Tribune Juive

Sarkozy : le vent en poupe, par Richard Liscia

On peut aimer ou détester Nicolas Sarkozy, on ne peut pas ignorer la dynamique de sa campagne, sa remontée dans les sondages, le resserrement de l’écart avec Alain Juppé, et sa capacité à avoir réponse à tout dans les émissions télévisées, comme en a témoigné hier sa prestation sur France 2 face à David Pujadas et Léa Salamé.nicolas_sarkozy

L’ANCIEN PRÉSIDENT a durci le tom depuis plusieurs semaines, en critiquant sévèrement la politique d’immigration du gouvernement (il s’est rendu aujourd’hui à Calais), en proposant de renforcer les mesures de sécurité et d’adapter l’État de droit aux situations d’urgence, en niant le rôle de l’homme dans le réchauffement climatique. Il n’est ni dans la modération ni dans la bonne mesure. Il continue à solliciter, par des effets d’annonce qui traduisent un programme plus sévère pour les immigrés et les chômeurs, l’électorat du Front national. Il attire sur sa personne les feux des projecteurs, ce qui laisse dans l’ombre son concurrent principal, Alain Juppé. Les sondages montrent que, même en tenant compte de la marge d’erreur, la primaire de la droite opposera au second tour M. Sarkozy à M. Juppé. Celui-ci a encore l’avantage au second tour (52-48), mais on est désormais dans un rapport de forces qu’il est relativement facile d’inverser, surtout si M. Sarkozy continue d’impressionner les foules, par son assurance, sa manière de tourner en dérision juges et journalistes, et les certitudes qu’il assène avec assez de vigueur pour que ses pires opposants abandonnent la discussion.

Les deux derniers cavaliers.

Cette évolution dans une course présidentielle où l’on compte un si grand nombre de candidats est surprenante. Les quatre-cinquièmes de l’électorat, si l’on en croit les enquêtes d’opinion, ne veulent ni de François Hollande ni de M. Sarkozy. Tout se passe pourtant comme s’ils devaient être les deux derniers cavaliers du tournoi. Comme s’il y avait dans les deux camps des sas qui dirigeaient les deux présidents, l’actuel et l’ancien, vers le second tour de leur primaire. Le chef de l’État est d’ailleurs convaincu que la pléthore de candidats de la gauche finira par le qualifier, parce qu’une sorte de force d’inertie et la crainte d’un mésaventure renverraient l’électorat de gauche vers le candidat qui réserve le moins de surprises. M. Hollande souhaite exactement ce que les Français redoutent : un nouveau match avec M. Sarkozy, qu’il a déjà battu et auquel il peut opposer une forme de modération, qui pourrait paraïtre salutaire dans une période aussi tourmentée.

Une campagne ébouriffante.

M. Sarkozy, de son côté, ne songe qu’à sa revanche sur M. Hollande. Comme il se situe dans la surenchère dans à peu près tous les domaines, immigration, sécurité (détention de tous les fichés « S »), climatique, sociale, le calme et la sagesse d’Alain Juppé n’exercent pas sur l’électorat la fascination d’une campagne rythmée, scandée, ébouriffante. C’est la même injustice dans deux sociétés pourtant bien différentes, l’américaine, où Mme Clinton perd du terrain face à M. Trump, et la française, où M. Juppé et ses paroles courtoises et sincères ne résistent guère au torrent verbal de M. Sarkozy, à son ubiquité, à son énergie. Il ne suffit pas d’avoir raison, il faut le dire avec force. Il faut galvaniser.
Pour les électeurs et quel que soit leur choix définitif, il semblerait bizarre que se produise ce dont ils ne veulent pas, cet affrontement entre M. Hollande et M. Sarkozy. Si l’hypothèse d’une élection présidentielle qui remettrait en présence la bande des trois (Hollande, Sarkozy, Marine Le Pen) est crédible, c’est parce que les autres candidats de la droite et de la gauche ne sont pas plus enthousiasmants que ceux dont ils souhaitent prendre la succession.

RICHARD LISCIA

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