Yitzhak Dahan est un chercheur israélien, auteur d’une thèse sur l’immigration française dans son pays. Le quotidien Ha’Aretz l’a interrogé sur le profil et les motivations de ceux qui quittent l’Hexagone pour Israël.
La thèse de doctorat de Yitzhak Dahan, de l’université Bar-Ilan, sur l’immigration française en Israël est la seule étude exhaustive de ce type sur l’alyah venue de France. Yitzhak Dahan a également travaillé sur les Juifs des pays d’Afrique du Nord – Algérie, Tunisie et Maroc – qui décident d’émigrer en Occident, en particulier en France mais aussi au Canada. Nous lui avons posé des questions sur les Français en Israël. Selon lui : “l’une des raisons pour lesquelles l’alyah venue de France devrait baisser de 20 % cette année, c’est peut-être que nous avons atteint le segment faible de ceux qui souhaitent s’installer en Israël. Le segment fort, les gens qui peuvent et veulent investir, vient depuis un moment. C’est la bourgeoisie, les gens qui ont acheté la moitié du front de mer de Tel-Aviv, Laurent Levy, par exemple, qui possède 60 appartements dans le centre de Jérusalem.”
Qui est Laurent Levy ?
“Il a 45 ans, est intelligent et riche, il dirige une société d’optique. Il a ouvert deux succursales en Israël.”
Les personnes qui font leur alya sont-elles motivées par des considérations sionistes ou économiques pour venir en Israël ?
“On peut dire que leurs motivations sont en grande partie religieuses et sionistes, entre autres en ce qui concerne l’éducation des enfants. Et il y a bien sûr les liens familiaux et l’amour de la plage.”
Et l’antisémitisme et la peur de la violence les poussent-ils à quitter la France ?
“Oui, il y a aussi l’antisémitisme et l’augmentation de la population musulmane en France. La France compte actuellement 8 millions de musulmans [en réalité, 4 ou 5 millions de Français seraient musulmans ou de culture musulmane selon le ministère de l’Intérieur français]. Chaque attentat contre les Juifs déclenche une vague d’alyah. L’attentat de Toulouse de 2012, où un professeur et trois enfants ont été tués, a été l’un des premiers facteurs à choquer la communauté et à la faire réfléchir. Les gens ont commencé à se demander s’ils avaient bien leur place [en France].
Donc, oui, la sécurité personnelle est un paramètre mais cette communauté est surtout décidée à donner une éducation juive à ses enfants et à vivre dans une communauté juive, quitte à accepter un niveau de vie plus bas. Le gros attentat qui a eu lieu en juillet à Nice, dont la cible n’était pas les Juifs mais la France, a nui au désir d’alyah.”
Que dit la France en tant que pays ? Est-ce que ça l’ennuie que les Juifs partent ? Après l’attentat de l’Hyper Casher en 2015, on a entendu le Premier ministre Benyamin Nétanyahou inviter les Juifs français à immigrer en Israël.
“Manuel Valls, le Premier ministre français, n’a pas tellement apprécié les déclarations de Nétanyahou et a répété ces propos désormais célèbres : ‘La France sans les Juifs de France n’est pas la France.’ Pour assurer leur sécurité, les écoles juives sont maintenant des forteresses militaires. Il y a un poste de garde à l’extérieur comme à l’intérieur. De ce point de vue, la France fait tout pour protéger ses Juifs, qui jouent un rôle central dans l’économie. Et les Juifs ne veulent pas venir [en Israël] parce qu’ils y sont obligés par l’antisémitisme par exemple. Ils disent : ‘Nous voulons tout simplement faire notre alyah.’”
Mais alors pourquoi les Juifs français ont-ils soudainement découvert Israël ?
“Leur lien avec Israël ne date pas de maintenant. Ils ne passaient pas leurs vacances en Tunisie mais ici, alors que ça leur coûtait deux fois plus cher. 80 000 Français envahissent les plages de Tel-Aviv toute l’année”, relève Dahan, avant d’ajouter que les Juifs français veulent aussi investir en Israël. Cette immigration est différente de toutes les autres. On ne vient pas s’installer en Israël pour améliorer sa situation économique.”
Est-ce que leur niveau de vie diminue ?
