Trois, deux, un : Go !
La primaire des républicains et du centre c’est dimanche prochain et les Français auxquels on explique que ce concours de comice agricole déterminera leur futur chef d’état sont perplexes devant ces primaires qui par essence-même ne pouvaient sélectionner que des caciques dûment étiquetés apparatchiks.
Il est lancé le compte à rebours. Alors que les 7 candidats jetteront leurs dernières forces dans l’ultime débat, Il s’invite jeudi soir, Emmanuel Macron, lui qui a malicieusement choisi d’annoncer sa candidature ce matin à Bobigny, car c’est en banlieue, dit-il, qu’il faut faire ça. Stratégie gagnante : on ne parle plus que de lui et tous les media refont l’histoire de ce Brutus sympathique. Gageons que jeudi soir donc, il volera même la vedette à Trump. Exit Bayrou. C’est déjà du passé dans le temps médiatico-politique.
Si lors du débat précédent nous eûmes droit au tous contre Nicolas Sarkozy, gageons que demain les échanges se muscleront encore, 4 des candidats n’ayant plus rien à perdre et seul Xavier Bertrand croyant encore que son ralliement à l’un ou à l’autre changera la donne. Le troisième round de la primaire de la droite et du centre avant le premier tour nous promet un menu copieux. Organisé par France 2, Europe 1 et la presse quotidienne régionale, il abordera des thèmes arrêtés grâce à un sondage réalisé par l’institut Harris Interactive auprès des Français. Au tour de David Pujadas d’être cette fois aux commandes et gageons qu’il interrogera nos prétendants sur l’effet Trump et la surprise Macron.
LES FRITES A LA CANTOCHE
Dans la sélection de ce qui ressemble à une série à suspense[1], avec tractations, trahisons, manigances, espoirs et déconvenues, les outsiders et un duo – devenu un trio- de politiques pas tout à fait neufs, des méchants disent même has been. Nous passerons sur Poisson mais nous arrêterons sur NKM, en laquelle un éditorialiste a voulu voir la réincarnation de Marie-Chantal, toujours planante, toujours sympa, toujours amusante : elle nous a pourtant montré dans les deux premiers débats qu’elle valait mieux que cette description un brin misogyne lorsque, vêtue de ses habits de warrior, elle balancer sans hargne des scuds uniquement destinés à celui qui fut son mentor. Nous passerons vite fait sur celui que Sarkozy appelle Bébé Bruno, ce jeune à l’esprit vieux, et ça ce n’est pas de sa faute : cet enfant de l’ENA, d’après Marianne, confesse en privé ne pas faire le poids face à l’expérience de ses rivaux. Il y a Copé aussi. Je ne sais pas vous, mais moi je ne peux l’écouter sans me demander comment il a pu échapper aux suites judiciaires de l’affaire Bygmalion. Le rôle du bouffon, c’est lui qui l’a endossé dès le premier débat.
Il en reste 3 donc. L’un d’eux n’a cessé de nous répéter que nous sommes au bord de la faillite mais comme il a servi Sarkozy pendant 5 ans, on a juste envie de lui demander des comptes. Certes celui qui présidait ce n’était pas lui, c’était Nicolas, vous savez celui qui a doublé en 2012 le budget de sa campagne à l’insu de son plein gré et qui a dû revenir parce que la France a besoin de lui. Enfin, ses groupies. L’ex locataire de l’Elysée continue à s’en prendre aux journalistes et s’est encore récemment agacé lors d’un déplacement à Marseille, conseillant à un supporter qui tentait de se frayer un chemin entre les journalistes : Ils ne vous laisseront pas passer ! Passez-leur dessus, voilà !
