Je suis une femme de gauche et oui, mon cher Franz, je suis allée voter aux Primaires de la droite et du centre aujourd’hui.
Sans me pincer le nez, une oreille distraite au début de la journée sur les différents media : Israël s’invite dans la primaire de droite, nous apprit vers midi un reportage de France Info et puis un autre de RFI. Cet intérêt soudain pour le taux de franco-israéliens qui auront voté nous questionne. Est-il dû au fait que, pour une fois, deux candidats à la primaire de la droite en France ont évoqué les menaces qui pesaient sur Israël, Fillon dénonçant jeudi, en référence à l’islamisme radical, la montée d’un mouvement politique totalitaire qui faisait peser une menace sur la paix mondiale, avait des tentations génocidaires, voulait massacrer les Chrétiens d’Orient et expulser les Juifs d’Israël, et Juppé mettant, lui, en garde contre le rôle extrêmement dangereux de l’Iran dans la région, soutien du Hezbollah qui envoie ses roquettes sur Israël.
Il paraît que les électeurs français en Israël se seront au final peu mobilisés, faute aux modalités compliquées de ce vote en ligne, nous dit Raphaël Kalfon, co-président des Républicains à Ashdod. Les Français, ils se sont accaparé la Primaire, la mobilisation dépassant les 4 millions, ce qui d’emblée n’était pas bon pour Nicolas. Nous saurons vite qui a voté. A midi France Info nous disait que c’étaient surtout des électeurs de droite. Ah bon. Pour 15% , ils étaient électeurs de gauche, ce qui n’était pas bon pour Nicolas là non plus, ses soutiens disant ce soir que ces votants de gauche étaient des parjures.
POUSSÉ VERS LA SORTIE PAR LES ÉLECTEURS DE GAUCHE
Républicains de gauche ou de droite, j’imagine que chez vous aussi, ça a bataillé dur cette semaine. Voter ou pas. Et puis pour qui ? Contre qui ? Voter utile et ne pas se permettre un vote NKM. L’offre, dès lors, se réduisait à un trio, et une figure majeure du paysage politique allait être mise à la retraite. La Tribune de Genève nous dit que c’est Nicolas Sarkozy, poussé vers la sortie, semble-t-il, par les électeurs de gauche.
Restait François Fillon, notre Thatcher à nous. Ce nouveau héraut de l’anti-mariage gay. Celui nous promet une France amie-amie avec Poutine. Fillon ? Dans son plaidoyer Vaincre le totalitarisme islamique[1], il avait déroulé à l’appui d’une réflexion politique solide le dramatique inventaire des attaques terroristes, en France et partout ailleurs, pointant sans réserve la responsabilité des Frères musulmans, les financements du wahhabisme par l’Arabie saoudite et le Qatar aussi, rejoignant l’analyse de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot dans Nos très chers émirs, sont-il vraiment nos amis ?[2]
Face à un Sarkozy qui intronisa les Frères musulmans au sein du CFCM et un Alain Juppé jouant sur une proximité trouble inquiétante avec le frère musulman Tariq Oubrou qu’on n’aurait nulle envie de voir désigné grand imam de France, il fut clair, Fillon, et sans doute cela a-t-il joué dans son score éclatant.
Plus clair qu’Alain Juppé. Qui promet de plafonner les allocations chômage à 870 euros et de les rendre dégressives au bout d’un an, accroissant de facto la précarité sans rien proposer pour relancer l’embauche et combattre le chômage de longue durée. Cela aura-t-il joué contre lui. Quel écart !
Ils étaient sept mais on savait bien que ce seraient deux de ces trois-là qui sortiraient du chapeau. Deux prétendants qui, une fois encore, ne connaissaient pas le monde de l’entreprise faute d’y avoir travaillé. Deux qui croient encore qu’il suffit d’aller au Salon de l’Agriculture, à Rungis, puis d’aller visiter telle entreprise, caméras de télévision collées au derrière, pour faire illusion en pleine campagne électorale. Mais comme en face, de Montebourg à Valls, on a les mêmes, cela ne les aura pas empêchés et de toutes façons, la Manu touch, eux, ils ne l’auront jamais, tous ceux-là.
