.”
Maîtres Bitton et Cervello, qui ont demandé à être reçus par le ministre de la Justice, comptent également plaider leur cause auprès des candidats à l’élection présidentielle de 2017 et des chefs des principaux partis politiques.
La loi ne permet pas aux cours d’assises de condamner un criminel à rembourser l’aide juridictionnelle dont il a bénéficié au cours de son procès. Pourquoi souhaitez-vous faire une exception pour les terroristes?
Avi Bitton : A crime exceptionnel, procédure exceptionnelle. Avec les actes de terrorisme, nous sommes en présence d’infractions troublant l’ordre public de manière très grave. Chacun de nous a subi une restriction de ses droits et de ses libertés fondamentales par le biais de l’imposition de l’Etat d’urgence. Il est donc légitime que les citoyens ne soient pas contraints de financer, par leurs impôts, les frais d’avocat des accusés qui seront reconnus coupables de ces actes.
Alizée Cervello : Il faut souligner la gravité de ces infractions qui portent atteinte au droit à la vie et vise la communauté dans son ensemble. Nous ne voulons pas priver l’accusé d’aide juridictionnelle et d’avocat, mais nous ne souhaitons pas que la collectivité supporte le poids financier de sa défense s’il est condamné.
La réforme que vous esquissez est-elle conforme à la Convention européenne des droits de l’homme ?
A.B. : Absolument. L’article 6 de ce texte stipule que “tout accusé a droit […] à l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement d’un avocat commis d’office.” Mais la Convention européenne, comme le code français de procédure pénale, réserve cette aide juridique à l’accusé, présumé innocent. Elle n’interdit pas d’imposer le remboursement au condamné définitivement reconnu coupable.
A.C. : En droit commun, quand vous perdez votre procès, vous pouvez être condamné à payer les frais d’avocat déboursés par la partie adverse…
Par définition, un accusé qui bénéficie de l’aide juridictionnelle n’a pas les moyens financiers de s’offrir un avocat. N’est-il pas vain de le condamner à rembourser ?
A.B. : Par définition, la plupart des délinquants et des criminels disposent, officiellement, de faibles revenus. La réalité est souvent bien différente. Une fois en détention, ils ne sont pas privés de ressources. Beaucoup reçoivent des mandats de leur famille, voire de leur réseau criminel. Certains travaillent en prison et touchent une rémunération. Nous proposons que 10% des sommes revenant au détenu abondent un pécule affecté au remboursement aide juridictionnelle.
A.C. : Condamner les terroristes à rembourser l’aide juridictionnelle n’est pas seulement légitime. C’est aussi symbolique.
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