Les journalistes qui ont passé la nuit de lundi à mardi sans dormir ont fait preuve d’une prudence de Sioux. Ils ont évité de dire ce qui pourtant semblait évident, à savoir que Hillary Clinton l’avait largement emporté dans son débat avec Donald Trump. C’est seulement quand la presse américaine du matin est parue que le verdict fut consensuel: Hillary avait remporté la première manche.
LE SUCCÈS de la candidate démocrate ne coulait pas de source. Il y avait un risque réel qu’elle fut emportée par la démagogie et la vulgarité de son adversaire. Elle lui a donné le coup de grâce quand elle a dit : « Oui, je me suis bien préparée pour ce débat comme je me suis préparée pour diriger le pays ». Il suffisait de regarder la mine consternée de Trump pour savoir qu’il avait perdu. Un sondage CNN réalisé et publié aussitôt après le débat accordait 62 % d’avis favorables à Mme Clinton contre 27 % à M. Trump. D’une certaine manière, l’issue de la rencontre entre les deux candidats n’est que justice. En août, Mme Clinton caracolait en tête de tous les sondages. En septembre, elle perdait presque toute son avance. L’épisode de sa pneumonie, assortie d’une très mauvaise communication, ne l’a pas aidée. Les attaques de M. Trump, de plus en plus virulentes, étaient accueillies avec une joie féroce dans l’électorat républicain. À la veille du débat, l’hypothèse d’une victoire de M. Trump n’était plus incongrue.
Un Trump incorrigible.
Mme Clinton pouvait quand même compter sur un allié de choix : Trump lui-même. Il est, en effet, incorrigible. Non seulement, il est ignorant, mais il refuse d’apprendre. Non seulement il ment, mais il continue à mentir contre toute évidence, y compris devant un public qui ne lui est pas nécessairement acquis. Comme quand il a répété que Barack Obama n’est pas né aux États-Unis, ce qui lui a valu une sèche remarque de l’animateur. Il a rempli sa besace de mensonges et de mauvais arguments et il continue à les distribuer alors qu’ils sont tous éventés. Il maintient sa candidature bien qu’il refuse de publier sa déclaration de revenus, ce qui est un must pour tout candidat. Il a vaguement essayé de se comporter avec un peu plus de dignité que d’habitude, mais le naturel a vite repris le dessus. En réalité, il n’a rien à dire au sujet du passé prestigieux de l’ancienne secrétaire d’État et ancienne sénatrice, sinon qu’elle a pris de l’âge plutôt que de l’expérience, alors qu’il est plus âgé qu’elle. Il prétend qu’elle est malade, folle, corrompue, il a même envisagé de faire venir au débat une ancienne maîtresse de Bill Clinton. Hillary a repoussé ses assauts sans se départir de son calme, sans jamais céder à la grossièreté, en démontrant sans relâche qu’il n’a pas et n’aura jamais la carrure d’un président.
La responsabilité de l’électorat.
Un débat ne fait pas une élection, mais le comportement à la fois positif et ferme de Mme Clinton constitue un avertissement à l’électorat. Il doit prendre ses responsabilités et, s’il met M. Trump au pouvoir, il doit savoir dès aujourd’hui qu’il en subira les conséquences. Depuis le début de cette campagne sans précédent, la question n’a jamais porté sur les idées ou les programmes (et on doit le regretter), elle concerne uniquement le problème que pose la candidature d’un homme imprévisible, capricieux, immoral, qui n’a pas la moindre expérience politique, n’a jamais été élu, ne connaît rien ni à la gestion d’un pays ni à l’évolution du monde. Le pire, peut-être, c’est que les électeurs, ayant, comme toujours, à choisir entre deux candidats imparfaits, ont plus souvent fait le procès de Mme Clinton que celui de M. Trump qui, pourtant, est le plus provocateur et le plus agressif des deux. Ah ! Qu’il est dur pour l’Amérique de faire le choix historique d’une femme après avoir fait le choix historique d’un Noir ! Mais rien n’est perdu. Le pays-continent est capable de ce deuxième tour de force.
Richard Liscia
“Qu’il est dur pour l’Amérique de faire le choix historique d’une femme après avoir fait le choix historique d’un Noir ! Mais rien n’est perdu. Le pays-continent est capable de ce deuxième tour de force.”
Et concrètement qu’est-ce que cela a changé pour les américains d’avoir un président noir, à part le réveil brutal de la question raciale sous son mandat ?…
On ne nous parle que des noirs tués par des policiers blancs. Mais quid des blancs (et des noirs!) tués par des policiers noirs ?
Vos affirmations, M. Liscia, me semblent si éloignées du dernier article d’Europe Israël que c’en est loufoque.
Comment expliquez-vous ces écarts de chiffres ?