Qui est juif ? Voilà un petit jeu dont nous raffolons. Combien de fois, au cours d’une simple conversation qui évoque une personnalité, n’a-t-on entendu son interlocuteur s’exclamer : « Tu ne savais pas, mais il est juif (ou elle est juive) ».
Il s’agit dans la grande majorité des cas, de quelqu’un dont on devrait être fier : écrivain, savant, artiste, politique ou une grande réussite dans les affaires ; même un escroc, pourvu qu’il soit malin et sympathique. Mais, attention, il faut prendre garde que ce petit jeu ne se retourne contre ceux qui le pratiquent. Considéré comme aimable lorsqu’on joue entre juifs, le jeu devient suspect dès lors qu’un non-juif entre dans la danse.
Jusqu’à preuve du contraire, aucun Président américain (ni français) ne fut concerné. Un grand nombre de numéros deux, jamais de numéro un .
Quoique …
Il y a quelques mois, l’Associated Press rapportait que de nouveaux enregistrements de Lyndon B. Johnson , soulignaient l’implication du Président en faveur d’Israël. Les Etats-Unis, durant la présidence de LBJ (1963-1969), étaient devenus le principal allié d’Israël et son premier fournisseur d’armes. On sait que Johnson était au pouvoir à l’époque de la guerre de 1967.
Mais, rien ne révélait son engagement historique en faveur du peuple juif durant la seconde guerre mondiale. On ignore souvent sa participation au sauvetage de centaines de juifs pendant la Shoah – actions qui auraient pu le chasser du Congrès et le conduire en prison.
Des historiens démontrent que Johnson, lorsqu’il était jeune représentant du Congrès en 1938 et 1939 , avait fourni des visas en faveur des Juifs de Varsovie ; et favorisé l’immigration illégale de centaines de Juifs vers Galveston, Texas. Cette activité fut confirmée par des interviews de son épouse, des membres de sa famille et de ses proches. Sa tante, Jessie Johnson Hatcher, membre de l’Organisation Sioniste Américaine, exerça une forte influence sur son engagement politique.
Le jeune Lyndon admirait son grand père « Big Sam » , et son père « Little Sam » pour leur militantisme en faveur de Leo Frank, la victime juive d’une conspiration antisémite d’Atlanta ; Frank fut lynché par la foule en 1915, pour un crime dont il était innocent. Le Ku Klux Klan du Texas a même menacé de mort la famille Johnson . On raconte même que les Johnsons se cachèrent dans leur cave, tandis que le père et ses frères montaient la garde, armés de fusils, de peur d’une attaque du KKK. Plus tard, Johnson précisa que le lynchage de Frank comme était à l’origine de son opposition à l’antisémitisme et à l’isolationnisme.
Déjà en 1934, quatre ans avant la capitulation de Chamberlain devant Hitler, à Munich, Johnson était très attentif aux dangers du nazisme, et publia un essai – « Nazisme, une agression contre la civilisation ». Il soutint un projet de loi en faveur de la naturalisation des étrangers en situation illégale, principalement des Juifs de Pologne et de Lituanie. On l’informa de la situation d’un jeune musicien, juif autrichien, en instance d’être expulsé des Etats-Unis. Grâce à un subterfuge, LBJ lui permit de se présenter au consulat américain à La Havane, et lui obtint un permis de résidence. Eric Leindsdorf, le célèbre chef d’orchestre, le remercia chaleureusement de son initiative. La même année, il prévenait ses amis juifs que leurs coreligionnaires d’Europe étaient menacés de destruction. Il fournit les documents nécessaires pour faire sortir 42 juifs de Varsovie. Johnson sauva ainsi cinq cent juifs, peut-être plus.
Le 4 juin 1945, il visita Dachau. Selon son épouse, Lady Bird, il en revint, choqué, terrorisé, stupéfié, d’avoir vu ces incroyables horreurs. Comme leader de la majorité sénatoriale, John bloqua régulièrement les initiatives anti-israéliennes de son collègue William Fulbright, le Président de la commission des Affaires Etrangères du Sénat.
Son intérêt pour la cause juive continua pendant sa Présidence. Immédiatement après sa nomination, après l’assassinat de J. F. Kennedy, Johnson dit à un diplomate israélien : « Vous avez perdu un grand ami, mais vous avez trouvé un bien plus grand ami. »
La question est posée. Lyndon Baines Johnson était-il d’origine juive ? On sait que ses aïeux du côté maternel, les Huffmans, des Juifs allemands, émigrèrent vers le Maryland, au cours du XIX°siècle. La grand’mère de Lyndon, Ruth Ament Huffman épousa Joseph Baines. Leur fille, Rebecca Baines épousa Samuel Johnson ; et leur fils est Lyndon B. Johnson.
La filiation matrilinéaire de l’arbre généalogique des Johnson peut –être tracée depuis trois générations. En principe, d’après la Loi ancestrale, cela devrait suffire pour affirmer que, oui, Lyndon Baines Johnson fut le premier Président Juif des Etats-Unis. Et le seul, jusqu’à présent.
Victor Kuperminc
Auteur de « L’Affaire Leo Frank, Dreyfus en Amérique » .Préface d’André Kaspi (L’Harmattan 2008)
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