Un prévenu quadragénaire a été condamné à quinze mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour apologie du terrorisme et provocation directe à un acte de terrorisme alors qu’il se trouvait en détention à Val de Reuil dans l’Eure en août dernier.
Dans le box, l’homme à la barbe châtain et aux cheveux en courte queue de cheval bredouille. Bachir Boutaleb semble ému. Il a les yeux rougis, il renifle. Quand la présidente du tribunal correctionnel d’Evreux lui donne la parole, jeudi, pour s’expliquer sur les faits d’apologie d’acte terroriste et de provocation directe à un acte de terrorisme qui lui sont notamment reprochés, cet homme en prison depuis dix-sept ans pour violences volontaires ayant entraîné la mort préfère lire les deux pages manuscrites qu’il aurait lui-même préparées. « Je me suis dit que j’aurais la boule au ventre. Alors j’ai préparé une lettre », justifie d’une voix quasi inaudible et hésitante le prévenu de 42 ans, comme un enfant pris les doigts dans le pot de confiture.
Sa repentance, « un écran de fumée »
Une lettre très bien formulée, un air de repentance. Mais le parquet à l’audience ne croit pas un instant à ce retournement de situation : l’homme en détention à la maison d’arrêt de Val-de-Reuil (Eure) avait nié les faits jusqu’à son passage devant le tribunal. Il ne s’agit pas de pot de confiture mais bien d’actes beaucoup plus graves insiste le parquet. « C’est la première fois en deux ans que je vois un dossier aussi lourd en la matière avec des mises en ligne de vidéo de propagande de l’État islamique. C’est un élément important. Il faut prendre plus de recul par rapport à cet écran de fumée de repentance qu’il présente en lisant son texte (…) », précise avec force le procureur adjoint, Éric Neveu qui requiert dix-huit mois de prison avec mandat de dépôt.
« J’ai déversé des méchancetés »
Tout découle d’une procédure engagée par le centre de lutte contre la criminalité numérique. Il constate le 29 octobre dernier « qu’un compte twitter diffuse des messages que les enquêteurs considèrent à caractère d’apologie et de provocation directe à un acte de terrorisme » depuis août, relate la présidente qui le condamnera à quinze mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Sur ce compte, dont le titulaire est inscrit sous un pseudonyme, des vidéos de propagande de l’État islamique sont publiées. On peut y voir des armes, des combattants de Daech s’entraîner, et exécuter par décapitation des prisonniers après les avoir torturés. « Ce sont des vidéos dignes des supers-productions holywoodiennes qui durent quatre à sept minutes. Vous voyez du sang gicler. Ils décapitent, comme ils l’ont fait à quelques kilomètres de là, à Saint-Étienne-du-Rouvray, en tuant le père Hamel de quatorze coups de couteau ! », décrit, excédé, le parquet. Sur le compte twitter, il publiait aussi des liens expliquant la confection d’explosifs. D’ailleurs, un papier parmi d’autres avait été retrouvé dans sa cellule, avec sur celui-ci, le terme d’un composant permettant de fabriquer des explosifs. « Mais ce n’est pas son écriture », intervient sa défense. « C’est une écriture plus ronde », admet la présidente. D’autres petits papiers sont retrouvés avec la signification du mot « Daech » ou encore des sourates et versets du Coran recopiés. « Ce ne sont pas les plus pacifiques que vous avez reprises », fait remarquer la juge. « C’est une sourate que l’on dit quand on a des maux (…) », explique Bachir Boutaleb. Des vidéos, des liens sur les explosifs consultés et publiés, des bouts de papiers compromettants, mais aussi des messages diffusés sur twitter. « Je vous souhaite de bons attentats. N’hésitez pas à vous approvisionner en mouchoirs en papier », « Ne vous inquiétez pas, vous pouvez faire mieux » en commentant un article du Monde sur les attentats de Nice… « Je suis bien responsable de ce qui a été écrit. J’ai déversé des méchancetés. Mais ça ne reflète pas ma personnalité. Il n’y avait pas de caractère sérieux. N’y a-t-il pas eu assez de morts ? Je demande pardon », lit le prévenu, debout dans le box vitré. Pour lui, c’est « plutôt de la provocation que de la propagande », c’est de la « frustration et une accumulation de refus de permis de sortir (…) Ça fait dix-sept ans d’enfermement, j’en souffre atrocement. Je commence à ne plus y croire », raconte l’homme déjà condamné à 30 ans de réclusion criminelle.
Peut-être coupable, mais aussi bouc émissaire, puisqu’on occulte les responsabilités du corps carcéral de cette prison qui ne voit rien, laissent tout passer et s’en sortent en disant qu’ils ne sont pas assez nombreux! Les cellules, ça peut être fouillé d’une façon aléatoire pendant la promenade.
Le directeur de cette prison a sûrement des explications à rendre à la justice. Il faudrait qu’il réalise qu’il n’est pas directeur d’hôtel 5 étoiles.