Tribune Juive

Frédéric Encel : Quand la patrie est en danger, il faut d’autant plus se battre

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN Par Alexis Feertchak– A l’occasion de la sortie de Géopolitique de la nation France, Frédéric Encel a accordé un entretien fleuve au FigaroVox. Pour le géopolitologue, face à une nation en guerre avec l’islamisme, il est urgent de répondre à la question : que faire ?

Docteur en Géopolitique de l’Université Paris-VIII, habilité à diriger des recherches, Frédéric Encel est maître de conférences à Sciences Po Paris. Il a reçu le Grand Prix 2015 de la Société de Géographie pour son ouvrage Géopolitique du printemps arabe(éd. PUF, 2014). Avec le géographe Yves Lacoste, il vient de publier Géopolitique de la nation France (éd. PUF, 2016)frederic_encel_geopolitique_nation_france

FIGAROVOX. – Dans votre essai publié à quatre mains avec le géographe Yves Lacoste, vous expliquez avoir écrit cet ouvrage en «patriote français très attaché à la nation France». C’est rare qu’un intellectuel et universitaire s’exprime ainsi. La patrie est-elle en danger pour que vous preniez, non les armes, mais la plume?

Oui, il existe en effet une sorte de complexe dans de nombreux milieux universitaires, notamment en sciences humaines, à exprimer son patriotisme, même humaniste et s’inscrivant dans une démarche intellectuelle comme c’est le cas pour nous. Ce phénomène, qui prend parfois la forme d’un véritable rejet, s’explique, ici, par un prétendu académisme qui interdirait au chercheur d’enfreindre la sacro-sainte objectivité, là, par refus idéologique de l’idée même de patrie ou de nation ; dans le premier cas, on confond objectivité et honnêteté intellectuelle, et dans le second cas nation et nationalisme! Or j’ai toujours affirmé et assumé que la dimension intrinsèquement universelle de l’institution universitaire pouvait parfaitement s’accorder avec un sentiment d’appartenance culturelle et, surtout, avec la défense de principes et de valeurs précisément universels. Et, en l’espèce, certains d’entre eux comme la valorisation de la culture, l’égalité hommes-femmes ou encore l’accès au savoir pour tous, sont précisément portés aux nues par notre nation et en principe défendus par notre République.

Justement, pour poser la question-titre d’Ernest Renan, qu’est-ce qu’une nation? En France, la nation n’a-t-elle pas tendance à se confondre avec la République?

D’aucuns expliquent que le nationalisme a tué la nation au profit d’un idéal post-nationale dont l’Union européenne est le modèle. Cet idéal a-t-il aujourd’hui vécu?

Ensuite, ce que vous appelez le «post-national» a-t-il l’Europe pour modèle?

Vous expliquez que la France est aujourd’hui victime d’une agression tant extérieure qu’intérieure?Emploieriez-vous le terme de «guerre» pour la première et donc de «guerre civile» pour la seconde?

L’islamisme est l’ennemi, dîtes-vous. Vous expliquez que celui-ci hait les nations car celles-ci définissent des frontières, alors que l’islamisme défend l’oumma. Ce sans-frontiérisme islamiste rejoint-il celui d’une certaine gauche?

Vous critiquez la victimisation des islamistes qui accusent l’interventionnisme occidental. En tant que défenseur de la nation «France», ne considérez-vous pas qu’une certaine forme d’impérialisme américain est effectivement coupable, coupable notamment d’avoir fragilisé des nations arabes aux États beaucoup moins anciens que ceux d’Europe?

Vous parlez de la «France de votre enfance» tout en précisant «telle demeure la nation de l’adulte que je suis». Êtes-vous néanmoins confiant pour l’avenir?

Vous expliquez que le sionisme est aujourd’hui un outil de rejet des juifs, mais aussi de la nation française. Qu’est-ce à dire?

Pour reprendre le mot de Tchernychevski et de Lénine, «que faire» face à cette menace civilisationnelle?

Continuer à croire dans ses valeurs et les défendre, lutter pour l’égalité hommes-femmes, la laïcité, la culture, de vrais progrès sociaux, le respect de notre grand récit national – même parfois romancé (comme l’est tout récit politique collectif), enjolivé et surinterprété -, l’amour de notre géographie, et ne pas céder aux pièges d’un multiculturalisme débridé et d’un relativisme culturel qui, à certains égards, correspondent bel et bien à une forme de racisme.

 

 Source lefigaro
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