Le 8 novembre 2016 les Etats-Unis se doteront d’un nouveau Président. 3 débats aideront les électeurs à mieux connaître les deux principaux opposants, Donald Trump et Hillary Clinton, les seuls ayant rempli la condition sine qua non pour débattre ici : réunir 15% d’intentions de vote dans les sondages. 3 débats, 3 dates : 26 septembre, 9 et 19 octobre.
Nous serons, nous français, tout près des Primaires de la droite, prévues en novembre 2016, et sommes d’emblée dans une période toujours fébrile pour qui s’intéresse à la politique ; je n’ai pas écrit passionnante, pourtant souvenez-vous: ce fut pourtant, jadis, le qualificatif adéquat.
Il est intéressant de regarder de près comment s’organisèrent, au cours de ce Superbowl politique de l’année, les échanges des deux candidats au coude-à-coude dans les sondages. Le débat se tint au sein de l’université Hofstra, près de New York : ils s’affrontèrent pendant 90 minutes, sans la moindre pause publicitaire, au cours d’un débat axé autour des trois grands thèmes définis auparavant par la commission chargée des débats présidentiels : le futur de l’Amérique, la prospérité et la sécurité.
SECRÉTAIRE CLINTON
Le modérateur, Lester Holt, présentateur du JT du soir sur la chaîne NBC, posa comme il était prévu deux grandes questions par thème, ouvrant des séquences de 15 minutes chacune, les candidats devant se soumettre à des règles strictes: deux minutes pour répondre à la première question, suivies d’un échange informel.
Hillary Clinton et Donald Trump jouaient gros dans cette confrontation, la candidate démocrate, remise de sa pneumonie, devant faire oublier le scandale autour de son état de santé et séduire un électorat doutant de son honnêteté, Donald Trump ayant intérêt à faire oublier son impulsivité et les multiples polémiques déclenchées à coups de sorties fracassantes ; bref, si l’ancienne sénatrice et First Lady devait mettre en exergue son expérience, le républicain devait, lui, prouver qu’il avait bien l’étoffe d’un Président. Faire oublier, par exemple, qu’il menaça la veille encore de convier au débat une ancienne maîtresse de Bill Clinton.
Une poignée de main amicale lança une heure et demie d’échanges musclés et tendus. Elle l’appelle Donald, il lui donne du Secrétaire Clinton, en référence au poste de Secrétaire d’Etat qu’elle tint pendant le premier mandat Obama.
En guise d’attaque, Trump, interrogé sur l’avenir du pays et l’économie, attaqua Hillary sur son inaction concernant l’emploi : Vous faites ça depuis trente ans. Pourquoi ne pensez-vous aux solutions que maintenant ?, lança-t-il, promettant de rapatrier des emplois aux Etats-Unis.
Lorsque le magnat de l’immobilier rappela qu’Hillary Clinton avait utilisé sa messagerie privée alors qu’elle dirigeait la diplomatie américaine, l’ancienne secrétaire d’Etat répliqua en s’attardant sur le refus obstiné du républicain de publier sa déclaration d’impôt, le soupçonnant de vouloir cacher quelque chose de grave : Je publierai mon avis d’imposition lorsqu’elle publiera ses e-mails, se vit-elle répondre.
THE DONALD
Voilà le débat arrivé à la sécurité, et lorsque le thème de la cybersécurité fut abordé, ce sont les capacités incroyables de son fils de 10 ans sur internet que Trump mit en avant.
Alors que le très narcissique magnat affirma avoir le tempérament d’un gagnant, et n’hésita pas à traiter sa rivale de femme totalement hors de contrôle, cette dernière assura avoir en effet beaucoup travaillé pour être Présidente : Je crois que Donald me critique pour avoir préparé ce débat. Oui je l’ai fait. Et vous savez ce que j’ai préparé d’autre ? Je me suis préparée à devenir présidente. Et je pense que c’est une bonne chose.
