Ce fut une campagne si pathétique qu’on n’avait plus envie de la suivre. De la baston nous on n’était pas demandeur mais comme on l’avait suivie, cette prétendue campagne, alors il fallait bien en finir.
Je ne sais pas ce qui se passe avec elle : au début de son dernier débat, elle était gonflée à bloc. À la fin, elle pouvait à peine retourner à sa voiture, avait déclaré le candidat républicain après le deuxième débat. Elle, Hillary. Lui, Donald.
En grosse difficulté dans les sondages, lui s’était donc lancé dans une surprenante attaque contre sa rivale démocrate, l’accusant de s’être droguée ou dopée si vous préférez, avant le deuxième débat. Bon, une surprenante attaque, mais qui de vous fut réellement étonné, au vu du personnage ? Ce n’est pas comme si Juppé demain menaçait la patronne du FN et demandait un contrôle anti-dopage avant le débat suivant. Tiens d’ailleurs, même elle, MLP, personne ne pourrait l’imaginer agir ainsi. D’ailleurs, il paraît qu’elle n’est pas du tout fan de Donald. Because l’électorat féminin : si elle veut le séduire, cet électorat-là, eh bien elle doit dénoncer son machisme à lui. Pourtant tout en lui ne saurait lui déplaire à elle, n’est-il pas ?
Nous sommes comme des athlètes. Les athlètes doivent passer un contrôle antidopage, je pense que nous devrions faire de même avant le débat, avait-il poursuivi. C’est que le troisième et dernier débat approchait : It’s now or never, chantait Elvis. S’il voulait se replacer dans la course à la Maison Blanche, Donald, il fallait qu’il crée quelque chose. Alors, comme vous le connaissez à présent, il n’avait pas hésité, relayé par son clan, à affirmer que l’élection était truquée par des médias corrompus qui mettaient en avant des allégations complètement fausses et des mensonges éhontés afin de la faire élire. Nous ne laisserons pas cela se passer, entendit-on. La Dream Team Clinton se tint digne, assurant par la voix du directeur de campagne d’Hillary que la participation à la vie démocratique devrait être encouragée au lieu d’être affaiblie ou discréditée parce qu’un candidat a peur de perdre, et même Obama s’en mêla, affirmant que le savoir-vivre était en jeu, que la tolérance était en jeu, et la courtoisie, et que dans une démocratie, vous participiez à une élection, et si vous perdiez, vous félicitiez votre adversaire et vous alliez de l’avant. L’honnêteté était en jeu, l ‘égalité, la bienveillance aussi, qu’il dit. Et Paul Ryan himself, le président républicain de la Chambre des représentants, qui avait indiqué qu’il ne pouvait plus défendre le candidat de son parti, réprimanda encore l’incorrigible Trump.
On passa vite à autre chose, un déluge d’accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles venant à nouveau viser Donald. Dix femmes, pas moins, se déclarèrent victimes d’avances sexuelles appuyées et non consenties. Si lui rejeta avec vigueur ces allégations, la charismatique Michelle Obama s’en mêla, exprimant dans un speech qualifié par les media de powerful and emotional son dégoût face aux propos intolérables, vulgaires et dégradants que le milliardaire aurait proférés en 2005 : pour elle, il ne s’agissait pas de discussions de vestiaire. Il s’agissait d’un homme puissant s’exprimant librement et ouvertement sur un comportement de prédateur sexuel de celui qu’elle qualifia de prédateur sexuel : Ces propos m’ont glacée jusqu’à la moelle, et quel que soit le parti auquel on appartient, démocrate, républicain ou indépendant, aucune femme ne mérite d’être traitée de cette façon. Alors Donald se dit victime de mensonges éhontés colportés par des medias à la solde de sa rivale démocrate : Je n’ai jamais rencontré ces personnes. Je ne sais même pas qui elles sont. Ce sont des histoires inventées de toutes pièces avant l’élection, dit-il devant des jeunes, à Colombus.
