Créée en Israël en 1965, l’entreprise qui a révolutionné la micro-irrigation vaut désormais 900 millions de dollars. Après avoir contribué à faire fleurir le désert du Neguev, elle revendique aujourd’hui un rôle clé dans la réponse aux défis de l’agriculture de demain.
« Les petits ruisseaux font les grandes rivières », un proverbe dont Netafim, entreprise israélienne qui a fait son succès sur le goutte-à-goutte, aurait sans doute pu faire sa devise. Fondée il y a cinquante ans en bordure du désert du Neguev, elle a été parmi les pionniers, et est aujourd’hui le leader, du marché de la micro-irrigation, qui pendant ces dernières décennies a profondément façonné l’agriculture et avec elle les paysages dans le monde entier. Sa success story est étroitement mêlée à l’histoire d’Israël, dont ses produits incarnent les origines pionnières comme l’investissement dans la technologie.
Père de l’aventure, un ingénieur israélien d’origine allemande, Simcha Blass, qui au début des années 1960 développe un modèle de goutteur destiné à révolutionner l’ancienne mais encore rudimentaire pratique de la micro-irrigation.
A l’origine de l’invention, un peu de hasard… et d’observation
L’entreprise raconte que l’inspiration lui serait venue de l’observation d’un arbre de son jardin, plus fort et verdoyant que les autres de la même allée: il se trouvait justement à la hauteur d’une minuscule fuite dans un tuyau d’irrigation. L’inventeur propose son invention à plusieurs kibbutzin du sud d’Israël, région alors désertique et aride.
« Le kibboutz Hatzerim, qui était si pauvre qu’il n’avait rien à perdre, a été le seul à dire oui », racontait en février à La TribuneNatan Barak, directeur commercial de Netafim, dans le cadre d’une visite organisée par la Europe Israel Press Association. Un accord entre Blass et Hatzerim donne naissance à l’entreprise en 1965.
« Faire fleurir le désert »: et le rêve israélien devint réalité
Un an plus tard, Netafim commercialise son premier équipement, acquis par des viticulteurs du centre d’Israël et déployé sur un terrain de 1.000 mètres carrés. La même année, l’invention, promue par le ministère de l’Agriculture, est expérimentée dans quatre colonies israéliennes: elle se révèle bien plus efficace que l’irrigation par aspersion. Netafim devient ainsi l’un de principaux protagonistes du miracle poursuivi par Israël, celui de voir « fleurir le désert »: elle incarne le Moïse moderne capable de faire surgir l’eau des rochers. A Hatzerim, la micro-irrigation a par exemple permis le développement de la culture de jojoba importé du Mexique, dont l’huile est largement utilisée dans l’industrie cosmétique, et dont Israël est désormais le principal producteur.
« Dans l’agriculture traditionnelle, la moitié de l’eau utilisée pour irriguer est perdue. Le système du goutte à goutte permet d’en réduire la consommation de 50% », explique Natam Barak, qui souligne:
« Alors qu’en moyenne 70% de l’eau consommée par un pays l’est par l’agriculture, en Israël, où 70% des terres sont micro-irriguées, ce secteur consomme seulement 57% du total ».
Le goutte-à-goutte présente aussi d’autres avantages: il garantit une meilleure distribution des intrants, et permet à l’oxygène de rester dans le sol.
« Le retour sur investissement -compris entre 800 et 3.500 dollars par hectare, si la source d’eau est proche de la terre à cultiver- se fait normalement en deux ou trois ans »,assure l’entreprise.
Présence dans 110 pays, 800 millions de dollars de recettes…
Aujourd’hui, la société est connue bien au-delà des frontières israéliennes. Présente dans 110 pays, où elle irrigue 10 millions d’hectares de terres, Netafim contrôle 30% du marché mondial du goutte-à-goutte. Quelque 4.300 salariés sont repartis en 17 usines de fabrication et 28 usines subsidiaires.
« Nous essayons de produire nos tuyaux localement, afin d’exporter moins, et avons mis en place un système de collecte pour les recycler à 99% », explique Natan Barak.
Seul le goutteur, qui concentre la recherche de Netafim, n’est fabriqué qu’en Israël, dans trois sites.
En 2011, lorsque le fonds d’investissement Permira a acquis 61% du capital de Netafim, la société a été valorisée à 900 millions de dollars. En 2014, elle a enregistré un chiffre d’affaires de 800 millions de dollars. Et le kibboutz Hatzerim, dont les 500 membres conservent 33% du capital de Netafim, et dont un cinquième travaille dans l’entreprise, est désormais l’un des plus convoités d’Israël.
Un rôle clé dans l’agriculture de demain
Malgré le caractère florissant du marché de la micro-irrigation, au fil des années, l’entreprise a par ailleurs étendu son domaine d’activités. Non seulement la technologie du goutte-à-goutte est sans cesse perfectionnée. Netafim propose aussi désormais des solutions personnalisées -en fonction des cultures et de leur environnement- et clé en main, élaborées par ses agronomes et ingénieurs -incluant un kit familial utilisable par exemple dans de petites cultures des pays en voie de développement. Entre les années 1990 et 2000, elle a investi dans le secteur minier, où son savoir-faire a diverses applications. L’entreprise s’intéresse aussi de plus en plus au monitorage et à la protection des cultures: elle est depuis trois ans à la tête d’un projet de l’Union européenne visant à développer des logiciels intégrant divers types de données et facilement utilisables par les cultivateurs.
Un prix Nobel, pourquoi pas
« En tant que leader mondial de l’irrigation, nous œuvreront pour l’adoption massive de solutions d’irrigation intelligente afin de contrer la rareté de nourriture, d’eau et de terres », lit-on d’ailleurs sur le site de Netafim, qui revendique ainsi clairement un rôle central dans la réponse aux défis de l’agriculture de demain. « Face à l’augmentation de la population mondiale, à la désertification, à la demande croissante en produits animaux des pays en voie de développement, la seule solution est l’efficacité tirant parti de la technologie », précise Natan Barak. Qui déclare en être convaincu:
« Après avoir obtenu en 2013 ‘l’Oscar de l’eau’ [le Stockolm Industry Water Award, Ndlr], Netafim finira par obtenir le prix Nobel, puisque la paix a tellement à voir avec la nourriture. »
Et pendant ce temps, Marmoud et les falestiniens se creusent les méninges pour trouver avec quoi remplir leur nouveau Mumusée Falestinien à 30 millions de dollars (plus 30 autres millions de dollars détournés) financé par l’ONU…