Terrain de jeu favori d’Hillary Clinton, grâce à son expérience comme secrétaire d’Etat d’Obama, la politique étrangère fut hier celui sur lequel Donald Trump commit le plus d’imprécisions. Lester Holt lança le sujet en dernière période du débat, alors que Trump parlait de plus en plus vite et fort. Le voilà qui attaque son adversaire sur la question de la lutte contre l’Etat islamique et l’accuse d’avoir permis l’essor du groupe terroriste en lui laissant le contrôle du pétrole, alors qu’il n’était qu’à l’état embryonnaire. Mal lui en prit, car Hillary Clinton n’était déjà plus secrétaire d’Etat lors de l’autoproclamation du califat de Daesh à l’été 2014. J’espère que les fact-checkeurs sont en train de monter le volume et de travailler dur, assène-t-elle : Donald a soutenu l’invasion en Irak. Le milliardaire républicain finit par sortir de ses gonds quand fut évoquée sa position sur la guerre en Irak, qu’il soutint au début, mais nie aujourd’hui. L’affirmation fut validée par le site de fact-checking américain Politifact : oui, Trump avait bien soutenu la guerre avant son début : PolitiFact ✔ @PolitiFact
Donald Trump says « wrong » when Hillary Clinton says he supported the Iraq War. But he did so publicly, http://bit.ly/2c4FQj8
Enfin, quand Donald attaqua son supposé manque d’endurance pour être Présidente, en référence à ses récents soucis de santé, Secrétaire Clinton railla le peu d’expérience de son adversaire : Quand il aura voyagé dans 112 pays et négocié un traité de paix, un cessez-le-feu, une libération de dissident (…), là il pourra me parler d’endurance.
En résumé, quand l’un, se posant en candidat anti-establishement, prétendit incarner le renouveau, l’autre vanta son expérience. Elle dénonça le sexisme de son rival, évoqua ses liens avec la Russie et déplora son climato scepticisme. Donald Trump, attaqué sur son patrimoine, joua même à faire la publicité pour son nouvel hôtel, ouvert à quelques encablures de la Maison Blanche, montrant là, affirma-t-il, son tempérament de vainqueur, et développant ses thèmes de prédilection : le déclassement de l’Amérique et la nécessité d’un retour au protectionnisme économique face à des pays comme le Mexique ou la Chine. Donald, vous vivez dans un monde à part, l’apostropha l’ancienne Première dame, reprochant à son rival d’être prêt à dire des choses folles pour être élu, alors que lui, très critique de l’administration Obama, la décrivit comme une politicienne typique: des discours, pas d’action.
A en croire un sondage réalisé par CNN, 62% des téléspectateurs pensent ce matin que la démocrate a remporté ce débat qui est déjà le plus commenté de l’histoire sur Twitter, le record de 10,3 millions de tweets, établi en 2012 lors d’un débat entre Barack Obama et Mitt Romney ayant été battu, et de nombreux commentateurs estimèrent que nous avions moins assisté à une performance parfaite d’Hillary Clinton qu’à une performance aussi imparfaite que possible de son opposant.
SPARTACUS
Rappelons la Tribune que publia Kirk Douglas, alors qu’il fêtera ses 100 ans le 9 décembre : il aimerait souffler ses bougies en paix sans un président élu qui veut choisir ses immigrants et appliquer des certificats idéologiques. Celui qui campait Spartacus devant la caméra de Kubrick se remémore dans cette lettre les valeurs que les Etats-Unis défendaient au moment des grandes vagues d’immigration, mais aussi l’attitude générale envers Hitler en 1933. Il évoque ses parents, émigrants en provenance de Russie, qui faisaient partie d’une vague de plus de deux millions de Juifs fuyant les pogroms meurtriers du tsar au début du 20 ème siècle : Ils cherchaient une vie meilleure pour leur famille dans un pays magique où, croyaient- ils, les rues étaient littéralement pavées d’or.
Se félicitant que son pays ait porté un afro-américain à la présidence, il dénonce dans cette lettre ouverte les propos glaçants prononcés par Donald Trump : Ces propos nous rappelaient 1933. Ce ne sont pas les valeurs américaines pour lesquelles nous nous sommes battus. Je voudrais célébrer mon anniversaire en sifflant : Happy Days Are Here Again.
Sarah Cattan
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