EMBRASSÉE CONTRE SON GRÉ
Mais les histoires inventées de toutes pièces continuèrent et deux témoignages de femmes furent publiés dans le New York Times, l’une reprochant à Donald de l’avoir pelotée alors qu’elle était assise à côté de lui dans un avion il y a plus de trois décennies, l’autre affirmant que le républicain l’avait embrassée contre son gré en 2005, alors qu’elle travaillait comme réceptionniste dans la tour Trump à New York. Et si ça vous fait penser à qui que ce soit… Ce fut, vous le voyez, la grande classe. Et Donald qui tweeta à l’intention de ses 12 millions de followers que rien ne s’était jamais passé avec ces femmes, qu’il s’agissait là d’ absurdités complètement inventées pour voler l’élection et que personne n’avait plus de respect que lui envers les femmes, que c’était une histoire bidon et d’ailleurs voilà ses avocats exigeant que le quotidien new-yorkais retire son article infondé et diffamatoire, et voilà le journal qui refuse, estimant que le candidat avait entaché lui-même sa réputation. Ambiance.
Help. Vite tous les enfants Trump, tous, et leurs familles, toutes, sur le devant de la scène. C’est que dans la famille Trump, il y a du beau linge, comme dit Xavière. On eut donc ses trois aînés, nés d’un premier mariage avec la top-modèle tchèque Ivana Zelnickova : c’est ces trois-là sont parmi ses très proches conseillers. On eut aussi Ivanka. Et puis aussi les futurs first kids. Tous enfants de l’immature bonhomme. C’est que ses provocations à lui n’épargnèrent aucune d’entre nous, qu’il s’agît de son camp politique – souvenez-vous des moqueries contre son ex-rivale républicaine Carly Fiorina – ou de sa propre famille : n’affirma-t-il pas, le bougre, dans une ultime provocation, qu’il sortirait bien avec sa fille s’il ne la connaissait pas. Ça méritait bien que son épouse Melania s’en mêlât, accordant deux interviews télévisées pour défendre son mari et confiant : Ces paroles étaient insultantes pour moi, et déplacées, il m’a présenté ses excuses, je les ai acceptées et nous allons de l’avant. Elle ajouta : j’ai un fils. Eh bien parfois je me dis que j’ai deux ados. Argument de choc s’il en est.
Elle, pendant ce temps, impopulaire toujours, restait face à ce plouc la favorite et se fit volontairement discrète, révisant dans la situation room, limitant les meetings, participant juste à des réunions de levées de fonds sur la côte ouest, accordant une interview à l’émission d’Ellen DeGeneres à Los Angeles et laissant Donald se débattre seul. Bien joué. Ça vous fait penser à quelqu’un ?
Il va sans dire que le parti républicain resta divisé sur l’attitude à adopter face à son porte-flambeau et que si de nombreux élus, inquiets pour leur réélection au Congrès le 8 novembre, prirent leurs distances avec Donald Trump, certains firent marche arrière, affirmant qu’ils voteraient malgré tout pour lui afin de stopper Hillary Clinton, ou d’empêcher la Cour suprême de tomber à gauche.
