Tribune Juive

Sarah Cattan : 15 ans après le 11 septembre, la France, Israël et l’Etat de droit

Alain Marsaud, vous le connaissez ? Ce député dans la dixième circonscription des Français établis hors de France fut notamment chef du service central de lutte antiterroriste au parquet de Paris dans les années 1980. Il est un des soutiens de Nicolas Sarkozy pour la Primaire des Républicains de 2016.

A part ça, fin juillet, il faisait partie des rares qui prônaient un changement de la Constitution pour lutter efficacement contre le terrorisme. Vous savez, ce débat d’importance auquel on n’accorda pas sa place, préoccupés que nous étions de savoir si le burkini était un choix à respecter ou un étendard islamiste. Alors, la question de savoir s’il fallait lutter contre le terrorisme dans le cadre de l’Etat de droit ou sortir de cet Etat de droit pour des raisons d’efficacité, eh bien nous la reportâmes à plus tard, alors qu’elle était la clé de voute de ce débat au spectre si varié. Il nous en fallut du temps pour admettre que pour être efficace notamment en terme de rétention administrative de longue durée, il fallait certes changer la loi mais précédemment modifier la constitution afin qu’elle permette, par exemple, la rétention administrative des individus considérés comme dangereux, qu’ils soient ou non fichés : Certains politiciens en mal d’imagination et sans doute usés par les offensives hebdomadaires de l’Etat Islamique nous mettent en garde contre les risques de divisions intracommunautaires que chercherait à mettre en œuvre celui-ci. On nous dit « surtout ne bougez pas, ne faites aucune proposition de nature à choquer, cela diviserait les Français », ironisa Alain Marsaud, ajoutant que l’Etat Islamique avait au moins un avantage : il écrit ce qu’il fait et il fait ce qu’il écrit. Il se fiche totalement de diviser la communauté française entre pro et anti « je ne sais quoi ». Il a un seul but, celui de l’islam politique, prendre le pouvoir politique et religieux et installer à la place de notre société honnie la charia de l’Etat islamique.

GROUPES D’AUTO-DEFENSE

Lorsque notre Ministre de l’Intérieur expliqua en substance que le risque zéro n’existait pas, le député LR lui répondit sur iTélé, en juillet, qu’en conséquence les citoyens devaient prendre le relais d’un État inefficace et assurer eux-mêmes leur défense : Les belles âmes vont être scandalisées mais je crois qu’en ce moment vous avez un certain nombre de concitoyens qui estiment que l’Etat ne remplit pas sa mission, n’est pas capable de les protéger. Ils doivent le faire eux-mêmes. Soit individuellement, soit par groupe. Moi, j’ai prôné depuis plus d’un an ce que j’appelle la mobilisation citoyenne à savoir faire en sorte que les citoyens prennent eux-mêmes en charge leur propre sécurité.

Et il se prononça dans la foulée pour la création de groupes d’auto-défense armés, chargés de patrouiller dans les rues, une milice citoyenne, rejoignant discrètement la proposition du maire de Béziers Robert Ménard, qui tenta sans succès de créer dans sa ville une garde de volontaires chargés d’assurer la protection de la population. Le dépassant même, car les patrouilleurs envisagés par Alain Marsaud devraient être armés pour ne pas laisser le monopole des armes aux assassins: Ces groupes devront peut-être patrouiller. On ne peut pas laisser seulement les violents, les assassins porter des armes. Je suis, à titre personnel, favorable à ce qu’on puisse dans certaines conditions, armer un certain nombre de personnes.

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Alain Marsaud

Alain Marsaud est donc favorable à un assouplissement des règles sur le port d’armes et l’élu révèle que lui, il possède et porte une arme, pour se défendre en cas d’agression : A titre personnel, moi je me défends, je porte une arme. J’ai prévenu le préfet de police.

Pour info, le 6 janvier 2016, le membre du Conseil constitutionnel Michel Charasse avait expliqué au magazine Charles porter une arme depuis plus de 20 ans. Rappelons encore que dans une interview à Valeurs actuelles, Trump avait estimé que si le port d’armes avait été autorisé en France, les terroristes du Bataclan auraient été tués : Vous pensez vraiment que, s’il y avait eu dans l’assistance quelques personnes armées et entraînées, cela se serait passé de la même façon? Je ne le crois pas. Ils auraient tué les terroristes.