Ce dimanche matin, vous étiez ce républicain de gauche qui a bien dû admettre qu’après ce quinquennat pathétique, un duel droite-FN semblait acquis. Vous vous êtes donc présenté au bureau de vote. Vous avez fait la queue, comme Fillon et Juppé. Il n’y a que Sarkozy pour griller la politesse à toutes les personnes présentes depuis de longues minutes, vous avez remarqué ? Vous avez voté vous aussi, dès maintenant, contre la candidate du FN, puisque vous avez contribué au choix du candidat de la droite. Comme moi, il vous aura gêné, le mot choix, dans ces Primaires, cette belle idée qui a fait avancer la démocratie, mais qui auront conduit combien de nous à voter, une fois encore, à défaut. Pour celui que nous avions jugé le moins pire.
A gauche, il y avait ceux qui se sont offusqués- en fait on s’écharpe tous depuis l’affaire DSK-
N importe quoi! Aller signer la charte de droite! (Perso, je n’ai pas eu l’impression de me renier en la signant.) Et avec des candidats très marqués ! Jamais, s’emporta un tel, je ne renierai mes convictions de gauche et irai me compromettre dans ces petites tactiques politicardes!!
Vous aviez Claude Askolovitch, le seul persuadé que son avis pesait, qui répétait : Dimanche on vote, L’alternance est trop sérieuse pour l’abandonner à la seule opposition. Je voterai à la primaire de la droite, je votai à celle des socialistes en 2011, je récidiverai en exerçant mes droits démocratiques, et Mediapart s’y colla aussi, faisant ouvertement campagne pour pousser le peuple de droite dans les bras de Fillon, pointant du doigt Juppé, cette Hillary Clinton puissance dix, Juppé que d’aucuns n’hésitèrent pas à qualifier de repris de justice : Ce n’est pas parce qu’il n’a aucune dignité, que nous devons suivre son exemple. S’il avait vraiment du respect pour la France, il ne se présenterait pas aux présidentielles. Ils répétaient, ceux-là, que si les Français étaient plus exigeants, un Juppé n’aurait même pas pu se présenter et que donc, les français auraient le président qu’ils méritaient, quel que soit le résultat, entre un condamné et un condamnable ajoutèrent certains.
Bref les Républicains de gauche en avaient leur claque des dinosaures, de leurs magouilles et de leurs coups de Trafalgar, et ceux de droite les renvoyaient à raison dans leur but : on avait tout eu, puisqu’au Casse-toi pauvr’con et autres Carlita, l’écho avait répondu Leonarda, Trierweiler et autres piètres histoires de scooter.
COPÉ, AMBIANCEUR DES PRIMAIRES
Tout s’était véritablement déglingué et l’on s’étonna à peine d’entendre Elkabbach et Pujadas, ces arbitres d’un soir, manquer de respect aux candidats. Vincent Quivy, dans Profession : Elkabbach, [3] avait eu beau assimiler le premier à un employé des politiques, un Talleyrand du journalisme maîtrisant fort bien l’art du courtisan, et nous avions beau connaître le second, toujours est-il qu’ils réussirent même à éclipser les meilleures répliques, telles le Montre tes cicatrices de Sarkozy à Copé lorsque ce dernier vint encore chercher l’ex Président. Vous vous souvenez, Copé, notre ambianceur de ces primaires, qui multiplia les lapsus et alla jusqu’à évoquer l’hypothèse où il serait élu par ordonnance, avant de se lancer dans une métaphore filée où il était Napoléon Bonaparte himself sur le Pont d’Arcole.