SOCIOPATHE, BIPOLAIRE
Question : personne pour dire à Donald de se taire, de faire profil bas et de cesser d’ alimenter tout ça par ses propos incendiaires ? Personne pour lui dire qu’il partait en vrilles et s’enferrait dans une campagne d’attaques outrancières autodestructrice ? Et voilà ! Maintenant on avait même Shawn VanDiver, un ancien de la Navy, qui considérait que le tempérament du candidat républicain était incompatible avec le sérieux que requièrent les questions de sécurité nationale et le scénariste et producteur de la série À la Maison-Blanche qui disserte sur Trump en ces mots : Quand je travaillais sur The West Wing (À la Maison-Blanche), j’ai parfois utilisé des choses qui m’étaient arrivées pendant la campagne d’Al Gore. Et on me disait: «Whaou. Si tu racontes ça à la télé, les gens vont penser que c’est inventé!» C’est ce qui se passe maintenant: notre réalité est beaucoup plus étrange et même plus dangereuse que la fiction. Trump a mis cette fausse authenticité dans la politique. C’est une fabrication totale. Il donne l’impression d’être authentique – c’est d’ailleurs pour cela qu’une partie de la population l’aime ou le soutient – mais c’est un parfait candidat de téléréalité. Et d’ajouter : si je devais faire le pitch de cette élection, ce serait qu’un malade mental obtient la nomination d’un grand parti pour la présidentielle, un mec dérangé, narcissique, peut-être même sociopathe, bipolaire, qui vit dans une bulle qu’il s’est lui-même créée. Il dit une chose, et se contredit la minute d’après. Et les gens doivent s’unir pour l’arrêter. Il est l’ennemi, le nuage noir qui descend sur la nation. C’est un western en fait, avec un méchant qui arrive en ville avec des gros flingues, pour violer les femmes et mettre en place une autorité sans pitié, l’absence de lois et le racisme. C’est presque comique: c’est un type qui a dit dans le premier débat que ne pas payer d’impôts pendant vingt ans était malin, et qui à la sortie du débat, a démenti l’avoir dit juste quelques minutes avant! C’est absurde. Mais si on ajoute le fait qu’il se vante d’agressions sexuelles, qu’il refuse de répudier un suprémaciste blanc, c’est dur de l’appréhender ainsi. Trump dégrade la politique à lui tout seul. Il a plongé toute notre démocratie dans le caniveau. Cette affaire requiert du sérieux. Un film d’horreur serait peut-être plus approprié qu’un film comique. D’ailleurs, le réalisateur de la Paramount s’engage, si Trump remportait la présidentielle le 8 novembre, à déménager en France dès le 9, à se faire embaucher par Le Figaro pour faire des analyses, et voir s’il était possible de tirer une fiction sur ce qui se passa aux États-Unis.
Bon. Il y aura bien les Trumpistas, ces 19% de latinas qui voteront pour lui. Vous me direz qu’être une femme et latina pourraient être deux raisons de ne pas soutenir le candidat républicain à la Maison-Blanche ? Mais ce serait oublier que les Trumpistas sont des républicaines passionnées qui considèrent que les latinos ont été manipulés par les démocrates pendant des années. Elles concèdent que les propos de Donald sur les femmes les dérangent, mais nuancent : Clinton est pire! Regardez Bill avec Lewinsky! Il y en eut d’autres pour le défendre, Donald, et une Miss USA en 2005 affirma sur Fox News que Donald fut son mentor personnel pour ses affaires, et qu’il avait toujours été respectueux.
LA THÉORIE DU COMPLOT
Sur le front Trump, on recourut évidemment à l’argument qui tue : la garde rapprochée de Donald défendit la théorie du complot et Rudy Giuliani n’hésita pas à affirmer sur CNN, dimanche 16 octobre, que les démocrates faisaient voter les morts, précisant même que les morts votaient généralement démocrate, pas républicain. Donc l’élection était truquée, mais ces grands seigneurs ne remettraient pas en cause le résultat du scrutin, qu’ils disaient. Avant le débat d’hier.
Pendant ce temps, Hillary révisait, des sessions étant prévues chaque jour avec ses conseillers depuis samedi. Son colistier, Tim Kaine, qui parlait parfaitement espagnol et travailla un temps au Honduras, tombait bien: il fallait bien ça face aux Trumpistas.
Sachez encore que les Late Shows américains firent leur miel de cette campagne présidentielle et que s’ils n’épargnèrent pas Hillary, Donald Trump fut de loin leur cible favorite, Alec Baldwin campant dans le Saturday Night Live de NBC un raciste misogyne prêt à tout pour l’emporter.
Alors ? Pour ce dernier débat, iraient-ils encore plus loin en matière d’attaques haineuses sur leur vie personnelle? C’est que beaucoup en redemandaient, se gaussant de ce que tout ça disait de l’état des lieux des mœurs politiques en usage. Il ne resterait alors plus qu’un dernier débat entre leurs colistiers, Mike Pence et Tim Kaine. Ce troisième débat fut, comme le premier, divisé en six séquences de 15 minutes, et le fact-checking en fut le troisième invité, les propos des deux comparses passant au crible en direct grâce à une armée de vérificateurs de faits ultra-réactifs, venus de PolitiFact, FactCheck et The Fact Checker du Washington Post. Pour info, une enquête, dès 2012, indiquait que les leaders politiques, sachant leurs propos passés au crible, prenaient moins de libertés avec la vérité, enfin presque tous, car notre Donald fut souventes fois pris en défaut, notamment lorsqu’il nia avoir affirmé que le changement climatique était un coup monté, une invention des Chinois. Mais Hillary aussi fut prise en faute.