Je n’ai pas de sympathie particulière pour Alain Marsaud, ancien juge anti-terroriste, depuis qu’il déclara à l’Assemblée, le 27 mai 2014, que le voyage en Syrie de la famille Merah avait été financé par les aides socialistes : Grâce aux APL et aux alloc familiales, les gens partent faire la guerre en Syrie. Ni depuis qu’il décida de ne pas voter en l’état la loi renseignement, pointant un risque de police politique et déclarant à 20 minutes le 17 avril 2015: On nous l’a vendue comme étant un remède miracle dans la lutte contre le terrorisme. Mais il faut bien savoir que cette loi n’est pas une loi antiterroriste. Pour le député LR, cette loi ne garantissait pas assez de contrôle et la capacité d’intrusion de ce texte était énorme. Inquiet de la concentration des leviers entre les mains du premier ministre, le député de la Haute-Vienne avait relevé que la loi allait perdurer et tomber entre d’autres mains : Cette loi peut permettre une police politique comme nous n’en avons jamais vu. N’importe quel pouvoir pourra faire ce qu’il veut, mit-il en garde en avril 2015.

ILS ONT PRIS LE POUVOIR ET ILS GÈRENT TOUT

20 mois plus tard, le député nous répète en boucle que la ville de Trappes est gouvernée par des islamistes radicaux, des djihadistes : Vous avez une ville, Trappes, qui est gouvernée par des islamistes, par des djihadistes, par des frères musulmans, par des salafistes. Ils ont pris le pouvoir et ils gèrent tout : les écoles, la santé, les centres sociaux, dénonça sur le plateau de LCI celui qui avait répondu à Atlantico, déjà en janvier 2016, que la France, qui avait une grande expérience en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme, devrait cependant s’inspirer d’autres pays pour lutter de manière encore plus efficace : En Israël et aux Etats-Unis, d’autres mesures ont fait leurs preuves dont il faudrait probablement prendre note. Il ajouta que l’actuel gouvernement devait imaginer et appliquer un plan de lutte pertinent face au terrorisme d’aujourd’hui et tel qu’il s’annonce pour demain, anticipe les dangers ; être préventif et non réactif. Mais cela, notre gouvernement en paraît incapable. Il fait des cérémonies, il pleure des morts, il promet, il fait de la com’ – tout cela fort bien. Rien au-delà. Rien qui permette de comprendre et de réagir plus vite, d’anticiper, de frapper juste et à temps.

Il ne craignit pas d’ajouter que ce qui manquait à la France était un service de renseignement intérieur simple, efficace, réagissant vite et à propos, capable de pressentir l’ennemi de demain.

UN TERRORISME DE MASSE

Il revint sur les affaires de l’OAS en Algérie et sur le terrorisme d’inspiration nationale de type Action Directe, convenant que la France avait été un précurseur dans le domaine des décisions législatives en matière de lutte contre le terrorisme : Pour cela la France avait des outils tels que la cour de sureté de l’Etat, qui était une juridiction d’exception à laquelle on a reproché d’avoir pris des décisions un peu expéditives et sans doute pas assez protectrices des « droits des personnes » et déplora qu’en conséquence les socialistes, en 1981, aient mis à plat tout le système, laissant le pays sans défense avec uniquement une législation de droit commun : C’est à dire que l’on avait pour lutter contre le terrorisme la même législation que pour lutter contre le banditisme. C’est pour cela que, face à la nouvelle vague terroriste que nous avons connue dans les années 80, on a créé le service central de lutte antiterroriste. On a été un des premiers pays purement démocratique avec l’Espagne à centraliser notre système judiciaire. Ça a été une grande avancée, qui a permis au bout de quelques années, de venir à bout de la plupart des organisations ou des réseaux terroristes agissant en France. Tout cela a été efficace car nous étions en présence d’organisation a peu près structurées et en présence de terrorisme d’Etat, que l’on pouvait régler de manière diplomatique. Là, nous nous trouvons en présence d’un phénomène de terrorisme que l’on peut considérer comme un terrorisme de masse, à l’égard duquel on ne sait pas réagir. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui on piétine.

