A 82 ans le songwriter canadien signe un recueil qui a tout du disque testamentaire, à la fois drôle, tranchant et apaisé.
« Hineni My Lord » : me voici Seigneur. Plus crépusculaire tu meurs : « You Want it Darker » le dernier album de Leonard Cohen apparait pour qui l’écoute comme son ultime enregistrement. De par son contenu mais aussi son contexte : Cohen avait adressé cet été une lettre d’adieu bouleversante à sa muse Marianne Ilhen (dédicataire notamment de « So Long Marianne » ) alors mourante, s’achevant sur « Rendez-vous au bout du chemin » et le songwriter et poète canadien ne pensait pas enregistrer de nouveau comme il le raconte dans les notes, suite à différents problèmes de santé. C’est son fils Adam Cohen qui (je cite) « a senti que ma rémission, sinon ma survie, dépendait de mon retour au travail et à ces chansons»
Comme souvent les textes sont traversés de références à différents textes sacrés (les premiers mots du Kaddish d’abord « Magnified, sanctified, be thy holy name » qu’on entendait ici « Magnifié sanctifié sois le Grand Nom ») Cohen se réfère aussi à la crucifixion, au fait de changer l’eau en vin et inversement (dans le très beau Treaty)…
Pourtant comme il le confiait lors de la conférence de presse donnée à son domicile (et captée par France Inter) « Je ne me suis jamais considéré comme une personne religieuse… Je n’ai pas de stratégie spirituelle, je gambade occasionnellement comme beaucoup dans ces différents royaumes. Dans ma vie j’ai parfois senti la grâce d’une présence autre… mais je suis incapable de bâtir une structure spirituelle uniquement sur ça. C’est un vocabulaire avec lequel j’ai grandi. Ce paysage biblique m’est très familier, il est donc naturel que j’utilise ces points de repères comme références. Mais à part ça, je n’ose rien réclamer pour moi à ce royaume spirituel »
À 82 ans Leonard Cohen signe un album qui, à défaut d’en revendiquer le fond, prend tout les atours d’une messe : avec cette ouverture chorale d’abord avec le Cantor Gideon Zelermyer et la chorale de la synagogue Shaar Hashomayim (celle bâtie par l’arrière grand-père de Leonard Cohen), puis beaucoup plus gospel ici avec On The Level (et avec la chanteuse Dana Glover, déjà présente sur ses deux précédents albums : Old Ideas, Popular Problems). Enfin le bouzouki et les chœurs de Travelling light rappelleront à certains les séjours de Cohen sur l’île d’Hydra en Grèce.
« J’ai tourné le dos au démon, et aux anges aussi » chante Leonard Cohen. Le songwriter résonne toujours au comble de la maitrise des mots et des intonations, dans un registre de parlé-chanté qui fait sa marque (on pense aussi à Lou Reed ou Iggy Pop, pour ce côté textes aigres-doux prononcés d’une voix calme). Mais peu peuvent se permettre de publier les textes seuls, comme des poèmes, ce fut le cas pour « Steer Your Way » publiée en juin dernier dans le New Yorker, « oriente ton chemin » texte auquel Leonard Cohen ajoute un couplet final dans la version chantée :
- They whisper still, the injured stones
- The blunted mountains weep
- As he died to make men holy
- Let us die to make things cheap
- And the Mea Culpa, which you gradually forgot
- Year by year, month by month, day by day
- Thought by thought
texte en ligne ici : Comme il est mort pour le salut des hommes, mourrons pour rendre les choses plus futiles, Et le Mea Culpa que tu oublies graduellement, année après année, mois après mois, jour après jour (…)
(traduction approximative nos excuses d’avance)
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