Chaque fois qu’il a l’occasion de s’exprimer (comme hier matin sur France Info), Alain Juppé refuse de faire la moindre concession idéologique à ses concurrents. Il veut rester lui-même, tracer sa route, ne pas céder à la surenchère, pourtant rarement évitable dans une compétition du genre de la primaire.
IL L’A REDIT ce matin là : il ne ne changera pas de cap sur l’immigration, il continuera à faire de l’ »identité heureuse » son objectif, et il rappelle que deux-tiers des musulmans de France sont respectueux des lois et des moeurs républicaines. Il s’en prend, sans les nommer, à Nicolas Sarkozy et à Bruno Le Maire qui lui reprochent de vouloir passer des « accommodements raisonnables » avec l’islam politique, ce qu’il dément. « J’ai utilisé ce mot sans le faire mien », a-t-il assuré, en affirmant qu’il avait emprunté l’expression au vocabulaire québécois. Dans un contexte marqué par le terrorisme, il faut du courage à un candidat pour résister à la tentation de rassurer les Français avec la promesse de sévir.
La modération n’est pas la passivité.
Cette forte adhésion à son éthique personnelle ne sera condamnée que par les cyniques : ils y verront une faiblesse qui risque de faire perdre à M. Juppé le match national auquel il se livre. Il se dit sans doute que, s’il se présentait sous un jour qui n’est pas le sien et s’il tenait aujourd’hui des propos démagogiques qu’il désavouerait une fois qu’il serait chargé de diriger le pays, ce serait une bien mauvaise façon de commencer son mandat présidentiel. Il n’y a pas chez M. Juppé un charisme éblouissant. Quand on se situe dans la mesure, on évite les trémolos, les discours agressifs ou à l’emporte-pièce, les promesses intenables. Nous n’avons pas tous besoin d’être transportés par ses propos et nous souhaiterions qu’il existe un électorat large qui comprenne que la modération n’est pas la passivité. Malheureusement, le contexte n’est pas favorable aux candidats modérés. La crise de l’emploi, le terrorisme, le sentiment du public d’avoir été successivement trahi par la droite puis par la gauche, font que les électeurs demandent, exigent, qu’on leur propose des mesures sévères, inédites, irréversibles qui portent le fer sur les plaies françaises. De ce point de vue, M. Sarkozy apparaît, davantage que M. Juppé, comme l’homme de la situation. Mais il ne faut pas tomber non plus dans une facile psychologie de masse. M. Juppé reste, globalement, l’homme le plus populaire de France, de sorte qu’il dispose de l’atout numéro un pour l’emporter. Il est le seul, parmi tous les candidats de tous les partis, mouvements et groupuscules, qui se présente comme le fameux « candidat naturel » que la gauche cherche désespérément depuis que les frondeurs et autres opposants ont privé François Hollande de ce titre.
Cinq points d’écart à droite.
Tout cela est d’autant plus intéressant que M. Juppé a été un Premier ministre de combat qui, en 1995, a lancé des réformes en profondeur. Elles ont permis un redressement des comptes mais lui ont valu aussi des grèves mémorables. Il en aurait tiré la conclusion qu’on ne peut pas réformer tambour battant et son intention, s’il est élu, serait de procéder avec un minimum de doigté. À voir l’état de la France, on peut s’inquiéter d’un projet qui risque de tomber dans les abysses d’une négociation permanente. Mais on a vu aussi, avec la loi Travail, comment la réforme la moins ambitieuse peut être accueillie par les canonnades politiques et syndicales. Pourquoi, dès lors, ne pas faire confiance à M. Juppé ? Dans un sondage Odoxa publié aujourd’hui, l’ancien Premier ministre gagne quatre points de popularité à 39 %, en tête de tous les hommes et femmes politiques, alors que M. Sarkozy est à 23 %. Certes, dans l’électorat de droite, sa cote est de 69 % contre 64 % pour l’ancien président, et, bien sûr, c’est là que le bât blesse, car la primaire joue le rôle du filtre : ce sont les militants et sympathisants des Républicains qui choisiront le candidat à l’élection présidentielle et M. Sarkozy, en les caressant dans le sens du poil, pourrait les circonvenir et inverser le rapport de forces.
Richard Liscia
http://blog.richardliscia.lequotidiendumedecin.fr/2016/09/20/les-chances-de-juppe/
Si les deux tiers des musulmans de France sont respectueux des lois et des moeurs républicaines, il en reste un tiers qui ne le sont pas et qui représentent beaucoup, beaucoup de monde et ce sont pour la plupart des Français. Merci Giscard et le regroupement familial, merci les politiques de l’immigration débridée des dernières décennies …