Sarko ? Parlant de Bayrou qui refuse de se prononcer sur l’hypothèse d’un duel entre lui et Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, il nous dit à présent : On n’a pas la même moralité. Ça en dit long sur son engagement moral, ajoutant : Si j’avais fait ça, moi, quel scandale aurait-on dit ? Je vous dis une chose : s’il était face à Marine Le Pen, je voterais pour lui, et en meeting sur ses terres de Neuilly, devant tous les barons des Hauts-de-Seine au garde-à-vous qui exultent en s’écriant Le boss est de retour, il plaide pour une alternance forte, opposant son énergie à l’alternance molle qu’incarnerait selon lui Juppé. Il a fait rire la France avec son histoire de double ration de frites le jour où il y aurait du jambon à la cantoche. Le coup de bol pour lui, c’est que la cour d’appel de Paris vient de renvoyer au 16 novembre l’examen de recours dans l’affaire Bygmalion, mais un coup dur vient de lui tomber dessus avec les accusations de Takieddine, qui s’invite dans le débat lui aussi.
LES JEUNES AVEC PÉJU
Reste celui qui est en position de l’avoir à l’ancienneté, le job, la retraite chapeau, même si les réseaux sociaux, cruels, le vannent en raison de son âge : on y lit qu’il est vieux, qu’il fait vieux, qu’il parle comme un vieux et doit certainement confondre les euros avec les francs et utiliser son minitel. Je ne suis pas Hillary Clinton, a dit sur Public Sénat le favori à ses adversaires qui trouvaient une source d’espoir dans l’élection américaine où Hillary Clinton, donnée gagnante par toutes les enquêtes d’opinion, fut battue par Donald Trump. En tout cas, ses supporters arborent un t-shirt Les jeunes avec Péju, Alain Delon s’est rallié à son panache blanc et la salle a crié : le bisou ! le bisou ! Pendant que lui, sans doute embarrassé car il n’en demandait pas tant, clame que le gouvernement Hollande est une vraie pétaudière.
Le problème, c’est que voilà notre candidat naturel peu à peu rattrapé par Fillon, lui-même talonné par Sarkozy. Ces points, c’est à Juppé qu’il les prend, François. Et désormais, lui aussi s’autorise à distribuer les coups et répète à l’envi qu’il sera la surprise de la primaire. C’est qu’il s’est hissé officiellement à la place du troisième homme, vous savez celui qui traditionnellement vient perturber le duel annoncé. Un sondage Odoxa-Dentsu Consulting lui confère un gain de neuf points en l’espace d’un mois et promet qu’il éjectera un des duellistes attendus. Dès lors, celui qui assurait que les sondages ne valaient pas tripette a désormais pour eux les yeux de Chimène et se permet de moquer son ancien chef et de comparer à des tisanes les mesures préconisées par le maire de Bordeaux, mordant les mollets de Nicolas et dénonçant l’extrême prudence du programme d’Alain Juppé. Il y a 3 jours, il a eu la très bonne idée de pointer du doigt, à Biarritz, la communauté musulmane, la seule qui pose problème a-t-il dit, à quoi Juppé énervé a répondu qu’il ne suffisait pas de bomber le torse et de faire de grands moulinets. Vous le saviez, vous, que dans la vraie vie, cet homme à la figure triste est un dingue des rallyes automobiles et que sur sa play-list, il y a surtout Leonard Cohen et Scorpions ?
Si ça vous parle, ces grands discours, petites phrases, propositions-chocs et anecdotes, mettez-vous sur France Info, qui chaque jour, jusqu’au 7 mai 2017, résume ce qu’il ne faut pas rater de l’actualité de la campagne. Vous apprendrez que le torchon brûle entre Rachida et NKM, Le Monde ayant révélé une conversation particulièrement virulente à l’égard de Madame Dati, Bernard Squarcini, l’ancien patron de la DCRI demandant à NKM : Bon, allez, tu me tues Rachida et Fillon. […] Parce que Rachida on n’en veut plus. Basta crapoto.
LES MAGOUILLES ONT DÉBUTÉ
Demain soir, Jean-Pierre Elkabbach, Nathalie Saint-Cricq, et Hervé Favre, éditorialiste à La Voix du Nord, rejoindront Pujadas et aborderont le dossier syrien, le climat, l’Europe, la jeunesse, la laïcité et l’immigration. La deuxième partie de l’émission nous proposera un débat arbitré par David Pujadas, avant que ne vienne le temps de la conclusion personnelle de chacun. Les réseaux sociaux seront présents : une question posée par un téléspectateur via Facebook sera adressée aux impétrants entre chaque séquence, et Europe 1 organisera la Battle des militants : 7 militants commenteront la prestation de leur candidat, depuis les studios d’Europe 1, en direct et en vidéo sur Facebook. Il fallait, pour décrocher son ticket pour la battle, tweeter son selfie-militant avec une affiche, un goodie, une photo prise pendant un meeting, et récolter un maximum de like pour défendre, au cours du débat, les idées et arguments de son poulain.
