Satisfaction pour certaines associations, perplexité pour d’autres et colère des anciens combattants : la médaille de reconnaissance aux victimes du terrorisme, créée la veille de l’attentat de Nice, divise, certains déplorant une démarche qui risque de les enfermer dans leur souffrance.
En janvier 2016, la Légion d’honneur est décernée aux quinze des 17 victimes des attaques djihadistes de janvier 2015, et pas seulement aux trois policiers parmi elles. Les deux autres, le dessinateur Georges Wolinski et au chroniqueur Bernard Maris, avaient eux été décorés de leur vivant.
« L’ensemble des victimes du mois de janvier 2015 avaient été faites chevaliers de la Légion d’honneur. Des victimes d’attentats précédents avaient la même exigence, ne comprenaient pas pourquoi leurs enfants ne pouvaient pas avoir la même reconnaissance », rappelle Guillaume Denoix de Saint Marc, président de l’Association française des victimes du terrorisme (AFVT).
Comment recevoir la plus haute distinction française, une décoration qui récompense quelqu’un « ayant fait preuve de mérites éminents au service de la nation, à titre militaire ou à titre civil » quand il s’agit de victimes ayant vécu, plus qu’agi ?
« Il fallait une décoration particulière qui honore une personne, non pas pour ce qu’elle a fait mais ce qu’elle a subi, au nom de l’État. Une médaille de reconnaissance, pas destinée à récompenser une bravoure particulière », explique Guillaume Denoix de Saint Marc.
Une question de rang
Le 13 juillet, à la veille du sanglant attentat de Nice (86 morts), un décret annonce la création de la médaille pour « manifester l’hommage de la Nation ». Elle concernera des « faits survenus depuis le 1er janvier 2006 » pour des Français ou étrangers « tués, blessés ou séquestrés lors d’actes terroristes commis sur le territoire national ou à l’étranger contre les intérêts de la République française ». Attribuée par décret présidentiel, elle pourra être décernée à titre posthume.
A l’Union nationale des combattants (UNC), on est furieux non pas sur le principe, mais sur le rang donné à cette médaille qui « arrive juste après l’Ordre national du mérite et devant les Croix de guerre ».
« Soit c’est une maladresse et il faut la corriger, soit c’est un mépris délibéré pour les combattants: il y a une différence fondamentale entre un malheureux citoyen qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment et un soldat appelé et qui risque sa vie pour sa Nation », tempête le Général Philippe Schmidt, directeur administratif de l’UNC.
« Ni nécessaire ni légitime »
Il souligne d’ailleurs que cette décision « honore plus les victimes que les combattants et dévaloriser les combattants, c’est donner raison aux terroristes ».
Si l’AFVT se réjouit, d’autres associations comme la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents (Fenvac) ne voient pas d’un bon oeil cette décoration.
« Elle n’est ni nécessaire, ni légitime », commente Stéphane Gicquel, son secrétaire général. Certes, « le but est louable, reconnaît-il, sauf que les attentes se situent à un autre niveau, par exemple, que tous les moyens soient mis sur la procédure d’enquête ». Et de rappeler la situation duale des victimes: « entre besoin de reconnaissance de l’État et colère contre lui parce qu’il a été défaillant dans sa mission protectrice ».
Risque de victimisation
D’autant qu’il existe selon lui un risque d’entretenir les gens dans « une sorte de victimisation » : « Est-ce qu’on ne va pas à l’encontre de la politique d’aide aux victimes, qui est de les sortir de là, de les aider à dépasser leur position de victimes ? »
Interrogée sur la question lors de sa venue à Nice vendredi, la secrétaire d’État à l’Aide aux victimes Juliette Méadel s’est contentée de répondre que certains avaient « besoin d’État, d’autres veulent une médaille, d’autres n’en veulent pas(…) Il y a autant de réponses que de victimes ».
Aux médailles, l’association 13 novembre Fraternité et solidarité qui regroupe plus de 600 adhérents préfère « les plaques ou les monuments aux morts » ou les « revendications plus tangibles comme l’indemnisation ou la prise en charge des soins », explique son président Georges Salines.
Voulant éviter la polémique, il estime toutefois que cette médaille pourrait compter pour « les personnes oubliées car victimes d’événements qui ont moins marqué l’Histoire ou la mémoire nationale comme le 13 novembre ou Nice ».
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