Sarah Cattan : les écoles islamistes et les mécènes de l’ombre

Il s’en passe, dans les prétoires. Et nous, français moyen, nous sommes peu, ou pas, ou mal informés. Certes le vol dont fut victime Kim Kardashian fit la Une des media et l’on sait qu’aujourd’hui, se tenait à Nanterre l’audience où Jean-Marie Le Pen demandait à réintégrer le Front National duquel il fut selon lui abusivement exclu, ce Tribunal de Nanterre donc où, la veille, se tenaient les procès de Mohamed Louizi[1] et Soufiane Zitouni, alors qu’au Québec Djemila Benhabib était elle aussi jugée: au banc des accusés, trois défenseurs de la laïcité attaqués par les amis des Frères Musulmans au nom d’une prétendue islamophobie. Et demain, si nous n’en parlons pas, d’autres seront jugés, puisque tel semble être le nouveau credo des intégristes : vouloir faire taire, par jugement, ceux qui, par leur mots, s’obstinent à faire rempart, ceux qui se mettent en danger pour notre Liberté, pour cette laïcité galvaudée, piétinée, assassinée définitivement demain, si nous n’y prenons garde.

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Nous sommes le 5 octobre 2016 : à l’issue d’une audience de près de dix heures, la relaxe fut requise, vers 3 heures du matin, pour l’ex-enseignant poursuivi pour diffamation parce qu’il avait reproché à son ancien établissement des dérives islamistes. La décision du tribunal correctionnel de Nanterre a été mise en délibéré, à l’issue de débats qui portèrent à la fois sur le fonctionnement de l’établissement confessionnel concerné et celui de l’UOIF dont le président, Amar Lasfar, se trouve être également à la tête de l’Association Averroès, laquelle chapeaute, le croirez-vous, le lycée du même nom.

Revenant sur les propos qui lui valurent un procès en diffamation, à savoir que le lycée Averroès était un territoire musulman dans lequel était diffusée de manière sournoise et pernicieuse une conception de l’islam qui n’était autre que l’islamisme, Soufiane Zitouni redit hier devant la Cour qu’il n’avait jamais vu une telle confusion entre religion et éducation nationale, expliquant à la barre qu’il y avait selon lui un réel projet politique de créer de plus en plus d’établissements estampillés UOIF qui tentaient d’imposer leur conception de l’islam et évoquant par ailleurs ces mécènes de l’ombre qui finançaient l’établissement.

Souvenez-vous : le 7 février 2015 un professeur de philosophie démissionnait avec fracas du lycée Averroès de Lille, ce lycée privé musulman sous contrat classé en 2013 par les médias comme le meilleur lycée de France. Le meilleur lycée de France, Soufiane Zitouni l’accusait de diffuser des idées islamistes et antisémites. C’était parti : le rectorat de Lille annonçait une mission d’inspection afin de vérifier le respect des termes du contrat d’association signé avec l’Etat et le lycée, avec un aplomb indicible, portait plainte pour diffamation car le professeur, dans la foulée, avait décidé de raconter publiquement le pourquoi de la chose, ce qu’il fit dans une Tribune publiée dans Libération et intitulée Pourquoi j’ai démissionné du lycée Averroès. Il y affirma avoir été poussé à la démission après la publication d’une première tribune consécutive aux attentats de janvier : Aujourd’hui le prophète est aussi Charlie.

Soufiane Zitouni, qui se réclame du soufisme, une école de pensée reconnue dans l’islam, affirmait n’avoir jamais entendu dans un lycée autant de propos antisémites émanant d’élèves et accusait les responsables du lycée de jouer un double jeu : d’un côté montrer patte blanche dans les médias pour bénéficier d’une bonne image dans l’opinion publique et ainsi continuer à profiter des gros avantages du contrat avec l’Etat, d’un autre côté diffuser de manière sournoise et pernicieuse une conception de l’islam qui n’est autre que l’islamisme, écrivit-il dans sa Tribune.

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Ici-même nous vous avons souventes fois parlé de ce double discours, et Mohamed Louizi, qui comparaissait hier pour avoir soutenu Soufiane Zitouni[2], le dénonça lui aussi avec constance, ce double discours, modéré devant les médias mais fondamentaliste dans la pratique, et la Présidente du Tribunal herself dut rappeler fermement à un Amar Lasfar un brin arrogant que la Maire de Lille, Martine Aubry, avait elle aussi soutenu l’idée du dit double discours.