Les lignes politiques sont devenues floues et la société française se crispe. Il est lancé, le compte à rebours, et même si désormais on sait qu’il faut compter avec Macron les inconnues n’ont jamais été aussi nombreuses. Les magouilles ont débuté: Copé se rapproche de Juppé par haine de Fillon et de Sarkozy, et il a, dixit Ruth Elkrief, rencontré le Maire de Bordeaux, ce mardi, dans un grand hôtel parisien pour en recevoir les consignes. On a du mal à y croire et on y croit pourtant.
C’est le balagan. Si Sarkozy l’emportait au soir du second tour sur Fillon, alors François Bayrou se présenterait. Cela en fait des troisièmes hommes, surtout que d’autres trouble-fête se feront connaître encore: pourquoi pas Manuel Valls, Taubira qui aiguise ses couteaux et … Ségolène ? Non elle a juré qu’elle n’irait plus.
Qu’il est brumeux, le paysage politique français. Abasourdis que nous fûmes par l’issue de l’élection américaine, et désemparés de le voir, le FN, si calme, si bien placé, incarnant la prédilection actuelle pour l’antisystème et remobilisé par la victoire de Trump, nous la regardons, cette France qui veut cette fois, et Macron l’a bien compris, sortir les sortants et du passé faire table rase, nous espérons tous qu’aucun événement imprévu ne vienne la perturber encore plus, cette campagne présidentielle.
Sarah Cattan
[1] Opération Elysée, Franz-Olivier Giesbert, France3.
Brutus, n’est-ce pas celui qui a poignardé le père ? En tout cas, notre Brutus à nous a l’air bien impatient. Ah, si jeunesse savait …
Oui Julius, bien impatient. Cette marche de plus ne sera-t-elle pas la marche de trop. Oui Julius, le sénateur Marcus Junius Brutus Caepio est le fils de Servilia, la maîtresse de César. Dans la guerre opposant Pompée à Cesar, le jeune Brutus embrasse la cause du premier. Après la défaite de Pompée, César lui pardonne et c’est grâce à son mentor que Brutus grimpe les échelons.
Cela ne l’empêchera pas, pour sauver la République, de participer à l’assassinat de Cesar qui se serait écrié avant de tomber le fameux “tu quoque, mi fili”.
“Ce n’est pas que j’aimasse moins César, mais j’aimais Rome davantage”, dit le Brutus de Shakespeare.
Et bien si Brutus il y a rien n’est sûr qu’il tuera le Père je ne vois en lui aucune impatience mais simplement prendre le temps ..de voir le Père se tuer par lui même ou par “ses amis”et d assister pourquoi pas à la déroute des autres prétendants au Pouvoir
Macron. Bien sûr que son impatience et son ambition effrénée , cher Julius, auront primé sur le RSA de la loyauté. Envers celui qui l’a fait Ministre, fût-ce François Hollande. Question de principe. Il demeure, qu’il le veuille ou pas, comptable lui aussi du bilan de ce quinquennat. il eût fallu qu’il démissionne. Et qu’il ne se mette pas en marche dans la foulée. Brutus il y a. Le combat de sa cousine NKM est beaucoup plus noble. Elle passe par les Primaires. Libre. Digne de respect.
Et oui, à l’heure qu’il est, il me semble que les dés soient jetés. Peut-être prend on les mêmes, mais après une descente aux enfers où nos présidents deviennent la risée de la France, peut-être reprends on de la hauteur.
Faudra pas s’attendre à des miracles, mais les affaires courantes seront réglées plutôt mieux, et j’espère pas trop mal.
Une primaire de gauche ne comptera pas dans la partie. Les pachydermes iront faire leur numéro au cirque. Ca amusera le peuple.