“Tout à fait. Et parfois ils font la navette entre la maison et le travail. Vous connaissez l’expression ‘alyah Boeing’ ? Vous vous êtes installé en Israël mais vous n’avez pas de source de revenus alors vous allez en France le dimanche et revenez le vendredi. Il y a des avions bourrés de gens qui font ça à l’aéroport Ben Gourion. Une partie considérable des gens qui vivent à Ra’anana (une banlieue de Tel-Aviv) travaille en France, par exemple le dentiste qui se rend chaque semaine à son cabinet et revient le week-end.”
Est-ce que ça pose un problème ?
“Oui. Cela génère du revenu mais c’est mauvais pour Israël. Cela crée des problèmes dans les couples. Les enfants ressentent une absence parce que la mère est là mais pas le père. Le problème, c’est que l’économie israélienne ne s’est pas assez ouverte à cette alyah. Il n’y a pas que le phénomène Boeing. Même quand les gens travaillent ici, c’est en général en indépendant. Ils souhaitaient intégrer la société israélienne mais ils finissent par vivre proches les uns des autres.”
Les Juifs français ont-ils du mal à trouver du travail en Israël ?
“Oui, une proportion importante d’entre eux a beaucoup de mal à trouver un emploi parce que certains diplômes qu’ils ont obtenus en France, les diplômes de médecine et d’infirmier par exemple, ne sont pas reconnus en Israël. Ils obtiennent moins que ce qu’ils valent ici. En Israël, il y a 1 000 médecins français qui ont étudié gratuitement en France et Israël les a formés à nouveau. 25 % des dentistes de Jérusalem sont français.”
Ils habitent pour la plupart à Netanya et Ashdod.
“Oui, mais ces populations sont différentes. À Netanya, ce sont en majorité des retraités, surtout originaires de Tunisie. Ils préfèrent le centre de Netanya.”
Et à Ashdod ?
“Ashdod accueillait jadis une population relativement faible du point de vue du capital social car les appartements y étaient bon marché il y a vingt ou vingt-cinq ans. Mais on commence à voir les gens quitter Netanya et Ashdod. C’est l’un des grands changements de 2016. Il y a deux cents familles immigrées à Hadera et il y a des gens, essentiellement des jeunes, qui quittent le centre de Netanya pour des quartiers plus éloignés.”
Dahan relève également que certains immigrés français vont s’installer dans les colonies de la bande de Gaza. Il y a par exemple 150 familles qui vivent à Eli. Certains pensent que les Français font grimper le prix de l’immobilier en Israël.
“Ils investissent beaucoup mais je ne peux pas dire combien. À Neveh Tzedek [un quartier de Tel-Aviv], il y a des immeubles entiers [de Juifs français] mais il est évident que tous n’ont pas les moyens d’acheter un logement à Tel-Aviv ou Jérusalem.”
Qu’avez-vous découvert d’autre au cours de vos recherches ?
“L’alyah française a dans une large mesure restauré le patrimoine nord-africain. C’est un phénomène fascinant. À Netanya, il y a des synagogues pas simplement pour les Juifs d’Algérie mais pour les gens originaires d’une ville en particulier, Constantine ou Oran. Cela veut dire que, d’un côté, ces gens ont la culture française et, d’un autre côté, ils ont mieux préservé la culture d’Afrique du Nord que les Juifs qui sont venus en Israël dans les années 1950 et 60.”
Les premiers immigrés d’Afrique du Nord n’étaient pas seulement incités à devenir israéliens et à laisser le monde religieux derrière eux, mais aussi à abandonner leur patrimoine nord-africain, explique Dahan. “Ce qui est intéressant, c’est que ce sont ceux qui viennent d’Occident, en l’occurrence de France, qui rétablissent les traditions des Juifs du Maroc, d’Algérie et de Tunisie en Israël.”
Au quatrième paragraphe en comptant à partir de la FIN de l’article, il y a une erreur : “Dahan relève que certains immigrés français vont s’installer dans les colonies de la bande de Gaza”. Or, la bande de Gaza a été évacuée unilatéralement, à tort ou à raison, il y a belle lurette.
Cela étant, il est évident que l’invasion de la France, et de l’Europe en général, par des Musulmans prolifiques, détestant les Juifs, a de quoi inquiéter ces derniers et les pousser à émigrer. Généralement vers Israël, vers les Etats Unis, vers le Canada ou vers l’Australie : chacun selon ses penchants religieux ou laïques, sa profession, etc…
A TOUS, on ne peut alors que souhaiter Bonne Chance.