Bon. Sérieusement parlant, tout dans la vision que les deux candidats à la présidentielle ont du monde les oppose : lui ne veut plus que son pays soit le gendarme du monde, elle souhaite que l’Amérique continue à jouer son rôle dans les affaires du monde, rétorquant au partisan du non-interventionnisme : Donald vous vivez dans un monde à part ! Mais lui ne veut plus perdre des milliards et des milliards de dollars : nous ne pouvons pas protéger les pays partout dans le monde quand ils ne nous paient pas ce qu’il faut. On croirait Harpagon. Son slogan, c’est America First. Alors il accusa hier la candidate démocrate d’être responsable du chaos au Moyen-Orient. Elle, par son penchant pour l’ingérence, se distinguait du président sortant et sa réputation de faucon n’était pas injustifiée. Cour suprême, armes à feu, avortement et immigration, ils en parlèrent quelques instants.
Il n’oublia pas d’évoquer sa promesse de construire un mur à la frontière avec le Mexique, martelant son message de fermeture des frontières contre l’immigration clandestine, et dénonçant le laxisme supposé des démocrates et de son adversaire.
On imagine qu’Hillary s’est préparée à répondre à la publication par WikiLeaks des milliers de messages piratés du compte Gmail de John Podesta, le président de son équipe de campagne, qui révéla du coup ses tergiversations et autres machinations politiques. Comment allait-elle s’en sortir et argumenter, et faire gober aux américains que pour réussir des négociations, il fallait avoir à la fois une position privée et une position publique. Ça ne se dit pas ces choses-là. Forcément. C’est que ça la fiche mal quand même.
WRONG, NASTY
Donc hier, à Las Vegas, ils se serrèrent pas la main, se donnèrent du elle, du cette personne, lui ponctua ses interventions à elle de wrong, fiction, dit d’elle qu’elle était méchante mais elle le qualifia de marionnette de Poutine. C’était leur dernière passe d’armes. Certes ils défendirent leurs positions sur la sécurité et l’immigration mais sortis de là, on eut droit à la déclaration de Trump insinuant qu’il n’accepterait pas le résultat des élections, et qu’il maintiendrait le suspense. A quoi elle répondit qu’elle le trouvait dangereux : Bernie Sanders a dit que vous étiez la personne la plus dangereuse à jamais avoir été candidate à la présidence dans l’histoire moderne de l’Amérique. Et je suis d’accord avec lui. Elle ajouta que l’attitude de l’homme d’affaires envers les femmes n’était pas sans rappeler celle qu’il avait à l’égard des minorités en général.
Et maintenant ? Ils sont nombreux, ceux qui pensent que Donald Trump est un déséquilibré absolument pas qualifié pour devenir président des Etats-Unis, ce qui ne veut pas dire que les Américains acceptent et apprécient Hillary : elle leur apparaît comme une manipulatrice qui s’efforce de perpétuer le lien délétère entre argent et politique. Mais elle avait révisé, elle arriva une nouvelle fois bien préparée au débat et, retraçant son parcours politique, elle le compara à celui de son adversaire : Le jour où j’étais dans la salle de crise de la Maison-Blanche en train de superviser le raid contre Oussama Bin Laden, il était en train de présenter The Celebrity Apprentice.
Coup de grâce ? Au final, aussi incroyable que cela puisse paraître, même le Texas est aujourd’hui susceptible de basculer dans le camp démocrate, grâce à l’influence croissante de la population latino, mais surtout à cause de Lui. Et si les démocrates remportent le Sénat, sans parler du Congrès, Hillary Clinton présidente serait en position de force. Nous l’aurons, notre femme Présidente, et si ça se trouve, nous ne serons même pas fières, mes amies.
Sarah Cattan
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