On entendit peu parler du rapport d’inspection, mais ceux qui s’y intéressèrent apprirent que si le lycée respectait globalement les termes de son contrat avec l’Etat, il existait toutefois une confusion entre l’enseignement d’éthique musulmane et la philosophie. No comment : petits accommodements raisonnables s’il en est.

Condamné par la Cour d’Appel de Douai pour diffamation, Soufiane Zitouni forma un pourvoi en cassation et l’auteur de Confessions d’un fils de Marianne et de Mahomet n’eut de cesse de dénoncer le mariage entre l’islam et la politique. Tout avait commencé juste après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher, avec la Tribune Aujourd’hui, le prophète est aussi Charlie dont les mots dérangèrent et choquèrent au sein du lycée Averroès dont il démissionna dans la foulée : J’ai été perçu comme un apostat. Dans mon lycée, il y avait des professeurs membres de l’UOIF, proche des Frères musulmans, expliqua-t-il au Club de la Presse sur Europe 1, où il raconta sans équivoque l’islamisme, ce mélange malsain d’islam et de politique qui était la couleur du dit lycée, ajoutant à l’appui de son propos que des imams venaient faire leur prêche avec une écharpe aux couleurs de la Palestine et dénonçant un islam des femmes voilées, un islam antisémite : l’islam des Frères musulmans, qu’il qualifia d’islamisme. Il ne plia pas, Soufiane Zitouni, et quand Manuel Valls estima que le salafisme était en train de gagner la bataille idéologique et culturelle, il enfonça le clou, dénonçant l’islam des Frères musulmans qui se diffusait partout en France, notamment par le biais d’établissements musulmans, qualifiant le voile d’étendard de l’islamisme et pointant du doigt notre crainte d’être qualifiés d’islamophobes. Courageusement, il désigna le double discours d’Amar Lasfar : il dit qu’il est républicain et laïc devant les cameras mais hors caméras il dit : un jour, il y aura plein de filles voilées dans les écoles françaises. Sur Europe1, il était revenu sur ce qui l’avait poussé à démissionner : alors qu’il faisait face aux propos antisémites de ses élèves, il expliqua avoir commencé à comprendre qu’il y avait un problème du côté de l’enseignement de l’éthique islamique, évoquant par exemple ce prof, toujours le même qui, en salle des profs, se disait proche du Hamas ou cet imam qui débarquait à un prêche du vendredi avec un drapeau aux couleurs de la Palestine. Clairement, le Qatar finance cet établissement, pointa-t-il aussi, affirmant avoir vu des mécènes du Qatar lors de remise de diplômes et soulignant encore que le directeur de l’établissement était Président de l’UOIF. Ses élèves ? Il fit allusion à leurs réactions épidermiques à la théorie de l’évolution de Darwin, raconta les positions pro-Hamas de certains professeurs et aussi la prescription du port du voile comme obligation religieuse par un imam lors du prêche du vendredi. Il décrivit les désillusions qui furent les siennes : Tout d’abord, le thème récurrent et obsessionnel des Juifs : En plus de vingt années de carrière en milieu scolaire, je n’avais jamais entendu autant de propos antisémites de la bouche d’élèves dans un lycée ! Une élève de terminale Lettres osa me soutenir un jour que la race juive est une race maudite par Allah ! Il raconta comment, dans une classe de terminale ES, un élève au profil de leader, soutint un jour en arborant un large sourire de connivence avec un certain nombre de ses camarades que les Juifs dominaient tous les médias français et que la cabale contre l’islam en France était orchestrée par ce lobby juif très puissant : Et j’ai eu beau essayer de démonter rationnellement cette théorie du complot sulfureuse, rien n’y fit, c’était entendu : les Juifs étaient les ennemis des musulmans, un point c’est tout ! Cet antisémitisme quasi culturel de nombre d’élèves du lycée Averroès s’est même manifesté un jour que je commençais un cours sur le philosophe Spinoza : l’un d’entre eux m’a carrément demandé pourquoi j’avais précisé dans mon introduction que ce philosophe était juif ! En sous-entendant, vous l’aurez compris, que le signifiant juif lui-même lui posait problème.

