A l’occasion de la parution du dernier numéro de Causeur, Elisabeth Lévy a accordé un entretien fleuve à FigaroVox. Le burkini est l’un des symboles de la guerre culturelle que l’islamisme mène à la France.
Elisabeth Lévy est journaliste et directrice de la rédaction de Causeur. Dans son numéro de septembre «La guerre culturelle est déclarée: No Pasaran!», le magazine revient sur le burkini avec entre autres la participation de Jean-Pierre Chevènement et de Marcel Gauchet.
FIGAROVOX. – Vous consacrez la une du nouveau numéro de Causeur au Burkini. Vous allez encore énerver ceux qui pensent qu’on en a trop fait avec cette affaire …
Elisabeth LEVY. – Cet argument laisse rêveur. Ainsi, on n’aurait pas le droit d’interdire le burkini, mais il faudrait interdire d’en parler ? On aimerait comprendre en quoi la promotion d’un costume de bain islamique, jusque-là inconnu sous nos cieux, serait un sujet moins digne de débat que la hiérarchie des normes dans la loi travail, dont nous avons soupé pendant des semaines. Au passage, les mêmes qui trouvent parfaitement légitime de légiférer sur la sexualité (en interdisant la prostitution) voient une scandaleuse atteinte à la liberté quand on le fait avec un vêtement. Or, un vêtement, c’est bien moins intime, c’est une façon de s’adresser aux autres dans l’espace public alors qu’à mon avis, la sexualité entre adultes consentants, même tarifée, relève strictement de la liberté individuelle. Je constate aussi que les grands démocrates qui s’émerveillaient des logorrhées autarciques de Nuit debout, voient d’un fort mauvais œil que l’on débatte d’une question qui intéresse sacrément une majorité de Français, et pas seulement les méchants de-droite: il ne s’agit évidemment pas du seul burkini mais de la progression d’un islam radical et séparatiste, dont le burkini est la dernière fanfreluche. Même quand il ne nourrit pas ou n’encourage pas le terrorisme, cet islam s’impose par la force et l’intimidation dans les territoires où il est majoritaire, d’abord aux musulmans et surtout aux musulmanes, puis aux non-musulmans qui finissent par partir car ils «ne se sentent plus chez eux».
Tout cela, les Français veulent qu’on en parle et ils veulent surtout qu’on arrête de céder du terrain. Les perroquets de la gauche compassionnelle médiatique et politique peuvent répéter à l’envi que les vrais coupables du terrorisme, c’est nous, et intenter des procès en sorcellerie, plus personne ne les écoute.
Vous avez titré: «No pasaran!». Ce recours à la rhétorique antifasciste n’est-il pas paradoxal pour quelqu’un qui a toujours combattu «l’antifascisme d’opérette»?
Tout d’abord, il ne vous a pas échappé que l’image (qui vient d’une publicité pour le produit), confère un zeste d’humour à ce titre, mais un zeste seulement parce que l’affaire est sérieuse et même préoccupante si on ose cette litote. Voilà des années qu’on traite de fachos tous ceux qui pointent le danger et que nos grandes consciences jouent à la Résistance sur les plateaux de télé. Mais si quelque chose se rapproche du fascisme aujourd’hui, c’est cet islam qui déteste notre mode de vie et veut empêcher les musulmans de l’adopter. Tabasser quelqu’un qui mange durant Ramadan, obliger sa sœur ou sa copine à s’habiller de telle ou telle façon, préférer laisser une femme mourir plutôt que de la voir examinée par un homme, tenter de s’accaparer l’espace public, ce sont des comportements de petits nervis. Et si on a le droit de parler de fascisme pour l’Etat islamique, on a le droit de dire «fasciste» pour ceux qui ne font qu’admirer sa cruauté ou sa barbarie. Et tant pis pour la précision historique. Cependant, si nous avons repris maintenant ce cri des Républicains espagnols, c’est aussi à cause du moment. Beaucoup de Français sont au bord de la crise de nerfs et disent: arrêtons de laisser l’intégrisme créer une contre-société, une sécession hostile, à l’intérieur de la société française, défendons notre façon de vivre ensemble, avec des femmes qui peuvent se montrer sans se donner. Et c’est sans doute notre dernière chance d’inverser la tendance, avant que se créent durablement des territoires islamisés dans notre pays.
Tout de même, votre défense de l’interdiction du burkini est étonnante pour quelqu’un qui aime proclamer sa «fibre libérale» ? Le libéralisme a-t-il été dévoyé en relativisme ces dernières années ?
Comment vous dire, quand le Washington Post, le New York Times, toute la presse convenable de la Terre, le Haut commissariat aux droits de l’homme de l’ONU (qui s’est permis d’engueuler la France dans un tweet comminatoire) et le Conseil d’État parlent en chœur de liberté, j’ai une furieuse envie d’interdire. Blague à part, ma fibre libérale saigne deux fois, une fois pour le burkini, une fois pour son interdiction. Mais il faut croire qu’elle saigne plus pour le burkini lui-même, qui est une atteinte à la liberté des femmes, donc à la France qui en est la patrie historique. Etre libéral ne signifie pas interdire d’interdire, mais ne se résoudre à le faire qu’en dernière extrémité. Proclamer, au nom d’un libéralisme absolutiste, que tous les choix individuels se valent et que chacun fait ce qu’il lui plaît, on arrive, comme vous le soulignez à un relativisme dévastateur et à des sociétés qui se défont, car non, on ne peut pas vivre avec toutes les différences. On a le droit de définir collectivement les lignes rouges au-delà duquel votre ticket national n’est plus valable. Bien sûr, tous les Français ont le droit de vivre en France, mais pas n’importe comment. On n’a pas le droit d’exciser sa fille ou d’épouser deux femmes. On doit pouvoir se passer du burkini. Les burkineuses savent parfaitement que leur accoutrement indispose leurs concitoyens, et surtout, qu’il leur rappelle leurs ennemis, ceux qui cet été encore ont massacré des innocents. Si elles veulent tant que cela vivre-ensemble, qu’elles l’enlèvent ou se passent de plage. Un peu de courtoisie républicaine, ou de discrétion, comme l’a dit Jean-Pierre Chevènement, ne nuit pas.
Mais il semble qu’il soit compliqué de rédiger une loi anti-burkini.
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