Après sa déclaration de candidature, Emmanuel Macron a fait halte à la Basilique de Saint-Denis. Un geste qui démontre que Macron entend s’ancrer dans un imaginaire historique qui parle aux Français en quête de sens politique. Et risque de poser des problèmes aux socialistes appelés à se diviser lors de leur Primaire.
Après sa déclaration de candidature, de retour vers Paris, Emmanuel Macron a fait une halte là où les pierres parlent. Loin des caméras et des micros, le néo-candidat à l’élection présidentielle s’est arrêté en la Basilique de Saint-Denis, tombeau des Rois de France. Seul en son destin face aux Transis.
Qu’est-il venu chercher là, dans ce grand silence de marbre où dort l’âme de la France? Conviction. Onction. Transmission. Inscription. Tout cela à la fois sans doute. Les voies qui mènent aux Forces de l’esprit sont impénétrables. Le geste de Macron rappelle qu’il est deux catégories de candidat à l’élection présidentielle: ceux qui hantent les lieux de mémoire, en quête d’encens, et ceux qui occupent les plateaux de télévision, en perte de sens.
L’ancien ministre de l’Economie est un adolescent d’autrefois, qui connaît la valeur de la vie immobile, la futilité de ce qui va et vient et la nécessité de communier avec ce qui ne bouge pas.
On aurait tort de rire du spirituel Macron, car le geste en dit long sur le personnage. Volonté et détermination. Qui s’arrête en novembre à Saint-Denis pour y contempler les Transis, ne se ralliera pas en mars à François Hollande. Et ira encore moins jouer les figurants bienveillants à la Primaire organisée par le Parti socialiste, afin de servir de force d’appoint à François Hollande au second tour.
Un étrange spectacle
Celui qui se recueille devant les tombes des derniers Capétiens ne peut avoir pour préoccupation première de songer à s’allier avec Hollande dans le but de faire barrage à Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon en songeant que son futur sera fait d’un inévitable duel avec Manuel Valls d’ici à l’an 2022. Macron a rejeté tous ces petits calculs qui réduisent le Parti socialiste de Mitterrand à la triste représentation perpétuelle de la conjuration des ego.
Que reste-il de la Primaire socialiste après l’annonce de la candidature Macron? La perspective d’assister à un étrange spectacle.
Anticipons un peu. Entre le 15 décembre et le 30 janvier, les Français en quête de sens verront un président de la République (ou son Premier ministre, si le président renonce) descendre de l’Olympe élyséenne pour se ranger, simple candidat, aux côtés d’un Arnaud Montebourg, d’une Marie-Noëlle Lienneman, d’un Benoît Hamon, voire d’un Gérard Filoche.
Ceux-là ne l’épargneront pas. Et nous pourrions bien assister à un bien étrange spectacle: un président sortant, dépouillé de son Corps du roi spirituel, attaqué, vilipendé, souillé par tant et tant d’attaques qu’il pourrait bien, au bout du compte, être victime d’un processus initialement créé pour le protéger, mais qui aujourd’hui, en l’état de sa disgrâce, pourrait se retourner contre lui. Et à l’arrivée, la désignation possible d’Arnaud Montebourg, candidat du Parti socialiste à l’élection présidentielle. Le même processus pouvant aussi affecter la candidature de substitution de Manuel Valls, quand bien même ce dernier, si l’on en croit les sondages, aurait plus de capacité à s’imposer que le président sortant.
Il faut bien dire les choses comme elles risquent d’advenir: il n’est plus rien de commun entre les socialistes qui vont se disputer la candidature à l’élection présidentielle lors de leur Primaire au calendrier aberrant. S’il est bien deux gauches irréconciliables, comme l’a diagnostiqué Manuel Valls en février dernier, c’est bien au Parti socialiste qu’elles existent.
Qu’on y songe: Arnaud Montebourg a déjà fait savoir qu’il ne ferait en aucun cas campagne pour François Hollande au cas où ce dernier serait désigné candidat par les électeurs de la Primaire socialiste. Et l’on peut déjà augurer qu’en retour, au cas où il serait lui-même désigné, bien des partisans de François Hollande (ou Manuel Valls) adopteraient la même ligne de conduite à son endroit.
