Rap, rock, soul, pop, variété, classique, jazz, électro, world music… Savez-vous à quel point la création musicale israélienne est prolifique et comme il serait bien dommage de s’en passer ! LeMag’ vous explique pourquoi…
Selon Yona Azoulay, ex-directrice artistique chez BMG-Sony en France, aujourd’hui productrice indépendante installée en Israël depuis plus de dix ans, « c’est un vaste sujet ! ». « C’est un vrai défi que de définir la musique israélienne. Ce que je peux dire, c’est qu’en bientôt 70 ans, le pays a vu se créer un tas de scènes différentes ».
Allant parfois puiser ses sources sur des rythmes sémitiques, la musique israélienne contemporaine est bien évidemment le parfait réceptacle de nombreuses influences issues de l’ensemble des diasporas juives, du Maghreb à l’Europe de l’est en passant par l’Asie pour finir ou commencer, qui sait, par le Moyen-Orient.
Généreuse, pimentée, multiple, colorée, mélancolique et spirituelle, elle s’approprie et mixe tous les sons, des chants folkloriques aux tonalités « mizra’hi », du klezmer au jazz fusion, du rock à la musique expérimentale, de la variété à la pop. « C’est une musique qui fait sans cesse des allers retours » explique Yona Azoulay, citant l’exemple de l’orchestre andalou israélien, « l’une des rares institutions nationales, créée à la fin des années 70, avec une volonté délibérée de valoriser l’identité des Juifs du Maroc. Aujourd’hui, faute de musiciens d’origine marocaine, les russes ont investi les places vacantes ! ».
S’enrichissant d’année en année, la sphère musicale israélienne regroupe une pléiade éclectique d’artistes, compositeurs, musiciens et chanteurs. Des figures emblématiques s’en démarquent, illustrant peut-être à elles seules ce qu’est la musique israélienne. Beri Sakharov, du groupe rock new wave ‘Minimal Compact’ par exemple, ou encore Ehud Banaï qui mêle avec talent le son rock des sixties au blues, à la musique folklorique et à la liturgie juive. « Une sorte de musique désormais invitée à se produire sur la scène des grands rendez-vous nationaux » confie Yona Azoulay, « tel Shaï Tsabari, artiste issu de la pure tradition israélo-yéménite, accompagné d’Ahouva Ozeri au qanûn, lors de la cérémonie d’hommage à Yitzhak Rabin, en octobre dernier. Via la musique, un nouveau mix est en train d’émerger, même si on retrouve toujours les grands classiques, Arik Einstein en tête, dans les classements des best off ! ».
Ce dynamisme de la créativité musicale est certainement la résultante d’une volonté manifeste en Israël de miser sur l’épanouissement artistique de la jeunesse. Plus que partout ailleurs dans le monde, l’accès aux études y est simplifié, comme la diversité de l’offre largement plus dense. Néanmoins, la situation se corse à l’âge adulte face à un marché étroit et à des budgets minimes, ainsi qu’à l’absence de réels statuts, de droits d’auteur, de régime spécifique de protection sociale, de syndicats… sans compter la tension sécuritaire qui interfère sur les projets au gré du temps. « Sur un marché normal, un chanteur à succès a généralement la possibilité de subvenir à ses besoins sur le long terme. Ici, la vie est rude pour les artistes qui vieillissent, rien n’est prévu pour les lendemains qui déchantent. C’est dans ces conditions que Gabi Shoushan, l’une des grandes voix
d’Israël, s’est suicidé en février dernier », déplore Yona Azoulay.
Mais si les artistes israéliens ont une forte tendance à se projeter à l’international, ce n’est pas seulement pour des raisons structurelles. Même si le réseau de diffusion est plus que limité en Israël, qu’il n’y a pas de médias culturels à proprement parler, qu’un chanteur a vite fait de rencontrer ses fans de Metula à Eilat… Le but ultime est de rayonner à l’étranger ! Un phénomène intrinsèque à la nature juive selon Yona Azoulay :
« les Israéliens tendent à l’universalité absolue et souhaitent partager leur art avec les autres. Leur ‘’ ici ‘’ est connecté au monde entier. Une conscience extrêmement présente que je ne reconnais qu’aux artistes israéliens ».
Aujourd’hui, l’israeli touch s’exporte bel et bien, et notamment dans les pays arabes. C’est le cas, par exemple, d’A-wa, trois sœurs d’origine yéménite, groupe « béni par les Iraniens », usant de sons hip-hop, de folk arabe et d’électro. Également, celui de Shefita qui campe un personnage de chanteuse arabe déjantée avec sa reprise du Karma Police de Radio Head, vue près d’1,3 millions de fois sur Youtube ou encore de Riff Cohen qui collectionne ses plus beaux succès en Turquie ; sans parler de Liraz, la nièce de la chanteuse Rita, qui peaufine actuellement un projet de disque en langue perse « qui va cartonner dans le monde arabe ! », dixit Yona Azoulay.
Avec son album original « Thru you too », entièrement composé de vidéos d’inconnus trouvées sur YouTube, ‘Kutiman’- Ophir Kutiel à la ville – est le phénomène israélien en vogue qui a conquis l’Occident en à peine deux ans. « Thru you too » a d’abord séduit les internautes avec plus de 8 millions de vues en quelques semaines.
Le groupe Balkan Beat Box, de Tamir Muskat et Ori Kaplan, fait lui régulièrement salle comble avec son chanteur énergique Tomer Yossef et sa musique d’esprit tzigane aux puissants sons électro. Et sur les planches des plus grands festivals internationaux, des artistes tels que Yaël Naïm, Keren Ann, Avishaï Cohen, Idan Raichel, Lola Marsh ou encore Asaf Avidan sont régulièrement plébiscités.
Excellente présentation et argumentation concernant un milieu artistique généralement assez fermé et plutôt confidentiel, et qui certainement mérite d’être encore plus connu positivement. On ne peut qu’apprécier, entre autre, l’allusion au manque d’organisation et structures qui pourraient améliorer sensiblement l’avenir social des artistes, qui hélas laisse parfois, sinon trop souvent, à désirer! Que vivent le Spectacle et la Musique, qui n’adoucissent pas toujours les mœurs…
Cordialement.