C’est assez stupéfiant. Alors même que, si l’on en croit la vérité judiciaire, nos camarades terroristes sont plutôt situés entre Drancy, Molenbeek et Saint-Denis. On a décidé de transposer le sujet. « On m’attaque entre Molenbeek et Saint-Denis, et je m’en vais faire la guerre à Raqqa avec mes avions, ironisa-t-il.

A la question d’Atlantico de savoir ce qu’Israël pouvait apprendre à la France, le député LR répondit qu’une forme d’état d’urgence existait en Israel depuis le mandat britannique sur la Palestine instauré en 1920, l’Etat juif ayant été dès sa création en 1948 immédiatement confronté à l’invasion armée de plusieurs Etats arabes, ainsi qu’à l’hostilité de groupes rebelles palestiniens à l’intérieur même de son territoire national : du coup, cet état d’urgence n’a jamais été annulé – la Knesset le renouvelle au contraire très régulièrement – d’autant moins qu’un état de guerre tour à tour ouvert ou larvé n’a jamais vraiment cessé.

DEUX DÉMOCRATIES EN GUERRE

Mais il approuva qu’en Israël, a contrario de la situation française actuelle, il n’y ait pas d’entrave aux rassemblements publics ni de protection militaire permanente au sein du pays : c’est la police qui intervient le cas échéant, même si certains de ses corps (ex : la police des frontières) sont équipés comme des soldats. Dans tous les cas, la justice ordinaire d’une part, la Cour suprême d’autre part et surtout, demeurent très présentes dans les initiatives ou processus sécuritaires d’Israël. C’est si vrai qu’à plusieurs reprises, saisie par de simples citoyens israéliens ou palestiniens, cette haute juridiction – très respectée dans le pays – a prononcé des avis sévères à l’encontre de gouvernements ou de corps de troupe qui avaient fait un « usage disproportionné » de la force au regard des nécessités de sécurité ! Je dirais qu’en dépit de contextes et d’expériences fort différents, la France et Israël sont aujourd’hui deux démocraties en guerre, en l’occurrence contre le terrorisme islamiste radical.

Alain Marsaud n’hésita pas à ajouter qu’Israël, pays qui s’était déclaré en Guerre depuis longtemps, avait pris des mesures totalement coercitives, décidant de commettre des actions homicides face à une opinion publique israélienne qui s’en porte très bien : Lorsque les Israéliens s’en vont commettre des attaques homicides à l’extérieur du territoire, même l’opposition applaudit. Est-ce que la France a véritablement les moyens aujourd’hui de faire cela, je ne pense pas. Est ce qu’elle en a la volonté ? Et de conclure que oui, on devrait passer par les méthodes israéliennes : J’ai moi-même proposé lors d’un débat que nous mettions en place, comme Israël, des opérations homicides, pour tuer les types les plus dangereux partis en Syrie ou en Irak.

LES DRONES D’ATTAQUE

Il ajoute avoir posé la question à Monsieur Le Drian de savoir s’il existait aujourd’hui une doctrine d’emploi de nos drones pour liquider les terroristes que l’on surveillait en Irak ou en Syrie, il lui fut répondu par la négative : non, aujourd’hui nous sommes en train de réfléchir mais il n’existe aucune doctrine d’emploi des drones d’attaques car jusqu’ici nous avons refusé de transformer nos drones de surveillance en drones d’attaque. Le député LR poursuit : Israël a des drones d’attaque comme les américains. Alors est ce qu’on ne le fait pas parce que l’on n’a pas les moyens matériels ? Ou parce que notre doctrine ne le permet pas. Cela fait partie du secret défense. Les drones d’attaque sont une des mesures que l’on devrait utiliser, comme Israël ou les Etats Unis, et conclut qu’il manque à la France le courage homicide : Le Président de la République n’a pas les moyens constitutionnels de donner la mort.

Affirmant comprendre le souci de certains défenseurs des libertés publiques en France, il répéta qu’il fallait en France que l’on en vienne à un vrai état de justice, précisant qu’avec un Patriot Act, on n’aurait pas les ennuis que l’on a aujourd’hui, mais reconnaissant qu’il y avait aux Etats-Unis un soutien de l’opinion publique que la France était loin d’avoir avant les attentats de 2015.

Eric Zemmour. Nicolas Baverez. Alain Marsaud. Ils posent les questions infiniment complexes qu’il convient que nous nous posions tous en cette rentrée 2016.

 

Sarah  Cattan

 

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