Et puis il raconta les thèmes et les mots tabous : le mot sexe lui-même pouvait être tabou. Un jour, une élève, voilée, qui s’était proposée pour lire un texte de Freud, refusa de prononcer le mot sexe à chacune de ses occurrences dans l’extrait concerné, et c’est la même élève qui refusa lors d’un autre cours de s’asseoir à côté d’un garçon alors qu’il n’y avait pas d’autre place possible pour elle dans la salle où nous nous trouvions. Enfin, combien d’élèves du lycée n’entendit-il pas encenser, défendre, soutenir Dieudonné, avec toujours cette même rengaine, comme répétée par des perroquets bien dressés : pourquoi permettait-on à Charlie Hebdo d’insulter notre Prophète alors qu’on interdisait à Dieudonné de faire de l’humour sur les Juifs ? Il parla enfin de la salle des professeurs du lycée Averroès, où des collègues musulmans pratiquants faisaient leurs ablutions dans les toilettes communes, donc en lavant leurs pieds dans les lavabos communs, et où la prière pouvait être pratiquée à côté de la machine à café, et conclut qu’en réalité, le lycée Averroès était un territoire musulman sous contrat avec L’Etat.

Invité de Raphaël Enthoven dans Qui Vive sur Europe 1, Soufiane Zitouni revint sur le vrai sens du terme djihad, qu’il estimait perverti : le terme djihad signifie en réalité la lutte contre son propre ego, puisque prier Dieu, être dans cette méditation, c’est faire l’effort de tailler son ego, de purifier son ego. En réalité, le mot djihad en arabe signifie effort, et non pas guerre, martèle-t-il, le terme appelant même à faire un effort contre soi, pour devenir un être humain meilleur au sein de la société et non pas un fou furieux qui assassine des innocents.

Si le lycée portait le nom du philosophe musulman andalou du XIIe siècle et prétendait à ce titre symboliser la synthèse réussie entre Islam et République laïque, ce n’était, ajouta-t-il, qu’une façade, la réalité étant une laïcité flouée, un antisémitisme ambiant, à l’image de cette élève évoquant même la race juive maudite par Allah. S’il ne trouva dans l’établissement aucun ouvrage d’Averroès ou sur Averroès, il raconta qu’en revanche ceux des frères Ramadan étaient en bonne place. Pour avoir écrit que Le Prophète était aussi Charlie, il fut accusé de blasphème et une de ses élèves expliqua en substance que les gens de Charlie n’étaient pas si innocents et les frères Kouachi pas si fous. Propos qu’il rapporta à sa direction qui l’invita à mettre de l’eau dans son thé à la menthe.

Hier donc, Laurent Joffrin disserta sur la liberté d’expression et Mohamed Sifaoui rappela longuement le devoir de tout citoyen de donner l’alerte à une grande intrusion religieuse dans la vie scolaire. Mohamed Louizi comparaissait lui aussi et rappela que le frère musulman Amar Lasfar avait déjà porté plainte contre lui en 2015 dans le cadre de la stratégie islamiste, qualifiée par son ami Valentina Colombo de jihad des tribunaux. Qu’avait-il fait ? Il avait soutenu Soufiane Zitouni et fut en conséquence poursuivi pour diffamation publique. Lui aussi confirma dénoncer publiquement des individus bien identifiés, porteurs et diffuseurs de l’idéologie des Frères Musulmans en France, ainsi que leurs complices. Il répéta que la France ne devait pas se laisser amadouer par de redoutables islamistes aux intentions cachées et aux projets inavoués et utilisa à leur encontre le terme de cancer islamiste. Il dénonça encore le wahhabo-salafisme qatari et saoudien qui finançait largement le lycée Averroès, ajoutant que cette engeance avait même infiltré l’ONU.

Pour info, Djamila Benhabib, comparaissant au procès qui l’oppose aux Écoles musulmanes de Montréal, réaffirma qu’elle ne bougerait pas d’un iota sur la question de la critique du dogme musulman, l’islam n’étant pas au dessus de la démocratie, et annonça la mise sur pied de la fondation pour défendre les lanceurs d’alerte et la liberté d’expression, citant nommément Soufiane Zitouni et Mohamed Louizi. Ils sont là tous les trois, debout, à la barre, pour avoir alerté contre la propagande intégriste. Pour deux d’entre eux, le verdict final sera rendu le 6 décembre. Le procès de Djemila Benhabib est en cours, à Montréal. Restons attentifs, leur combat est le nôtre.

Sarah Cattan

[1] Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans, Mohamed Louizi, Editions Michalon, 2016.

[2] Confessions d’un fils de Marianne et de Mahomet, Soufiane Zitouni, Editions Les Echappés, 2016.

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1 Comment

  1. Pour les soutenir et emmerder ces serpents de salafistes (je sais ça n’est pas gentil pour les serpents), achetons les livres de Mohamed Louizi et Soufiane Zitouni.
    Entre parenthèse deux véritables berbères dont l’histoire ancestrale n’a rien à voir avec celle des arabes du Hedjaz, sinon celle de leur colonisation et identification forcée à Mahomet…

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