La primaire, une machine à perdre
La Primaire socialiste était conçue comme une machine à rassembler autour de François Hollande, mais tout indique désormais qu’elle va se métamorphoser en machine à perdre. De machine à mobiliser, elle pourrait devenir machine à démobiliser, et à inviter, de fait, à voter Macron. Tout le temps que durera le tumulte de la Primaire socialiste, Macron (mais aussi Mélenchon) incarnera ce qui manquera au PS: l’unité et la volonté concentrée en une incarnation. L’effet de contraste jouera à plein.
La Primaire socialiste s’annonce plus morose que rose. De nature à éloigner encore bien des électeurs de gauche d’un parti dont ils ne savent plus qui il est, à quoi il sert et où il va. Le PS est le canard sans tête de la politique française. Sans identité. Sans vitalité. Sans projet. Qui ne tressaille encore qu’à raison des stimuli déclinant qui agitent encore ses membres. Empêcher François. Barrer la route à Manuel. Eliminer Arnaud. Sauver des sièges de députés. Préparer le congrès 2017. Songer à la Primaire 2021. Se placer pour 2022. Reproduire à vide l’éternel petit jeu des courants et des alliances, des contre-courants et des mésalliances. Alliés un jour. Rivaux le lendemain. Faire le beau à La Rochelle. Disposer d’un bureau à Solfé. Devenir Secrétaire national du PS. Rien d’exaltant en vérité.
De François Hollande à Manuel Valls en passant par Arnaud Montebourg, les socialistes sont loin de Saint-Denis et de ses Transis. Les pierres ne leur parlent pas. Du reste, ils les ignorent. Les héritiers officiels de Mitterrand, (dont la légende –en partie infondée- dit qu’il était un autre grand habitué de la fréquentation des Transis de Saint-Denis) ne perçoivent pas la quête de sens et de protection, qui émane de toutes les parties de l’opinion française. En conséquence, ils ne comprennent pas le balzacien Macron, hors de leur champ culturel et politique, qui se réduit aux quatre murs de la salle Eyquem de la rue de Solférino. Il n’est même plus question de gauches irréconciliables, mais d’imaginaires irréconciliables, ce qui est encore plus tragique pour le rapport du Parti socialiste au pays réel.
Le « candidat des médias »
Confrontés à la candidature hors-norme de ce dernier, ils déroulent les vieux mantras de l’appareil, comme on peut le lire dans le Libération de ce jour, véritable pot-pourri de la politique à la papa Mollet: « C’est Hollande qui rassemble le mieux à la fin », « Hollande est président à 100% », « L’essentiel c’est de travailler pour les Français », « Macron est un empêcheur de Hollande et ça nous va », « La période à l’avantage de pousser les petites souris à abattre leur jeu »…
Selon que l’on est Hollandais ou Vallsiste, chacun juge la candidature Macron selon le bénéfice qu’il entend en tirer, tous étant assurés que tôt ou tard, le « candidat des médias » finira bien par renoncer, puisque selon un axiome indépassable, rien n’est possible au-dehors du Parti socialiste. Sauf que le « candidat des médias » se rend à Saint-Denis le jour de l’annonce de sa candidature, aussi surprenant que cela puisse paraître, sauf à ceux qui savent de quoi il retourne depuis l’été 2015, quand Macron, déjà, évoquait les ravages causés par l’absence de la Figure du roi dans la vie politique française. Le détour par Saint-Denis, c’est le signe que l’homme ne se laissera pas détourner de son chemin.
L’imaginaire Macron, dans une France en quête de sens et d’identité, est probablement le pire ennemi de Hollande, Valls et du PS. Certes, en l’état, nul ne peut dire si Emmanuel Macron peut être élu président de la République. Loin s’en faut. On se contentera simplement de citer Mitterrand: « On ne peut rien contre la volonté d’un homme ».
Bruno Roger-Petit
M. Macron cherchait probablement la guérison d’un léger rhume.
Notre bon roi Hollande avait parlé du roi Saint (sic) Louis comme d’un roi méconnu, comme lui même peut être.
Le camarade Roger-Petit est habituellement mieux inspiré. Nous avons une identité républicaine. La France, le combat social et républicain, la religion et la famille donnent du sens à notre vie. Les publicistes deviennent franchement emmerdants.