Histoire d’ici est un livre raconte les origines juives helvétiques de la famille dont le nom brille dans le monde de l’art.
L’intrigue qui se joue cette année-là se noue d’emblée sur la couverture du livre que la Vaudoise Gilberte Favre, journaliste et écrivain, vient de publier: que font côte à côte ces deux photos d’une maison de village argovienne et du Musée Guggenheim à New York? Elles résument de manière saisissante la Guggenheim Saga, de la Suisse à l’Amérique. Une histoire pour beaucoup méconnue des origines suisses des Guggenheim, célèbre et riche famille dont le nom rayonne dans le monde de l’art et figure à l’enseigne de plusieurs des grands musées du monde.
C’est à Lengnau qu’est né et a vécu Meyer Guggenheim avant de prendre le large pour les Etats-Unis. La localité du Surbtal argovien était alors l’un des deux seuls villages du pays, avec Endingen, où les juifs étaient autorisés à résider. Le père de Solomon, créateur de la Fondation Guggenheim et du célèbre musée de New York, est également le grand-père de la galeriste Peggy Guggenheim, qui a légué à Venise sa réputée collection d’art. Et dont l’une des filles, Pegeen, est née en 1927 au Beau-Rivage à Lausanne.
Plusieurs ouvrages ont bien sûr déjà paru sur la dynastie Guggenheim. Celui de Gilberte Favre a cela d’inédit qu’il est né de la curiosité de l’auteure pour ses racines helvétiques. Et pour l’audacieux parcours, raconté de manière très vivante, qui a permis aux descendants de Simon Guggenheim, pauvre tailleur juif de Lengnau, de faire fortune aux Etats-Unis en exportant la broderie de Saint-Gall, puis en investissant dans les mines à Philadelphie, avant de prospérer dans le monde de l’art.
Tailleur comme son père
Tout commence donc en 1836 à Lengnau. Le tailleur Simon Guggenheim a de la peine à nouer les deux bouts. Malade, son épouse Charlotte, mère de leurs six enfants (cinq filles et un fils, Meyer), meurt prématurément. La communauté juive doit le soutenir financièrement. A 6 ans, après l’école, le petit Meyer gagne quelques sous comme colporteur. A 16 ans, il commence un apprentissage de tailleur. Il n’a pas d’autre choix que d’embrasser le métier de son père. La plupart des professions étaient interdites aux juifs de Suisse, confinés dans les deux villages argoviens jusqu’à l’émancipation en 1866. Impossible pour eux d’acquérir et de cultiver des terres ou de faire des études pour devenir avocat ou médecin. Les Guggenheim, dont six à sept générations ont vécu à Lengnau jusqu’en 1850, ont sans doute côtoyé les Meijer d’Endingen, dont l’écrivain Charles Lewinsky a popularisé la trajectoire dans son célèbre roman Melnitz.
En 1847, Simon, sa future seconde épouse Rachel et leurs enfants respectifs décident de partir tenter leur chance en Amérique. A Philadelphie, père et fils démarrent avec ce qu’ils savent faire: du colportage. De fil en aiguille, ils développent leur commerce et se diversifient. Le succès est au rendez-vous.
Meyer, le petit colporteur de Lengnau, transmettra à ses onze enfants une fortune acquise principalement dans l’industrie minière, mais surtout un formidable goût d‘entreprendre. Sa nombreuse descendance s’illustre dans de multiples domaines aux Etats-Unis. Elle n’oublie cependant pas la Suisse. En 1902, Solomon et son frère Benjamin (ce dernier, père de Peggy, meurt en 1912 dans le naufrage du Titanic) font un don pour «construire un foyer pour personnes âgées, en mémoire de notre ancêtre Meyer Guggenheim, qui quitta le village de Lengnau en 1847».
Ainsi, l’acte de fondation de l’EMS juif de Lengnau, toujours en activité, porte la signature des Guggenheim, «magnats du cuivre». Aujourd’hui encore, des liens perdurent entre le petit village argovien et l’illustre postérité de ses modestes habitants d’alors.
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