La rébellion que François Fillon lança sur le plateau contre Pujadas et Elkabbach lui aura donc servi, montrant à ceux qui encore doutaient qui c’était Marcel. La tirade de Sarko ne l’aura pas sauvé. De son indignation, on discutera ad infinitum : Quelle indignité. Vous n’avez pas honte, alors que nous sommes sur le service public, de donner écho à un homme qui a fait de la prison, qui a été condamné à d’innombrables reprises pour diffamation et qui est un menteur ? Ce n’est pas l’idée, voyez-vous, que je me fais du service public. Vous n’avez pas honte ? Son visage outragé ne lui aura donc pas permis d’emporter le morceau, lui dont la force était l’expérience : Présidence, corruption, affaire Libyenne, déclarations racistes selon certains et jusqu’au conseiller fasciste qui le trahit in fine.
Voilà. Il aura fallu choisir parmi ces trois, alors qu’on avait déjà donné avec Mitterrand et Chirac, ces rois fainéants. C’est que la droite la plus bête du monde, pour reprendre l’éternelle formule de Guy Mollet, nous avait donné le choix entre un enfant gâté hyperactif et grand communicant, un retraité qui nous répétait avoir la pêche, un ancien premier ministre pas assez glamour pour les media, un bidouilleur d’élections, un qui prétendait incarner le Renouveau, un inconnu, et une femme de gauche.
D’où que vous soyez, ne me dites pas que vous n’étiez pas un brin désabusés lors de cette soirée télé, ce remake d’Au théâtre ce soir, face à cette classe de sixième, cette star’ac des oligarques, ce gang de sans génie dignes du Muppet Show, ce concentré de méchanceté. Car c’étaient quand même Les Primaires.
UNE SUITE DE CHOIX PAR ÉLIMINATION
On m’a répété que la démocratie n’était pas un concours de purs mais une suite de choix par élimination, dont sortirait in fine le moins mauvais pour gérer un Etat. Qu’il fallait donc être stratège. Et si nous avions tous moqué à juste titre les Primaires socialistes de 2007 et 2011 et l’inénarrable Qui va garder les enfants, rappelons-nous que du chapeau de la deuxième était sorti François Hollande et la suite vous la savez.
Les deux années que nous venons de vivre nous ont laissé un goût amer, celui de l’opportunisme, du retournement de vestes, voire de la collaboration avec la terreur, et nous ont mis face à une décomposition idéologique causée de concert par les hommes politiques et une partie de la gauche intellectuelle qui étouffèrent toute critique contre le religieux et l’islam, rejoints qu’ils étaient par des Michel Serres qui osèrent dire, les yeux dans les yeux, que le terrorisme était la dernière cause de mortalité dans le monde et que le tabac, les accidents de voiture ou même les crimes liés à la liberté du port d’armes tuaient bien plus que le terrorisme.
Fillon VS Juppé. Le fait de penser que l’homosexualité est contre-nature n’aura pas fait, en 2016, éliminer le premier, et certains soutiens, discutables et même porte poisse comme celui d’Alain Minc que certains qualifièrent de baiser de la mort, n’auront pas eu la peau du deuxième. Il leur reste une semaine. Le winner dans 8 jours sera celui qui ne parlera pas aux Français de PIB, de taux de croissance, de chômage dont la courbe devrait s’inverser d’un moment à l’autre : il aura compris que les électeurs ne veulent plus entendre parler d’économie, de chiffres, et de promesses qu’il ne tiendra pas parce qu’il ne peut pas les tenir. A cette aune-là, François Fillon est le mieux disant, promettant à son tour du sang, de la peine, des larmes et de la sueur. On avait le choix entre la nostalgie, la déprime et la revanche, comme l’avait dit avec pertinence NKM. Exit la revanche. Reste à savoir comment vont se positionner, dans l’entre-deux tour, Nicolas ce jeune retraité et les 4 petits candidats : Manuel Valls avait fait 5%.
Sarah Cattan
[1] Editions Albin Michel, 2016.
[2] Editions Michel Lafon, 2016.
[3] Editions du Moment, 2009.